lundi 4 mars 2019


Une noisette, un livre


 Edmonde

Dominique de Saint Pern




D’Edmonde Charles-Roux, on connait la femme de lettres, la femme engagée mais beaucoup moins son itinéraire de jeunesse, ce chemin de résistance qui fait naitre une femme hors norme.
La journaliste et romancière Dominique de Saint Pern peint un portrait absolument captivant de celle qui ne nous fera jamais oublier Palerme.

Edmonde Charles-Roux est née dans de la soie, de la belle soie, genre shantung : famille très aisée, père diplomate, luxe et volupté. Elle fréquente le gotha et s’épanouit dans une tour d’ivoire avec sa sœur Cyprienne et son frère Jean, entre Rome et Marseille. Elle se fiance avec le séduisant Camillo Caetani , en l’épousant elle deviendra princesse. Mais nous sommes en 1938, des deux côtés des Alpes, c’est une fureur qui pointe, Mussolini en Italie et bientôt la Vichy pétainiste en France. Dans la famille, c’est le doute progressivement qui s’installe : Cyprienne est devenue princesse del Drago en épousant Marcello, proche des phalangistes et a une histoire avec le gendre du Duce. Après avoir accepté un poste à Vichy, François Charles-Roux, le père, démissionne sentant les odeurs pestilentielles de la collaboration.  Confrontée aux errances politiques, Edmonde subit son premier drame, la mort de Camillo en terre albanaise. Effondrée, elle va encore s’engager davantage dans son travail auprès de la Croix-Rouge, elle qui a déjà été blessée en mai 1940 lors de l’arrivée des Allemands par la Belgique.
Edmonde n’oublie pas sa famille malgré les différences politiques et affrontera le danger pour sauver sa sœur, son beau-frère et leur petit Clemente. A la Libération, la vaillante Edmonde sera aux côtés du Maréchal De Lattre de Tassigny et, sans le savoir, elle entendra parler d’un certain avocat Gaston Deferre…


Par une plume qui semble glisser comme des notes sur une partition, c’est un chapitre d’une histoire franco-italienne qui est orchestré sous la forme d’une biographie romancée, au son du piano de Samson François, des vocables de Louise de Vilmorin et autres écrivains de renom.
C’est également une formidable leçon sur les préjugés car si Edmonde skie sur les pentes enneigées de Megève et s’habille en cachemire, elle renseigne la Résistance, soigne des blessés, prend la main des mourants puis leur ferme les yeux, cache des réfugiés dans le domaine des hauteurs de Marseille. Son soupirant de l’époque, Roger de Vilmorin, fera lui aussi partie de ces personnes qui sauveront des vies et sera élevé au rang de Juste parmi les nations en 1990, dix ans après son décès.

Femme engagée, rebelle, volontaire. Elle abandonna les vocalises pour des partitions livresques mais sera toujours à l’écoute des opprimés parce que sa jeunesse à été celle du réveil de tous les combats. Un récit à la hauteur de cette carrière d’exception.

« Edmonde leva les yeux au ciel. Ce mariage serait une bouffonnerie. Une commedia dell’arte où chacun endosserait un rôle plus ou moins vraisemblable. »

« Très vite, François avait compris qu’ils partageaient le même attachement à la Mitteleuropa. Une part de lui-même continuait de respirer entre Vienne, Budapest et Prague, dans l’Europe danubienne des années vingt, quand il débutait sa carrière. Tout ce qui touchait à cette partie du monde continuait de parvenir à ses oreilles ».

Edmonde – Dominique de Saint Pern – Editions Stock – Février 2019



Livre lu dans le cadre du Prix Orange du Livre 2019







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