Une noisette, un livre
La partition
Diane Brasseur
Une
partition, à la fois un partage et une division. Mais aussi une ligne
géométrique et une page de musique représentant la totalité d’une œuvre.
Toujours un ensemble même si divisé. Un peu comme une famille…
Le
roman commence par une fin, comme un tomber de rideau sur la grande scène de la
vie. Bruno K s’effondre dans une rue à Genève après avoir remarqué les jambes
d’une jolie femme. C’était le dernier chant du cygne. Il devait le soir même
retrouver enfin ses frères Georgely et Alexakis, ce dernier étant devenu un
violoniste virtuose. La musique allait les réunir et surtout dans une ambiance
festive. La grande faucheuse va les séparer définitivement.
Mais
ce n’était qu’un prélude, la véritable histoire va commencer, en plusieurs
mouvements, ils ne seront jamais perpétuels mais épouseront tous les rythmes
d’une symphonie familiale aux accents qui vont d’un vivace à un largo
déchirant.
Le
personnage central est la mère, Koula, une femme au tempérament de feu que si
Stravinsky l’avait connue peut-être aurait-il composé un ballet en son honneur,
comme l’oiseau elle irradie une lumière rouge, à la fois merveilleuse et
redoutable ; elle est peut-être aussi un peu déesse étant née sous les
cieux grecs. Elle va être à la fois le pilier de cette famille K mais également
une colonne qui peut faire s’effondrer le plafond des sentiments par sa
domination excessive sur les siens suite à une faille dès le début de la
construction familiale, ce terrible choix de ne pouvoir « tout
prendre » suite à la première séparation.
Une
histoire familiale très éloignée de celles que nous avons l’habitude de lire,
tant sur la forme que sur le fond. Ce sont des petites rhapsodies qui défilent,
comme pour mettre en appétit pour les autres qui vont se jouer avec comme fil
conducteur un court extrait des lettres de Bruno à sa mère. Diane Brasseur
dévoile beaucoup mais le strip-tease de ses personnages sera long et laissera
le soin au lecteur de deviner quelle est cette véritable confusion des
sentiments.
Les
peurs, les joies, les pertes et les retrouvailles, tout se poursuit en cascades
comme des notes sur, justement, une partition, à un rythme soutenu sans que le
lecteur d’aperçoive de, parfois, la brutalité des événements. De Koula, on sait
tout et pourtant elle reste énigmatique, seul la tonalité de Bruno résonnera
davantage dans la mise en sourdine de Georgely (l’enfant laissé à son père) et
Alexakis (né du deuxième mariage et élevé comme une fille durant ses premières
années). Et pourtant, qui sortira de l’ombre… ? Et la musique ?
Source d’épanouissement, elle aurait pu réunir la fratrie à une croche près.
Car la vie est un résumé de blanc et de noir pour une ronde de chaque destinée.
Diane Brasseur en est un chef d’orchestre de l’écriture.
« Chacun porte en
soi une mélodie »
« La vérité se
cache dans les détails comme la poussière dans les coins ».
Dans les gorges de
Porka, un arc-en-ciel s’est formé au-dessus de leur tête. Monsieur Hyacinthe
explique à Koula comment se produit le phénomène optique mais elle n’écoute
rien. Elle se fiche de la réfraction et de la réflexion. Elle ne voit qu’un
signe, un pont entre le ciel et la terre, entre les hommes et les dieux.
L’image de Hyacinthe
courant nu dans les herbes folles et hautes derrière le masque de bronze lui
revient. »
« Il y a sept ans,
Bruno K tournait dans son lit. Les concerts de musique de chambre chez Aaron
l’empêchaient de dormir.
Ce n’est plus vraiment
de la musique de chambre mais maintenant il est là, dans le salon, à quelques
portes de son lit, derrière le piano et le monde s’entrouvre. »
La partition – Diane
Brasseur – Editions Allary – Mai 2019
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