Réparer les femmes
Un
combat contre la barbarie
Dr Denis Mukwege
Dr Guy-Bernard Cadière
Le
Congo n’a pas connu de paix réelle depuis plus de deux siècles et depuis la fin
des années 90 c’est une guerre, voire un quasi génocide qui se déroule dans
cette partie du continent africain. Contrairement à d’autres conflits, pas de
charniers, pas d’images de combats, ce sont des milliers de tombes solitaires,
des exactions, des massacres à petite dose mais dont le résultat est
assourdissant : quatre millions de déplacés, six millions de morts et des
milliers de vies anéanties par une arme devenue redoutable : le
viol ! Des centaines de milliers de femmes ont le corps brisé, leur
féminité envolée car non seulement il y a viol mais tout est étudié pour que
l’appareil génital féminin soit entièrement détruit. Double peine pour ces
femmes, ces jeunes filles, ces nourrissons (oui vous lisez bien) car après être
victime des pires des cruautés, ces êtres sont rejetés très souvent par les
autres car plus aucune procréation ne sera possible.
Au
milieu de ce pandémonium, un homme extraordinaire a décidé de vouer sa vie à
non seulement réparer le corps des femmes mais aussi de les accompagner dans
leur renaissance, un programme médical holistique pour apporter toute l’humanité
dont ces victimes ont besoin. Il s’appelle Denis Mukwege. Menacé, plusieurs
fois la cible de tentatives d’assassinat ou d’intimidation, il continue son
chemin et nombre de personnes l’ont rejoint dans ce combat de tous les
instants. Parmi eux, un autre médecin, Guy-Bernard Cadière, l’un des
précurseurs de la chirurgie par laparoscopie (appelée également cœlioscopie). Il
a établit un hôpital à Bukavu qui fait figure de précurseur tant pour les soins
fournis que pour toute la logistique mise en place pour accompagner chaque
patiente, c’est-à-dire, non seulement l’opérer mais lui proposer un parcours où
elle pourra renaître de l’obscurité, certaines sont d’ailleurs devenus
infirmières. Car il ne suffit pas de soigner, il faut apporter un soutien
psychologique et matériel. Denis Mukwege est non seulement un médecin des corps
mais aussi un médecin des âmes.
Ce
nouveau livre permet de découvrir à nouveau le travail plus que méritoire du
médecin congolais mais aussi de s’imprégner de ses convictions, lui l’homme qui
ne recule devant rien et dont le discours est sans ambages. Il raconte
brièvement son histoire mais s’attarde surtout sur son métier et sur la
géopolitique de son pays. Car cette guerre que l’on ne nomme pas est le fruit
de sombres ententes entre multinationales, dirigeants nationaux et
internationaux… et bandes armées : tous veulent au moindre coût toute la
richesse du sous-sol qui regorge de minerais dont le fameux coltan qui est
devenu indispensable pour la fabrication de tous les équipements électroniques.
Mais pour s’accaparer de ce nouvel or noir, on intimide la population du Kivu
(région du Congo où il est le plus présent), on réduit les travailleurs en
esclaves des temps modernes, on sème la peur. Et le meilleur moyen est de
cibler les femmes pour les réduire au néant et au rejet. Mais les hommes sont
aussi victimes de ces « dragonnades » car s’ils résistent ils sont
exécutés dans des atrocités sans nom.
Si
Guy-Bernard Cadière se destinait au départ pour la musique (il est
saxophoniste), l’idée de se consacrer à la médecine a pris le dessus et surtout
l’humanitaire ; il a été, entre autres, au Cambodge sous la bannière de
Médecins sans frontières, puis il a rejoint au début du XXI° siècle son
collègue lors d’opérations communes à l’hôpital de Panzi, épaulé d’ailleurs par
son fils. Guy-Bernard Cadière sait parfaitement ce que lutter pour sa propre
vie signifie, il a été atteint d’une leucémie et après une allogreffe il a
retrouvé progressivement la voie de la santé. Des parcours qui forcent l’admiration.
Un
livre incontournable pour essayer de sensibiliser au maximum le monde sur ces
crimes de guerre qui, hélas, sont présents dans d’autres parties du globe. Ces
médecins, et l’ensemble du personnel qui œuvrent à l’hôpital de Panzi doivent
recevoir le maximum de soutien et d’encouragements, ces derniers sont bien
faibles au niveau des hautes instances internationales, l’actualité de ces
derniers jours le rappelant : les Etats-Unis, la chine, la Russie ont vidé
de sa substance le projet de l’ONU d’un tribunal pour les viols comme armes de
guerre.
Pourtant,
quoi de plus noble que d’apaiser la souffrance (souffrance extrême vu les
sévices horribles) de ces femmes, de ces petites filles, d’un peuple. Et quoi
de plus beau que de permettre une renaissance après une descente aux enfers.
Les sourires retrouvés de ces femmes en disent long, très long sur l’amour du
prochain porté par ces médecins héros.
« Se limiter à
l’essentiel. Ne pas perdre son temps avec la petitesse, la rancœur, la
jalousie, la vengeance ».
« Ne faites pas
médecine si vous ne savez pas aimer les malades ».
« Denis Mukwege a
mis sur pied dès 2006 des équipes mobiles. Armées d’un immense courage et au
mépris du danger, elles se rendent dans les villages isolés pour rencontrer les
femmes, les inciter à venir se faire soigner à Panzi. Parfois, elles croisent
aussi des victimes isolées sur la route ou en rase campagne. Souvent, c’est
l’odeur des infections du cloaque qui leur permettent de les identifier.
Partout où elles passent, ces équipes mobiles apportent des solutions et
ressuscitent l’espoir ».
« Une situation
comme celle du Kivu doit nous faire réfléchir : voulons-nous de ce
monde ? Contrôlé par la finance au mépris de la vie humaine ? »
Réparer
les femmes – Denis Mukwege / Guy-Bernard Cadière – Editions Mardaga – Avril
2019
Quelques
liens
Fondation
Panzi : http://fondationpanzirdc.org/
Le
site de l’association créée par Céline Bardet pour lutter contre les violences
sexuelles dans les conflits : https://www.notaweaponofwar.org/
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