Une noisette, un livre
Matador Yankee
Jean-Baptiste Maudet
Rouler
sur les cailloux, ressentir la sueur, mordre la poussière. Bienvenue dans
l’univers de John Harper, un gringo américain matador trainant sa carcasse
entre Etats-Unis et Mexique, cette frontière de tous les dangers, de tous les
excès, de tout ce que la terre peut supporter entre rêves et désolations.
Peu
de préliminaires, on devine de suite que si John Harper ne veut pas être le
matador recevant des banderilles, il doit prendre le large sur les hauteurs car
il a une dette de jeu et risque gros face à une Roberta qui n’hésitera pas à
lui couper la queue et les deux oreilles… Un certain Antonio va néanmoins être
son garant car il a (évidemment) un service à demander : aller convaincre
les parents de Magdalena d’accepter un mariage (sans rien révéler c’est un peu
la belle et la bête façon western mais avec un dénouement qui n’a rien d’un
conte…). Il va donc aller toréer ; affronter les taureaux comporte a
priori moins de risques que de se retrouver face à face avec une panthère aux
yeux perçants !
Magdalena
est la fille du maire du village montagnard où se déroulera la corrida (dans
tous les sens du terme), un don Armando qui a pour frère Miguel qui va devenir
un peu l’ange gardien de notre John. Rodéo livresque garanti !
Un
périple qui prend de l’allure au fur et à mesure, si votre serviteur à
commencer à reculons, il a terminé par un piaffer à la hauteur du récit. On aime
ce côté burlesque qui se marie parfaitement avec les scènes plus tragiques, on
aime cette tendresse cachée derrière des personnages un peu brutaux, on aime la
référence à toutes ces âmes perdues qui traversent la frontière pour espérer un
mieux, on aime cet humour décalé qui ferait sourire une vache (oui, après tout
elles serrent bien les dents !). En subliminal, c’est un peu la vie de ces
gens qui n’ont guère le temps de penser, de s’apitoyer, qui sont parfois pris
dans l’enfer du jeu, de la drogue sans ticket de retour, cette vie où pour
certains les seuls moments de répit sont de se cuiter et baiser.
Jean-Baptiste
Maudet agite une muleta avec l’ombre de Geronimo sur cet homme qui se cherche,
un écorché sans attaches, un cabossé de la vie et qui s’imagine que Robert
Redford est son père, tant il lui ressemble… ce gringo à la mèche blonde qui rejoue
Butch Cassidy. Pourtant la référence réelle est celle de Harper B. Lee dont la
carrière de torero yankee fut mise à rude épreuve avec la révolution mexicaine
du début du XX° siècle. Révoltes ou règlements de comptes, ne jamais oublier
qu’un œil noir te regarde et pas forcément celui du taureau…
« Harper avait vu
tous les Redford, il lui ressemblait et il aimait se glisser dans sa peau.
C’était une façon simple de s’évader lorsque ça devenait trop fatigant d’être
soi ».
« Harper ne croyait
pas à la vie après la mort, encore moins au retour des morts parmi les vivants.
Cependant, s’il avait dû reconnaitre sur cette terre la venue d’un sauveur, cet
homme aurait eu le corps lacéré de cicatrices accumulées à travers les âges.
D’où qu’ils soient, ces hommes-là apparaissaient sous les traits de créatures
inimaginables que les esprits éclairés étaient bien en peine de reconnaître
parce qu’elles surgissaient toujours comme une poésie au milieu du
fracas ».
« Il aimait
traverser l’Amérique, sentir les longues nuits, voir les déserts s’étendre et
les clairières s’ouvrir (…) avaler la transaméricaine, croiser la noria des
poids lourds, dépasser Panama et les barrages nocturnes, les fouilles au corps,
la torche braquée sur le visage, les yeux ouverts, suivre les lignes en
serpent, sentir les parfums de l’Amérique, écouter battre le cœur du
continent ».
Matador Yankee –
Jean-Baptiste Maudet – Editions Le Passage – Janvier 2019
PRIX ORANGE DU LIVRE 2019
PRIX ORANGE DU LIVRE 2019
Livre lu dans le cadre
du Prix Orange du livre 2019
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