Une noisette, un livre
La dédicace
Leïla Bouherrafa
Dédicace :
hommage qu’un auteur fait de son œuvre à quelqu’un par une inscription imprimée
en tête de l’ouvrage. Voilà pour la définition du Larousse.
Pour
le premier roman de Leïla Bouherrafa, c’est le socle de son histoire, celle
d’une jeune auteure qui doit trouver impérativement dans les soixante-douze
heures (j’aurais pu mettre trois jours mais visuellement ça parle moins) à qui
dédier son livre. Seul problème, elle ne connaît réellement personne :
avec sa mère c’est un peu du « je t’aime moi non plus », des ami(e)s
inexistant(e)s, des amants aussi éphémères que la durée d’un rapport sexuel sans amour, le
tout dans un Paris au cinquante nuances de gris orienté vers le cendré
profond.
La
base est fixée. Pour les ornementations, l’écrivaine s’est transformée dans un
clonage entre Grumpy et le Schtroumpf grognon et qui n’a rien trouvé d’autre
que de donner comme pseudonyme de lettres à son héroïne le doublement du nom du
bichon maltais du cinquième étage : Billie. On n’ose imaginer si le chien
s’était appelé Paf ou Pouf !
Restent
les ingrédients. Ils sont dans le registre des abonnés absents (et pas comme le
numéro de téléphone d’une certaine Véronique qui devient le fil fixe de
l’itinérance littéraire) et le jeu consiste à fabriquer un plat judicieusement
mijoté avec rien. Le résultat est étonnant, curieusement très consistant,
savoureux, fumant (et pas seulement pour les cigarettes consumées pendant la
fabrication), aucunement indigeste et ce malgré les nausées récurrentes de la
protagoniste qui finit par avoir un haut le cœur aussi tenace qu’un as de pique
voulant l’emporter sur son confrère laissé sur le carreau.
Entre
une conversation avec les putes, les descriptions loufoques des habitants de
son immeuble, les errances sur l’asphalte parisien, une consultation médicale
et les petites pointes lancées ici et là sur les travers des âmes humaines,
c’est quasiment un tour de magie que de partir de rien et d’arriver à tout
(même à créer une ligne directe entre Paris et Brive-la-Gaillarde depuis la
Gare Montparnasse).
C’est
drôle, caustique, cynique mais jamais méchant. Juste quelques petites baffes
bien envoyées pour laisser le lecteur dans un état de vigilance permanent. Une
sacrée façon de décrire les tourments de la solitude, du piétinement (mot pas
choisi au hasard) permanent. Mais c’est
également une narration touchante avec un dernier acte tout en délicatesse.
« Alors que mes pas
battaient le pavé, à mesure qu’il n’y avait plus ni ciel ni putes pour retenir
mon attention, tout se mélangeait dans ma tête, l’odeur réelle de l’agrume à
celle fantasmée de la nicotine, et c’est ainsi que j’en suis venue à me
demander si j’avais un prénom de pute ».
« Leurs dos étaient
identiques si bien que j’avais du mal à les distinguer ».
« L’heure et quart
que dura la conférence est passée à une vitesse fulgurante. Les dix dernières
minutes, la conférence a fini par tourner complètement en rond. C’est comme si
nous avions pressé le citron jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. Même les
pépins avaient disparu ».
La dédicace – Leïla
Bouherrafa – Allary Editions – Janvier 2019
Livre lu dans le cadre
du Prix Orange du Livre 2019
1 commentaire:
ça a l'air assez particulier, à voir à l'occasion!
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