Une noisette, un livre
En camping-car
Ivan Jablonka
Il
y a des livres qui ne demandent qu’une chose : qu’ils soient relus.
Comme
en camping-car, on circule, on navigue, on se promène et soudain, on passe sans
s’arrêter, sans demander, sans prêter une réelle attention. Et pourtant, existe
à chaque coin de la terre comme à chaque coin de page, le détail qui fait tout
basculer.
C’est
l’histoire d’un jeune garçon qui découvre les richesses du monde de façon
complètement libre, qui va flâner sur des chemins détournés avec une phrase qui
résonne dans sa tête « Soyez heureux ». Cette phrase, c’est celle de
son père qui désire que ses enfants saisissent le bonheur, parce que lui a
parfaitement conscience que c’est un concept fragile… ses parents ont disparu,
assassinés dans l’horreur de la Shoah.
Alors,
on part sur les routes de France et de Navarre, on goûte à une liberté totale,
au camping sauvage, aux circuits improvisés. Parfois, le récit donne
l’impression de partir dans tous les sens, mais dans la tête d’un jeune enfant,
comment peut-il en être autrement… Le sanctuaire d’Asclépios, la magie des voix
des Arènes de Vérone, ce sera pour plus tard, on ne s’attarde pas, on s’initie
simplement.
L’écriture
est agréable, à la fois sobre et élégante et la fin du document laisse une
impression de plénitude. Ces notions de bonheur et de liberté sont piquantes et
si réelles. Chacun, selon son parcours de vie, selon les ectoplasmes psychiques
qui l’entourent, ne va pas réagir de la même façon, ne pas goûter les mêmes
saveurs, ne pas complètement savourer le bonheur parce qu’il y a un passé, une
blessure, un néant. S’ajoute une approche sociologique intéressante,
pertinente, même si, parfois, se glisse une légère tendance à
l’amalgame ; mais comment résister à cet hommage vibrant à des parents
pour qui « vivre est un acte de résistance.
« Je savais donc,
et pour le restant de mes jours, que le monde était beau, que j’en avais
presque rien vu, qu’il me restait une infinité de choses à découvrir, à lire, à
contempler, à entendre ou à manger. En observant un marchand sur son âne, un
pêcheur reprisant ses filets, un artisan qui poinçonne une sacoche, un garçon
qui marche pieds nus à travers les palmiers pour regagner sa maison en pisé,
mais aussi en rencontrant d’autres touristes (…) je mesurais ma finitude. Il y
avait mille façons d’être humain. »
En camping-car – Ivan
Jablonka – Editions du Seuil – Janvier 2018
Livre
lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices Elle 2018
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