Une noisette, un livre
La pomme ne tombe pas
loin du pommier
Bertrand Redonnet
L’homme
est ses mystères. L’homme et les civilisations. L’homme et les tourbillons de
l’humanité et de… l’inhumanité. Avant-hier, hier, aujourd’hui, demain et
après-demain. La terre est une grande roue avec des peuples qui l’actionnent
souvent contre sa volonté.
C’est
ce qui ressort de la lecture du nouveau roman de Bertrand Redonnet avec une
phrase qui claque, qui interpelle, qui résonne sur l’échelle de l’évolution
humaine : « En creusant de plus
en plus profondément la terre sous nos racines, nous découvrons finalement que
nous sommes tous des exilés. Notre identité, celle que nous défendons bec et
ongles comme on défendrait un rempart contre l’invasion, n’est que le reflet
emprunté à quelques siècles d’histoire ».
De
la Pologne à la Nouvelle-Aquitaine, c’est l’histoire d’un couple, Wladyslaw et
Zosia, qui après les avoir combattus, fuit les ennemis, noirs puis
rouges, et se retrouve près de l’Océan Atlantique espérant atteindre les
Etats-Unis. Mais c’était sans compter sur Nestor, paysan solitaire cherchant
des bras pour l’aider à cultiver. Ne pensant rester que quelques mois, les deux
exilés se sont éteints sur cette terre charentaise sans jamais revenir sur
Pogorzelce. Seul un verger avec des pommiers avait été reproduit à l’identique.
Verger où on découvrit des années plus tard une sépulture antique lors d’un
projet autoroutier. D’où venaient ces personnes dont on retrouve leurs os plus
de deux mille ans plus tard ? C’est la question que se pose le fils, Zbyssek,
qui décide de retourner sur le sol de ses ancêtres et comprendre ce qu’étaient
vraiment ses parents, eux qui ont fait partie des « soldats
maudits », une page oubliée de l’histoire polonaise, comme beaucoup d’autres,
dans ce pays écartelé, tantôt à l’ouest, tantôt à l’est, et dont le mot liberté
s’est envolé sur les plus hautes cimes de la forêt slave.
Une
belle ode à la nature et à la tolérance, cette nature qu’il faudrait protéger
car elle seule est témoin de l’histoire des peuples, elle seule voit les
civilisations naître, grandir et partir, elle seule peut se rendre compte que
l’homme ne retient rien de l’histoire et qu’il continue à se déchirer à travers
les siècles, elle seule sait que nous venons tous d’une mixité génétique et que
la notion de « race » est une absurdité notoire. Bertrand Redonnet à
l’art d’observer, d’étudier et grâce à sa plume particulière, il entraîne le
lecteur dans une sagesse humaine sublimée par la poésie du verbe. Si beaucoup
de mélancolie (voire parfois des sentiments crépusculaires) parfume les pages
de son roman, on peut y voir aussi la beauté d’un raffinement réfléchi qui
permet au miroir de la vie de se reconnaître dans cette marche de l’histoire de
l’humanité.
« Il y avait quelque
chose d’impénétrable, tel un changement radical de monde, et ce, sans doute
parce qu’il leur avait été donné de rencontrer, de la cruauté des fauves à la
bonté des ingénus, les deux extrémités que peut atteindre l’âme humaine. »
« Tous ceux qui se
sentent orphelins sur terre, tous ceux, de plus en plus nombreux, qui
vagabondent dans un jardin détruit qu’ils ne reconnaissent pas, devraient venir
se recueillir ici, devant ces enchevêtrements de bois morts qui donnent la vie
à des multitudes d’autres vies, éternelle résurrection, et devant ces chênes et
devant ses sapins multiséculaires qui taquinent le haut du ciel. »
« Le vivant et le
mort, le dionysiaque et le sépulcral, le difforme et le parfaitement galbé, tout
s’entrelaçait et se confondait dans l’unité de cette forêt vestige des âges
primaires. »
La terre tourne nuit et jour
L’eau de pluie se change en nuage
Et le nuage tombe en pluie »
La pomme ne tombe pas
loin du pommier – Bertrand Redonnet – Editions Cédalion - Août 2017
Vous pouvez retrouver Bertrand Redonnet sur son blog ici
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