Une noisette, un livre
Dans les angles morts
Elizabeth Brundage
Des
âmes sombres, un paysage gris, une ferme abandonnée, des fantômes, des cris,
des pleurs, des doutes… et un crime. Elizabeth Brundage, en peintre des mots, a
mis tous les composés pour peindre et ausculter tout ce qui peut amener un être
humain à l’inimaginable. Mais peut-on parler de roman noir lumineux ? Probablement
avec cette fresque « Dans les angles morts » car la noirceur des
contours et de l’un des personnages principaux est enveloppée d’une plume
brillante qui fait rayonner les facettes tourmentées et obscures d’un animal
appelé Homo Sapiens.
Georges
Clare, un universitaire issu de la bourgeoisie newyorkaise achète une ferme
dans le Colorado sans dire à sa femme, Catherine, que les précédents
propriétaires se sont suicidés. Huit mois plus tard, George passe chez ses
voisins pour leur dire qu’il vient de trouver son épouse assassinée en rentrant
chez lui mais que leur petite fille Franny est saine et sauve. Que s’est-il
réellement passé ? Le shérif Travis Lawton soupçonne de suite le mari, mais
la réalité sera plus abstraite que les apparences…
A
partir du meurtre l’auteure repart en arrière afin de croquer les différents
chemins de vie de chaque protagoniste faisant de cette histoire sombre un
thriller psychologique aux touches pigmentées pour offrir au lecteur une
palette vertigineuse, allant d’un psychopathe déconcertant jusqu’aux formes
d’un ectoplasme.
Le
tout nuancé par une écriture en glacis avec un savant équilibre entre l’ombre
et la lumière, une plume imitant le pinceau du clair obscur pour mieux jouer
sur les contrastes et ce qui oppose chaque personnage.
Une
fresque intime qui donne une perspective sur les non-dits, les secrets, les
blessures qui ne se referment jamais, les tourments de l’enfance, l’errance
d’orphelins et la force des esprits pour à la fois humilier, cacher mais aussi
combattre, continuer…
Le
récit se termine encore plus magistralement qu’il avait commencé. Du Woody
Allen sur papier pour un livre à encadrer !
« Tous deux étaient
versés dans l’art. Des passionnés d’histoire, qui admiraient l’authenticité.
Ils étaient sensibles à la beauté, à l’élégante géométrie de la composition, à
la matière capricieuse qu’était la couleur, au spectacle de la lumière. Pour
George, le trait constituait la narration ; pour Catherine, c’était une
artère reliée à l’âme. »
Dans les angles morts –
Elizabeth Brundage – Traduction : Cécile Arnaud – Quai Voltaire pour les
Editions de La Table Ronde – Janvier 2018-02-18
Livre
lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices Elle 2018
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