jeudi 14 septembre 2017


Une noisette, une association

 

100 pour 1 en Bocage

« Et si on accueillait dignement les réfugiés ? »


 


Partir. Non pas se sauver mais partir. Parce que la peur finit par envahir tout son entourage, parce que les blessures s’accumulent, dans l’esprit et la chair, parce que les bombes pleuvent, parce qu’une dictature impose un régime où le mot liberté a été supprimé du dictionnaire, parce que l’intolérance est devenue l’emblème d’une idéologie, parce que…
L’humanité s’est construite sur les déplacements. A l’origine, nous sommes tous des Africains. Puis les civilisations se sont construites sur les migrations.

La notion d’accueil, d’asile, remonte à l’antiquité. Venant du grec « asylon » (que l’on ne peut piller) et du latin « asylum » (lieu inviolable), et dès le début de la Grèce Antique le réfugié était protégé de ses ennemis. Progressivement le droit évolue et divers textes viennent conforter la notion d’asile, au départ religieux, puis laïque.
En 1793, l’article 120 de la Constitution Française prévoit un asile pour les étrangers ayant été bannis de leur pays ou ayant fuis pour absence de liberté. L’Europe du XX° siècle sera marquée par des phénomènes migratoires colossaux : 1915 et le génocide arménien, 1917 et la révolution bolchevique, les années 30/40 avec les régimes hitlériens, mussoliniens et franquistes. Au XXI° siècle, cette même Europe doit se souvenir de son passé et accueillir avec dignité les exilés du désespoir.

Des associations se mobilisent dans tout l’hexagone pour offrir un toit à ces personnes déracinées, meurtries comme un arbre auquel on aurait prélevé toute sa sève. Rencontre avec des responsables de « 100 pour 1 en Bocage » (Deux-Sèvres) qui œuvre pour toute personne à la recherche d’un refuge, d’une reconstruction de vie,  et ce, quelles que soient les origines. Crée en novembre 2016, elle a déjà pu offrir un logement à cinq familles grâce à la générosité des donateurs, du travail des bénévoles, de l’aide des associations partenaires. Au côté pratique, s’ajoute le côté pédagogique afin de sensibiliser chaque habitant sur la richesse du partage des cultures.

Interview  avec Bernard Arru, vice-trésorier de « 100 pour 1 en Bocage » et co-fondateur de la communauté Emmaüs de Mauléon et des Ateliers du Bocage.
 

Quelles ont été les bases de la création de « 100 pour 1 » ?
C’est l’association Emmaüs, et plus précisément Emmaüs Tours, qui désirait une nouvelle structure complémentaire pour améliorer la qualité de l’accueil des familles de réfugiés. Les 115 communautés Emmaüs s’appuient sur 3 piliers :

-       Les compagnons : SDF, anciens prisonniers, réfugiés ;

-       Les responsables : pour organiser l’ensemble des activités ;

-       Les bénévoles : une composante essentielle

Après celle de Tours, d’autres communautés ont adopté le concept de « 100 pou 1 » dont celle de Châtellerault qui accueille actuellement une vingtaine de réfugiés.
Puis c’est au tour du département des Deux-Sèvres de voir la création de « 100 pour 1 en Bocage » ?

Oui et 3 éléments ont entrainé cette création :

-       La demande croissante d’accueil des réfugiés en sachant que c’est l’un des fondamentaux d’Emmaüs d’accueillir les plus souffrants ;

-       La décision d’une association citoyenne, l’Atelier Mauléonnais, de mener une action vis-à-vis des réfugiés suite à une conférence au printemps 2016 « Cap sur l’immigration », c’est à l’issue de la réunion que la décision a été prise de lancer en Bocage « 100 pour 1 » ;

-       Une réponse directe à un groupe de citoyens argentonnais qui ont accueilli des réfugiés tchétchènes.
De fil en aiguille, ces 3 facteurs ont donné naissance à « 100 pour 1 en Bocage » avec l’aide des collectifs (1) dont la paroisse Saint-Jean Paul II en Bocage, un soutien particulièrement notoire.

Quels sont les besoins de l’association ?
C’est on ne peut plus simple, le besoin d’élargir au maximum le nombre de donateurs, avec 100 de plus on peut accueillir dignement une famille.

Quel est votre point de vue personnel sur des propos, que l’on entend parfois, qu’il vaudrait mieux s’occuper des SDF français plutôt que des réfugiés et des migrants ?

Nous somme attentifs à TOUT le monde. Nous suivons le concept de l’Abbé Pierre qui était d’accueillir le plus souffrant. Vouloir trier les pauvres est une attitude intolérable. Nous sommes tous citoyens du monde et s’acharner à monter les uns contre les autres est une démarche fascisante et pitoyable.

Quelle est la perception de la pauvreté en France ?
Question intéressante car elle permet de rappeler l’histoire particulière d’Emmaüs par rapport à la pauvreté, celle d’une démarche conjointe avec les pauvres, de vivre avec ces personnes, de les mobiliser, de ne pas s’apitoyer mais de les encourager à s’en sortir. Les pauvres sont ainsi les propres acteurs de la sortie de leur misère et encore davantage en se mobilisant pour les autres. Nous sommes très précurseurs dans ce qu’on appelle l’insertion par l’économie.

Où en est-on en France avec le statut de réfugié ?
Une grosse erreur a été commise le 26 septembre 1991 avec la circulaire interdisant aux demandeurs d’asile de travailler. Ce qui entraine automatiquement une plus grande dépendance et des difficultés majorées quant à l’intégration. Ce ne sont pas les conditions d’accueil qu’il faut durcir mais agir FERMEMENT sur les causes des migrations (conflits, catastrophes climatiques, le viol comme arme de guerre…).

L’une des revendications est de respecter le droit international qui défend la libre circulation des hommes et des femmes dans le monde entier. Si on respectait ce droit, qui ne concerne que quelques privilégiés, les mafias et autres profiteurs de la misère disparaitraient. En plus avec cette réglementation on empêche les gens d’arriver mais aussi de retourner dans leur pays d’origine si la situation s’améliore, ce qui est un comble ! Donc, militer pour un droit à la libre circulation pour mettre fin aux conditions inhumaines de traversée et de survie.
Une conclusion ?

Tout le développement de l’humanité s’est construit sur les nombreuses migrations, ce qui a créé la richesse de nos civilisations.


Interview avec Norbert Béalu, président de l’ARDDIB (2) et membre du collectif « 100 pour 1 en Bocage »
 

Comment est née l’ARRDIB ,
L’origine remonte en juin 2008 lorsqu’une famille sénégalaise était sous la menace d’une expulsion. L’une des filles était amie avec la fille d’un gendarme et, à titre personnel, il ne se voyait pas être obligé de venir retirer cet enfant  de cette école . S’est créé un comité de vigilance puis un statut officiel et similaire à l’ARRDI de Niort. Nos deux objectifs sont clairs : la défense des droits des immigrés dans leurs démarches et un plaidoyer pour une évolution positive du statut de l’étranger.

Et votre adhésion à « 100 pou 1 en Bocage » était évidente ?
Oui parce que nous avons une riche expérience de la rencontre avec des migrants. Je connais chaque situation, chaque motivation qui n’est pas toujours que « conflictuelle » mais aussi culturelle ou religieuse. Je pense notamment au sort des femmes… Mais ce sont des situations complexes auxquelles il faut faire preuve de grande discrétion car on aborde l’intimité des personnes.

Il y a l’aide mais aussi un rôle pédagogique pour faire prendre conscience de la misère migratoire et en même temps positiver sur la richesse apportée ?
J’ai créé avec mes collègues solidaires un « Cercle du Silence », une réunion publique et régulière pour montrer notre soutien aux migrants. Mais il y a tout de même une prise de parole, des chorales, lecture de poèmes. C’est une façon de dire aux migrants qu’on pense à eux et, également, d’envoyer un message positif, montrer que l’immigration n’est pas une catastrophe, telle cette histoire en Calabre, un « regain » du XXI° siècle où grâce aux immigrés un village renait. Ce n’est pas de l’utopie, c’est la réalité.

Au fil du temps, vous avez dû rencontrer des parcours incroyables, des histoires tragiques mais certaines très belles également ?
C’est justement une incroyable richesse que d’aller vers l’autre. J’ai en mémoire l’histoire de ce jeune homme africain qui a été obligé de fuir de son pays pour sauver sa peau à cause de l’absence totale de justice face aux expéditions punitives. Désormais, après des dizaines de péripéties il vit en France et a fondé une famille.

Je mentionnais les cas douloureux par rapport à la violence envers les femmes. Lors d’une mission de coopération au Togo avec le programme « Wildlaf West Africa », j’ai rencontré deux femmes exceptionnelles dans un petit village reculé (Klonou) qui ne cessent de rassembler la population pour lutter contre les mariages précoces et forcés. Le travail d’aide, de sensibilisation, se fait partout, en France comme sur le terrain.
Quel est le message que vous voudriez faire passer aux futurs donateurs de « 100 pou 1 en Bocage » ?

Nous avons déjà réussi à accueillir 5 familles mais d’autres sont en attente. Mais si chacun y met un peu du sien, même à petite dose, nous arriverons à former une formidable chaine de solidarité. J’en profite pour souligner que les réactions d’entraide que nous avons sur le territoire du Bocage nous amènent à continuer notre travail, par rapport à d’autres régions nous bénéficions d’une culture chrétienne à tendance progressiste qui cultive la solidarité. Je le dis d’autant plus avec objectivité que je suis de philosophie agnostique !
Une conclusion ?

Justement, cette solidarité rencontrée me motive pour continuer le combat. Accompagner les migrants, les réfugiés est plus qu’enrichissant, mon souhait étant que chacune de ces personnes blessées puissent retrouver le goût de la vie.

Interview avec Yvonne Bodet, responsable du collectif de l’Argentonnais de « 100 pou 1 en Bocage » et membre de CCFD Terre Solidaire



Pourquoi cet engagement personnel envers les réfugiés ?
Même si c’est dans mon esprit depuis toujours d’aider celui qui souffre, les premiers pas viennent de mes filles Marie et Guénaelle . Marie est justement là et va vous en parler.

Marie : Tout part de l’actualité et de cette terrible guerre en Syrie avec ce sentiment d’impuissance. J’ai laissé à disposition une chambre pour l’association « Welcome ». Puis au fur et à mesure, une envie de m’engager comme citoyenne pour suppléer aux manques des gouvernements. J’ai donc créé un collectif où j’habite (Beaugé dans le 49). Dans le même temps, ma sœur Guénaelle a ouvert sa porte à une famille d’albanais que j’ai ensuite pris en charge avec toutes les difficultés administratives que vous pouvez imaginer. Quant à Maman, déjà très impliquée dans son secteur D’Argenton Les vallées, elle a accueilli aussi une famille d’albanais puis de tchétchènes. Nous sommes une famille unie dans la solidarité pour les autres.
Yvonne : J’étais effectivement déjà membre et correspondante pour CCFD Terre Solidaire mais là j’ai frappé à toutes les portes possibles pour encourager d’autres personnes à me suivre. J’ai ainsi reçu le soutien du Maire de la commune et le collectif de « 100 pour 1 en Bocage » a pris forme avec l’accueil de cette famille tchétchène. C’est un formidable travail d’équipe où le mot d’ordre est celui de la solidarité.

En tant que responsable d’un collectif, quels sont vos rôles ?
S’occuper de la famille, préparer un budget qui sera approuvé lors du Conseil d’Administration, donner des cours de français, établir les liens avec l’Assistance Sociale, créer un réseau de jardinage pour l’entraide, effectuer les démarches et le suivi de la scolarisation des enfants. C’est un énorme travail mais c’est aussi très motivant de voir que des personnes nous rejoignent afin d’apporter leurs propres compétences pour accueillir le mieux possible ces personnes en détresse.

Vous semblez, comme vos autres « collègues », extrêmement motivée dans la poursuite de vos actions ?
Oui car il y a une beauté qui s’en dégage. Cette énorme participation des uns et des autres, et, s’apercevoir qu’il y a de la générosité et de l’engagement autour de soi. J’aimerais convaincre d’autres personnes à venir rejoindre cette association, d’ici ou d’ailleurs, car elle a la particularité d’être soutenue par d’autres associations et nous formons ainsi une véritable toile citoyenne et responsable.

Une conclusion ?
C’est un combat difficile à mener mais il faut avancer avec ses convictions et c’est en accumulant toutes ces petites gouttes d’eau que l’on va arriver à transformer la sécheresse des âmes en un immense océan de renouveau. Continuer en positivant et montrer que les belles choses et initiatives existent aussi. Sans jamais avoir peur de l’autre.

 Le mot de la Présidente, Valéry-Anne Fiolet

Notre association « Cent pour un en Bocage » vient en aide aux réfugiés qui sont déjà sur notre territoire en leur permettant d'avoir un toit, les accompagne dans leurs démarches et leurs besoins dans la vie quotidienne grâce aux partenariats d’autres associations humanitaires (Secours Catholique, Secours Populaire, Emmaüs...).
Nous sommes fiers que la France, à travers nos bénévoles et donateurs, soit un lieu où l'on accueille dignement les réfugiés.
Soyons tous des gouttes d'eau dans notre fleuve de l'espoir en contribuant chacun à sa hauteur.

« Etranger, tu n’es pas un homme vulgaire  ni privé de raison (…), puisque tu es dans cette île, tu ne manqueras ni de vêtements, ni de tous les secours que l’on doit aux malheureux voyageurs qui viennent implorer notre pitié. Je t’enseignerai le chemin de la ville et je te dirai le nom du peuple qui l’habite. (…) Pourquoi fuyez-vous à la vue de cet étranger ? Pensez-vous donc que ce héros soit un de nos ennemis ? Non. »
Nausicaa – Odyssée, chant VI – Homère

(1)  Liste des associations partenaires : l’Atelier Mauléonnais, CCFD Terre Solidaire, Paroisse Saint-Jean Paul II en Bocage, Secours Catholique, Voir plus L’Ouin, Communauté Emmaüs.

(2)  ARDDIB – Association pour la Reconnaissance et la Défense des Droits des Immigrés en Bocage.
 
 

 

 

 

 

 

 

Aucun commentaire:

  Noisette saint-amandoise Pour Noisette livresque   Il était une fois au cœur de la France, une ville entourée de petites collines ...