Une noisette, un livre
Edmonde
Dominique de Saint Pern
D’Edmonde
Charles-Roux, on connait la femme de lettres, la femme engagée mais beaucoup
moins son itinéraire de jeunesse, ce chemin de résistance qui fait naitre une
femme hors norme.
La
journaliste et romancière Dominique de Saint Pern peint un portrait absolument
captivant de celle qui ne nous fera jamais oublier Palerme.
Edmonde
Charles-Roux est née dans de la soie, de la belle soie, genre shantung :
famille très aisée, père diplomate, luxe et volupté. Elle fréquente le gotha et
s’épanouit dans une tour d’ivoire avec sa sœur Cyprienne et son frère Jean,
entre Rome et Marseille. Elle se fiance avec le séduisant Camillo Caetani , en
l’épousant elle deviendra princesse. Mais nous sommes en 1938, des deux côtés
des Alpes, c’est une fureur qui pointe, Mussolini en Italie et bientôt la Vichy
pétainiste en France. Dans la famille, c’est le doute progressivement qui
s’installe : Cyprienne est devenue princesse del Drago en épousant
Marcello, proche des phalangistes et a une histoire avec le gendre du Duce.
Après avoir accepté un poste à Vichy, François Charles-Roux, le père,
démissionne sentant les odeurs pestilentielles de la collaboration. Confrontée aux errances politiques, Edmonde
subit son premier drame, la mort de Camillo en terre albanaise. Effondrée, elle
va encore s’engager davantage dans son travail auprès de la Croix-Rouge, elle qui a
déjà été blessée en mai 1940 lors de l’arrivée des Allemands par la Belgique.
Edmonde
n’oublie pas sa famille malgré les différences politiques et affrontera le
danger pour sauver sa sœur, son beau-frère et leur petit Clemente. A la
Libération, la vaillante Edmonde sera aux côtés du Maréchal De Lattre de
Tassigny et, sans le savoir, elle entendra parler d’un certain avocat Gaston
Deferre…
Par
une plume qui semble glisser comme des notes sur une partition, c’est un
chapitre d’une histoire franco-italienne qui est orchestré sous la forme d’une
biographie romancée, au son du piano de Samson François, des vocables de Louise
de Vilmorin et autres écrivains de renom.
C’est
également une formidable leçon sur les préjugés car si Edmonde skie sur les
pentes enneigées de Megève et s’habille en cachemire, elle renseigne la
Résistance, soigne des blessés, prend la main des mourants puis leur ferme les
yeux, cache des réfugiés dans le domaine des hauteurs de Marseille. Son
soupirant de l’époque, Roger de Vilmorin, fera lui aussi partie de ces
personnes qui sauveront des vies et sera élevé au rang de Juste parmi les
nations en 1990, dix ans après son décès.
Femme
engagée, rebelle, volontaire. Elle abandonna les vocalises pour des partitions
livresques mais sera toujours à l’écoute des opprimés parce que sa jeunesse à
été celle du réveil de tous les combats. Un récit à la hauteur de cette
carrière d’exception.
« Edmonde leva les
yeux au ciel. Ce mariage serait une bouffonnerie. Une commedia dell’arte où
chacun endosserait un rôle plus ou moins vraisemblable. »
« Très vite,
François avait compris qu’ils partageaient le même attachement à la
Mitteleuropa. Une part de lui-même continuait de respirer entre Vienne,
Budapest et Prague, dans l’Europe danubienne des années vingt, quand il
débutait sa carrière. Tout ce qui touchait à cette partie du monde continuait
de parvenir à ses oreilles ».
Edmonde – Dominique de
Saint Pern – Editions Stock – Février 2019
Livre lu dans le cadre
du Prix Orange du Livre 2019
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