dimanche 10 septembre 2017


Une noisette, un livre

 

 

La tête et le cou. Histoires de femmes russes.

 

Maureen Demidoff


 

Il y a des ouvrages qu’il faut lire jusqu’à la dernière ligne pour pouvoir émettre la moindre opinion. C’est le cas de l’essai de Maureen Demidoff, « La tête et le cou » dont le titre est tiré d’un proverbe russe « L’homme est la tête, la femme est le cou. La tête regarde où le cou tourne ».

Excepté l’avant-propos où l’auteure explique le déroulement de son enquête et sa démarche effectuée, elle ne s’implique en aucun moment dans les 15 entretiens réalisés, à l’instar d’une caméra qui laisse son interlocuteur parler sans aucun commentaire journalistique. Ces quatorze femmes s’expriment librement sur leur vie, leur famille, leurs regrets, leurs espoirs, leur ressenti sur la société/nation russe. Et nous, humbles lecteurs, nous avons le choix d’en tirer des conclusions ou non.

Le panel sélectionné a le mérite d’être hétéroclite, que ce soit pour l’âge ou l’origine sociale. Mais dans l’ensemble on ressent un désœuvrement de la femme russe qui est plongée dans une gigantesque ambiguïté, par exemple, entre le désir de s’affirmer, de s’affranchir, et en même temps, d’avoir un père, un mari qui les protège. L’amour est l’un des grands absents dans ces divers discours. Pourtant la Russie regorge de romans à la gloire de la femme, de sa richesse amoureuse, de son pouvoir ; peut-être due à l’absence d’une loi salique. Par contre, un sentiment quasi unanime plane dans leurs cœurs ; celui d’appartenir à une grande nation avec parfois l’oubli d’un passé peu glorieux de la classe dirigeante et de sa « nomenklatura ». Le récit de Marina fait un peu bondir, d’après elle tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes au temps de l’URSS et de ses républiques attachées. C’est occulter évidemment, entre autres, le sinistre Holodomor  en Ukraine (même si le caractère intentionnel de cette famine fait toujours débat) ou le terrible Jeudi Noir à Bakou.

Autre fait marquant, l’idéalisation de Poutine comme homme parfait incarnant pour la plupart des femmes la virilité absolue… L’unique témoignage masculin, venant du psychanalyste Mikkail, apporte des réponses édifiantes sur le sujet. A noter deux phrases absolument révélatrices et remarquables « Il y a le discours et la réalité » ; « Les vérités se cachent toujours bien au-delà des apparences ».

Enfin, la postface d’Hélène Yvert-Jalu offre une plus-value non négligeable sur la compréhension d’une société russe complexe, celles d’avant-hier, d’hier et d’aujourd’hui.

La tête et le cou, histoires de femmes russes – Maureen Demidoff – Editions des Syrthes – Août 2017

Livre reçu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices Elle 2018
 
 
 

2 commentaires:

Virginie Vertigo a dit…

Un ouvrage qui m'intéresse bien... Le prix ELLE permet de découvrir de bons documents.

Squirelito a dit…

J'ai aimé cette approche de laisser libre la parole. Quant au prix Elle, il ne fait que commencer mais c'est une aventure fantastique. il y a essai en lice sur la Syrie et j'espère qu'il sera sélectionné. Permet de découvrir des ouvrages et ensuite de partager nos lectures.

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