lundi 26 septembre 2022

 

Une noisette, un livre
 
Freshkills, recycler la terre
Lucie Taiëb

 


Lucie Taïeb découvre l’existence de Freshkills à New York en lisant le best-seller de Don de Lillo « Outremonde », roman polyphonique où il est question de l’enfouissement des déchets. L’autrice et traductrice est donc partie sur la côte Est des États-Unis pour constater de près ce que fut cette ancienne décharge où la puanteur régnait en maître jusqu’à sa reconversion en cours pour créer un parc au-dessus de la décharge réhabilitée. Tout sera beau, propre avec fleurs et petits oiseaux. Est-ce pour autant que la gestion des déchets sera résolue ? Non. Est-ce un moyen pour lutter globalement contre le surplus d’ordures ? Non. Masquer ce n’est pas solutionner, cacher ce n’est pas soigner.

Même si je ne suis pas toujours en phase avec Lucie Taïeb, ce récit en forme d’essai à l’immense mérite de démontrer simplement le cycle infernal de ce que nous rejetons chaque jour dans nos poubelles – pour les plus consciencieux – et de tenter de soulever la question sur le paradoxe entre vouloir nettoyer et encourager l’amoncellement des détritus. Que la maîtrise de la pollution n’est pas qu’une responsabilité individuelle, elle est principalement une responsabilité collective et encore plus de la part des gros pollueurs. Car tout n’est pas recyclé, restent les 98% de déchets produits par les grosses industries et la pollution invisible, à commencer par l’extraction des matières premières.

Un ouvrage court mais qui en dit long.

« Freshkills n’est pas une métaphore. C’est un épicentre. La grande négativité, le grand vide qui nous submerge, la vacuité, la vanité sans fin de nos existences protégées viennent de Freshkills et se propagent, comme une onde invisible, à l’infini, sur le territoire lisse et policé de la ville normalisée. Tout s’organise soudain et tout fait sens, comme une ligne, comme un fil rouge qui vient ceindre notre cou et serre : l’enfance quadrillée, surprotégée, domestiquée, l’exploitation d’une zone naturelle hybride, instable, impropre à tout, la destruction de toute vie sauvage, du braconnage et des flâneries sans but, la négation de l’ordure comme fragment organique, dynamique et en perpétuelle métamorphose, l’avènement d’un espace de loisir conforme, en attendant le retour des promoteurs, et à la récréation simulée d’un paysage à l’identique, mais sans errance, sans déviance, sans liberté – cela fait sens, et même système ».

Lucie Taiëb – Freshkills, recycler la terre – Editions Pocket – Avril 2022

 

 

 

 

samedi 24 septembre 2022

 

Une noisette, un livre
 
Quelque chose à te dire
Carole Fives

 

Photo prise dans les jardins du château d'Ainay-le-Vieil ©Squirelito

Elsa Feuillet, jeune romancière, peine à se faire une place dans l’immense jungle des livres. Elle ressent d’autant plus une frustration qu’elle est une admiratrice inconditionnelle de la célébrissime Béatrice Blandy qui vient de décéder. Elle ne rencontrera jamais son autrice fétiche, il lui semblait que la lecture de ses romans était suffisante. Elsa va pourtant la connaître indirectement lorsqu’elle devient la compagne de Thomas, veuf de Béatrice, l’amour de sa vie pour ce couple fusionnel. L’appartement est digne d’un mausolée et certaines pièces sont interdites d’accès ; ambiance quasi surréaliste pour Elsa qui ne sait si elle vit un rêve ou autre chose.

Un roman écrit tout en finesse et qui évidemment replonge le lecteur dans un univers hitchkockien pour quelques sueurs froides et un jeu de miroirs où chaque reflet projette une ombre mystérieuse. Même si l’envie est immense de lever le voile sur le dernier acte, puisse le lecteur savourer jusqu’au bout cette histoire en mots troubles. Pour qui suit la carrière de Carol Fives on connait sa virtuosité à peindre les âmes et à dessiner ce qui les entourent. Mais cette fois-ci la romancière ajoute une succulente sauce thrillesque dans le très fermé monde littéraire tout en soulevant une montagne sur l’appartenance d’un manuscrit et ses dérives comme le plagiat.

Roman qui n’est pas seulement une noisette mais également une ramée pour percevoir la face cachée des attitudes humaines et jusqu’où un amour peut porter au-delà de la mort. Carole Fives a vraiment quelque chose à nous dire entre vertiges et parfois presque des pasquinades pour le monde de l’édition.

Quelque chose à te dire – Carole Fives – Éditions Gallimard – Août 2022

 

 

 

dimanche 18 septembre 2022

 Une noisette, une rencontre


Jean-Christophe Rufin au Palais Jacques Cœur



📣📣📣📣
Réservez votre soirée du mercredi 5 octobre.
Jean-Christophe Rufin viendra présenter "Aventures heureuses" de la collection Quarto au Palais Jacques Cœur à Bourges. Avec la participation de la directrice éditoriale Aude Cirier. Séance de dédicace à l'issue de l'entretien
✍️📚

Et un 🐿️ pour animer la conversation.

"Aventures heureuses est un ouvrage qui rassemble quatre romans historiques parmi les plus grands succès de Jean-Christophe Rufin : L’Abyssin, prix Goncourt du premier roman 1997, Rouge Brésil, prix Goncourt 2001, ainsi que Le Grand Cœur, qui retrace la vie tumultueuse du bâtisseur du palais Jacques Cœur, prix du roman historique des Rendez-vous de l’Histoire 2012, et Le Tour du monde du roi Zibeline. Avec préfaces inédites de Jean-Chistophe Rufin et de Sylvain Tesson ainsi que de nombreux textes de l'Académicien, certains retranscris pour la première fois et de nombreuses photos jamais publiées auparavant. Présentation de chaque roman par Isabelle Autissier, Éloi Ficquet, Frank Lestringant et Cédric Michon.

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Pour celles et ceux qui ne pourront être présents, la rencontre sera diffusée en direct sur Facebook de Ville de Bourges et accessible même si vous n'êtes pas connecté au réseau social.

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Merci infiniment aux participants ainsi qu'à Elisabeth Braoun, administratrice du Palais Jacques Coeur et aux équipes du Palais Jacques Cœur et de la @villedebourges pour mettre tant d'énergie dans les préparatifs.
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Chaleureux remerciements également à Gaël Chênet de la Route Jacques Cœur pour sa précieuse collaboration depuis le début du projet pour mettre en place cette animation livresque.
🕰️
19h00
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Gratuit sur réservation
☎️
02 48 24 79 42
À très bientôt et noisettement vôtre,

Salle des festins du Palais Jacques Cœur © Squirelito


vendredi 16 septembre 2022

 

Une noisette, un lieu
 
Musée Marguerite Audoux
Sainte-Montaine

 

© Squirelito

Marie-Claire. Un mensuel féminin né en 1937. Mais aussi le titre du roman qui a fait connaître Marguerite Audoux – Prix Fémina 1910.

Destin incroyable pour Marguerite Audoux, née Donquichote à Sancoins, orpheline dès l’âge de trois ans, placée d’abord chez sa tante puis chez des religieuses à Bourges. C’est à Sainte-Montaine qu’elle deviendra bergère avant de s’envoler à Paris comme couturière. Mais de fil en aiguille elle va tisser des mots et s’affirmer dans un monde d’hommes.

C’est donc en toute logique qu’un musée lui est consacré, depuis 2015, à Sainte-Montaine pour retracer ce parcours exceptionnel. On y découvre des manuscrits originaux, ses meubles, sa correspondance, son travail de couturière et d’écrivaine, des photos de famille, ses amitiés avec Alain Fournier, Maurice Genevoix, Octave Mirbeau…le tout dans une conception moderne tout en respectant l’authenticité avec vidéos et bandes sonores. Prévoir une heure de visite pour prendre le temps de bien consulter tous les documents qui s'offrent au visiteur. 

© Squirelito




© Squirelito

Noisette sur l’espace, vous serez très bien accueilli par Benjamin Chausseron qui gère l’accueil du musée et qui ne manquera pas de vous parler de toutes les pépites à découvrir aux alentours de ce charmant coin qui repose à la fois en Berry et en Sologne.

Musée Marguerite Audoux – 24 rue Principale – 18700 SainteMontaine

Page Facebook


© Squirelito


« Pendant l'heure de la sieste, je montais au grenier pour lire un peu. J'ouvrais le livre au hasard ; et à le relire ainsi, j'y découvrais toujours quelque chose de nouveau.

J'aimais ce livre, il était pour moi comme un jeune prisonnier que j'allais visiter en cachette. Je l'imaginais vêtu comme un page et m'attendant assis sur la solive noire ». Marie-Claire

« J'imaginais que j'étais un jeune arbre, que le vent pouvait déplacer à son gré. Le même souffle frais qui balançait mes genêts passait sur ma tête et emmêlait mes cheveux ; et pour imiter le pommier, je me baissais, et trempais mes doigts dans l'eau pure de la source ». Marie-Claire

« Mais ce qu’elle aime surtout c’est son jardin secret. Un jardin où elle peut entrer de jour comme de nuit, ainsi que fêtes et dimanches, sans risquer, jamais, d’y rencontrer personne. Un jardin de souffrances dans lequel elle se plaît à cultiver des larmes chaudes, des regrets amers, des appels éperdus et des désespoirs sans limite. Elle y cultive encore une pensée active qui s’égare jusqu’à l’angoisse, un cœur tout broyé qui ne veut pas cesser de battre, et une âme désolée qui rôde et crie miséricorde ». Douce Lumière

dimanche 11 septembre 2022

 

Une noisette, un livre
 
Le cas Victor Sommer
Vincent Delareux

 


Trentenaire Victor Sommer vit toujours avec sa mère dans une maison à étages. Mais les exigences de sa génitrice font que le domicile est une prison pour le jeune homme. Aux services de sa mère, il ne travaille pas, ne fréquente personne excepté le Dr Adam, son psychiatre, conseillé par sa mère… Reclus. Tout simplement. Soudainement Madame Sommer disparait mystérieusement et Victor se retrouve confronté à la réalité de la vie. Perdu, il va devoir apprendre. Quand il sort de sa léthargie, il cherche en premier l’unique photo de son père inconnu…

Un roman en noir et blanc, version livresque de Frank Capra. L’intrigue commence doucement, très doucement avec une plume qui semble hésitante. Puis, progressivement, les ombres, les bruits, les gestes prennent de l’ampleur pour se confondre dans un huis-clos tendance psychotique.

Même si le dénouement se devine aisément, ce premier roman est très réussi aussi bien pour l’ambiance évoquée que pour le côté psychologique sur les relations qui peuvent devenir toxiques entre parents et enfants quand l’un prend de l’ascendant sur l’autre. Toxicité qui se répercute au-delà du cercle familial mais qui reste cachée puisque l’individu dominé n’arrive plus à sortir de cette cage sans barreaux.

Vincent Delareux promet une suite sur ces tourments de l’âme. Preuve qu’il est à la fois « vivant » et « existant » pour habiter le monde !

Le cas Victor Sommer – Vincent Delareux – Éditions de l’Archipel – Mai 2022

Livre reçu et lu pour le prix littéraire de la Vocation 2022

 

Une noisette, un livre
 
Tropicale tristesse
Jean-Baptiste Maudet

 


« Je voudrais avoir vécu au temps des vrais voyages, quand s’offrait dans toute sa splendeur un spectacle non encore gâché, contaminé et maudit »

Claude Lévi-Strauss

Jeanne Beaulieu s’inspire de l’auteur de « Tristes tropiques » pour partir au Brésil retrouver un indien yanomani en forêt amazonienne qu’elle a vu une fois lors d’un reportage à la télé. Année sabbatique en poche elle s’arme de courage pour prendre l’avion et atterrir à Sao Paulo. Très peu de bagage, juste l’envie de découvrir ce pays en espérant y trouver quelque chose de différent. Elle achète à un bouquiniste local un exemplaire du livre de Claude Lévi-Strauss et à sa grande surprise elle y trouve en parallèle une histoire d’amour inachevée. Celle de Paul et Claudia qui débute à Séville en 1992 – le lieu et la date ne sont pas anodins – pour s’achever sans aucune explication quelques mois plus tard. Des mots, des lettres, des croquis glissés dans le texte légendaire de l’anthropologue. Une double quête va se glisser dans les neurones de Jeanne en remontant le fleuve le plus célèbre du monde. Au fil de l’eau, des rencontres improbables, des personnages hauts en couleur à commencer par Big James.

Jean-Baptiste Maudet s’est glissé dans la peau d’une femme pour remonter le temps de Claude Lévi-Strauss sans jamais quitter le XXI° siècle. Prestidigitation. Non. Le talent, simplement. Et beaucoup de travail. Qui est cette femme qui s’aventure pour probablement faire un point sur son existence. Et tenter d’attraper des morceaux de liberté ? Une amazone ? Je la vois plutôt en Micaela : une apparence fragile, naïve mais qui pourtant n’hésite pas à s’engouffrer seule dans la jungle forestière ou affronter une famille corrompue jusqu’à la moëlle dans la jungle mercantile.

À travers la voie du roman, l’écrivain empreinte de nombreuses routes pour relater – sans en avoir l’air – une partie de l’histoire du Brésil, de l’époque de la fièvre du caoutchouc jusqu’aux dernières déforestations. Faits et gestes dans l’ombre de Lévi-Strauss mais aussi des Conrad, Casement, Ferreira de Castro…

Sans emphase, ce roman est un joyau, tant pour la qualité de l’intrigue que pour tous les ingrédients sémantiques, géographiques et historiques qui ont permis sa construction.

« Tropicale tristesse » ou l’art de la plume. Celle de toutes les couleurs.

« Il n’y a pas de littérature sans danse de la pluie »

« Pour tout vous dire, j’ai envie d’aller vérifier plutôt que d’écouter ceux qui savent toujours mieux que moi ce qu’il faut faire, ce à quoi il faut croire, ce qui est dangereux, ce qui ne l’est pas. J’en ai assez qu’on me parle comme ça ».

« Pourquoi ne pas laisser les mélodies d’oiseaux être des mélodies d’oiseaux ? Préservons-les parce qu’il serait insupportable que tant de beauté disparaisse et non parce que nous croyons voir en elles ce que nous sommes. Je déteste tout autant les discours qui nous poussent à persévérer dans la destruction de notre planète que les lubies accusatrices qui nous invitent à croie aux anges démagogues ».

Tropicale tristesse – Jean-Baptiste Maudet – Éditions Le Passage – Août 2022

Livre lu pour le Prix Blu Jean-Marc Roberts 2022

samedi 10 septembre 2022

 

Une noisette, un livre
 
L’air était tout en feu
Camille Pascal

 

(Photo ©Squirelito prise à la forteresse de Montrond (Cher) dernière demeure de la nièce de la duchesse du Maine, Louise-Bénédicte de Bourbon)

Un roman tout feu tout flamme pour Camille Pascal qui fait jaillir les étincelles, entre Philippe d’Orléans et la duchesse de Maine, qui ont failli faire exploser la régence pendant la minorité de Louis XV ; épisode de l’histoire française, connu sous le nom de la conspiration de Cellamare mais trop méconnu encore aujourd’hui.

Avril 1718. Un incendie se déclare près de Notre-Dame de Paris et Philippe d’Orléans envoie ses troupes afin d’empêcher tout embrasement populaire, d’aucuns croyant dur comme fer que l’incendie est un signe du ciel – en réalité l’origine est un cierge… La situation est tendue puisqu’à Sceaux puisqu'une guêpe à l’esprit vipérin projette un complot pour éjecter du trône le Régent. La duchesse du Maine n’ayant pas digéré pas que son bâtard légitimé de mari ait été écarté de toute action politique après la décision de Philippe d’Orléans de casser le testament de feu Louis XIV, testament qui avait été soigneusement contrôlé par la marquise de Montespan, mère du duc du Maine. L’ordre de la Mouche à miel est créé par Louise Bénédicte de Bourbon qui n’avait pas l’habitude de tourner autour du pot. Réunions secrètes, complots ourdis, chaque camp voulant faire jouer un Espagne-Angleterre pour asseoir ses positions au Palais-Royal, bref que la fête commence !

Entre faits historiques authentiques et esprit romanesque, Camille Pascal joue avec les belles lettres pour un jeu royal sur l’échiquier du pouvoir où une coterie affronte courtisans et frondeurs pour mener à l’échec un souverain. Une lecture aussi savoureuse que le miel mais pimentée par une plume aussi érudite qu’espiègle, aussi subtile que folâtre.

« La situation catastrophique du royaume n’allait pas tarder à réveiller la princesse de cette léthargie pernicieuse. Ruiné par une guerre interminable, l’État se trouvait au bord au bord de la banqueroute dont il était toujours sauvé in extremis par des financiers, traitants et maltôtiers, qui lui administraient de mois en mois un remède plus dangereux encore que le mal en lui faisant crédit à des taux usuraires. Il y avait urgence, car les rentes n’étaient plus payées à terme et c’était toute la bourgeoisie parisienne qui se verrait bientôt amputée d’une partie de ses revenus, ce qui n’est jamais bon pour le pouvoir ».

L’air était tout en feu  - Camille Pascal – Éditions Robert Laffont – Août 2022

vendredi 9 septembre 2022

 

Une noisette, un livre
 
L’homme qui danse
Victor Jestin

 

(Photo © Squirelito sur les hauteurs de la ville de Saint-Amand Montrond)

Ce jeune auteur avait révélé sa vocation (en remportant le célèbre prix de la Fondation Marcel Bleustein-Blanchet) lors de la sortie de son premier roman « La chaleur », sachant déjà déposer une empreinte personnelle sur cette immense plage de la littérature où chaque grain de sable risque de se perdre dans l’infini des publications. Avec « L’homme qui danse, Victor Jestin construit les fondations d’un style terriblement attachant avec des histoires qui n’ont l’air de rien et qui pourtant nous en disent beaucoup.

Arthur est un adolescent plutôt asocial, doutant beaucoup de lui-même, cette façon parfois déconcertante à se sous-estimer. Il aimerait danser, se libérer de quelque chose mais en vain. La boîte de nuit « La plage » est le ralliement de la jeunesse des bords de Loire, Arthur y est entraîné sans en prendre goût : gauche dans ses gestes et la drague est à cent lieux de ses préoccupations. Pourtant, grâce aux rencontres qui jonchent son apprentissage de la vie, l’adolescent puis l’adulte va mûrir dans cet art de s’oublier dans la nuit. Va-t-il s’abîmer ou se construire dans cette quête de l'existence ? 

Un roman parfaitement maîtrisé et qui a le don d’éveiller moult sens par les mots qui semblent constamment en mouvement malgré une certaine lenteur dans la narration. Quand la plume plonge dans l’encre de la dichotomie, l’attraction prend de la hauteur. Et puis, vraiment, que cet Arthur est attachant ! Tellement qu’exécuter quelques pas de danse avec lui ne serait pas de refus. Peut-être pour faire jaillir une étincelle de vie à l’instar de la magnifique phrase qui termine ce roman.

L’homme qui danse – Victor Jestin – Editions Flammarion – Août 2022

Livre reçu et lu pour la sélection du Prix Blu Jean-Marc Roberts 2022

dimanche 4 septembre 2022

 

Une noisette, des partitions
 
Rencontres musicales au château d’Ainay-le-Vieil

 

 


En août dernier ont eu lieu les premières rencontres musicales au château d’Ainay-le-Vieil situé au « Cœur de France » dans le département du Cher. Château souvent référencé comme la Carcassonne du Berry – les remparts, avec neuf tours, sont intacts avec un pont-levis d’une éternelle jeunesse – il appartient à la même famille depuis plus de cinq cents ans, autant dire une forteresse qui force le respect ! Les pierres ne sont pas les seuls témoins de ce patrimoine mirifique : des jardins aux moult senteurs et couleurs ornent l’ensemble du domaine, domaine que les propriétaires embellissent, transforment avec un seul but : le respect environnemental en n’utilisant aucun produit chimique et en installant progressivement ruches, nichoirs (35 actuellement dans l’allée des poètes entre la roseraie et les chartreuses), un château à insectes, sans oublier un immense grenier qui n’a pas été restauré volontairement afin de laisser les chauve-souris héberger sous la toiture à leur guise.




 

Patrimoine, histoire. La culture sous toutes ses formes. Manquait un grand rendez-vous musical. C’est chose faite. Trois journées consacrées à l’art qui était la raison de vivre de Nietzsche avec orchestre et solistes. Votre serviteur a déambulé tout le samedi après-midi autour de quatre représentations pour la modique somme de 8€50, plus exactement 6€50 grâce au Pass privilège de la Route Jacques Cœur (5€ pour un an avec des réductions sur plus de 30 sites) ; rendre la musique classique accessible à tous car en même temps le visiteur pouvait rester dans les jardins jusqu’à la fermeture du parc. Une initiative remarquable qui permet aux petits budgets de venir en famille et d’apprécier le son d’un instrument et/ou d’une voix en direct.  

 

Début du parcours, salle des archers avec… Mozart ! Qui dit mieux… La symphonie n°35 par l’orchestre du festival dirigé avec brio par David Molard Soriano avec la présentation de l’œuvre par Constance Clara Guibert qui avait quelque chose de mozartien dans la voix et le geste.



Puis, un délicieux petit conte musical, éveillant les petits et ravissant les grands, narré par la compagnie berruyère Pace – talentueuse cela va de soi – avec quelques intermèdes musicaux. Autant vous dire que lorsque la bestiole rousse a entendu les premières notes de Tosca, son panache en a frémi de haut en bas.

 


Enfin, le moment tant attendu, redouté en même temps puisque l’écureuil est sans pitié pour les ténors… Au milieu des arbustes et sous les arbres, Paul Gaugler a offert un récital allant de Faust au Pays du sourire (et combien de sourires se sont dessinés sur les visages du nombreux public présent) en passant par des mélodies de Reynaldo Hahn et des airs ukrainiens. Noisette sur la partition, un bis de toute beauté avec le fameux « Amor ti vieta » de Giordano » Heureusement, Eole avait décidé de porter ses ailes vers d’autres horizons, ce qui a permis au ténor de n’affronter que les notes sans instruments à vent ! Voix claire mais avec des intonations plus sombres pour sublimer le timbre, aucun vibrato, parfaite diction avec un phrasé de velours. Voix catalysée par l’accompagnement au piano de Yann Kerninon, justesse et précision avec ce quelque chose en plus qui personnifie chaque œuvre. Bref, je suis restée pour la deuxième séance…

 


L’ultime concert avait lieu dans l’église de Saint-Martin d’Ainay, un peu plus tard. Mais des balades musicales ponctuaient la déambulation bucolique pour agrémenter cet après-midi placé sous le signe de la beauté. Ne m’embarquant jamais sans noisettes, j’avais pris soin de prendre sous la patte « Quelque chose à te dire » de Carole Fives qui vient de paraître chez Gallimard.

19h00 arrivant, apothéose de la virtuosité avec Benoît Foiadelli au violoncelle et Fanny Robilliard au violon pour les suites et la chaconne de Bach. Les applaudissements en disaient long sur la qualité de l’interprétation et je suis restée émerveillée par l’image de cette petite fille d’environ 3 ans avec ses yeux grand ouverts sans manquer une seconde de la maestria des deux instrumentistes. Rarissime : silence de cathédrale – cela dit, dans une église assez logique – pas le moindre toussotement même pendant les brèves pauses.

 



Félicitations aux organisateurs et mécènes pour cette première édition d’une totale réussite. Chacun attend l’été prochain pour retrouver cette ambiance musicale entre un adagio fleurie, une pierre chantante et des mouvements pastoraux.


De gauche à droite : Paul Gaugler, ténor, Arielle Borne, propriétaire du château, Yann Kerminon, pianiste


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