Une
noisette, un livre
Monsieur
Romain Gary (Tome 1 et Tome 2)
Kerwin
Spire
Incroyable !
On croit tout connaître de Romain Gary et un jour on découvre la formidable
biographie romancée de Kerwin Spire. Comme une première fois. À ce jour, deux
tomes : l’un pour le Gary consul général de France, l’autre pour le
réalisateur/écrivain. Un troisième terminera la vie de cet incontournable
figure française qui aimait la France comme si un sang tricolore avait coulé
dans ses veines.
Le récit débute à la fin des années cinquante lorsque l’écrivain arrive à Los Angeles pour occuper le poste de consul général de France. L’Amérique, l’Amérique… il l’a eue. Était-ce un rêve ? Pas forcément. Mais ce sont durant ces années que le personnage s’est affirmé, sans toujours pourtant savoir où aller, sans savoir où rester. Sans savoir qui il est, et, côtoyer Hollywood va accentuer cette sensation d’identité multiple. Son couple avec Lesley Blanch bat déjà sérieusement de l’aile, elle reste néanmoins le socle de l’homme volage. Jusqu’à ce qu’il rencontre Jean Seberg. Une nouvelle histoire commence – et le deuxième tome aussi – loin des ors de la République mais sous les projecteurs des plateaux de tournage. Avec plus ou moins de réussite. Quant au diplomate ou plutôt l’idée qu’il se fait de la diplomatie est toujours bien présente, libéré de la fonction officielle il peut exprimer véritablement le fond de sa pensée.
Si le personnage de Romain Gary reste insaisissable, l’homme a été d’une fidélité sans faille à ce qu’il admirait le plus : la littérature et le général de Gaulle – il nommait ce dernier « un chevalier du Moyen Âge » dans toute la noblesse du terme –. Et par ricochet, à André Malraux.
Oscillant entre récit, citations et dialogues plus ou moins réels, Kerwin Spire a su recréer par la fiction le personnage de l’écrivain diplomate en conservant sa pensée, son humour et sa vision du monde. Avec une écriture qui virevolte sans jamais alourdir la moindre description. Personnage doté d’un courage exemplaire, d’une intelligence hors norme et d’un cerveau bouillonnant d’idées, on se demande si toutes ces qualités ne finissaient pas par l’embrouiller lui-même et réveiller des blessures cachées depuis l’enfance. Quant à sa vie affective, elle ne l’aidait guère…les grands séducteurs étant souvent passablement tourmentés.
« Dans le quotidien de leurs existences, Camus et Gary empruntent le même chemin entre espoir et désespoir, exaltation et mélancolie. Ils ont le goût du théâtre, des femmes et de la Méditerranée. Et ils sont aussi hantés par la mort et le suicide. Et c’est de cette ligne de crête que naît le tragique de leur condition. Camus et Gary sont deux hommes simples qui n’appartiennent pas au sérail. Deux hommes seuls, dans le Paris d’après-guerre. Deux frères d’armes, dans les combats politiques, et deux frères de plume dans les luttes littéraires. Deux âmes sombres et deux étoiles noires qui brillent dans la constellation de la N.R.F. Un an après le Goncourt, Albert a le Nobel et Romain pleure de joie ».
« L’Amérique n’a pas perdu un père, elle a perdu un fils… écrit-il. Il importe peu de savoir si c’est l’extrémisme, le fanatisme ou la bêtise d’extrême gauche ou d’extrême droite qui ont abattu le président : il nous suffit de savoir que l’extrémisme, le fanatisme et la bêtise sont l’ennemi. C’était l’essence même de la pensée politique de John Kennedy, et ceux qui se réclament déjà de sa mémoire ne devraient pas avoir de préférence lorsqu’il s’agit des assassins ».
C’était dit. Écrit. Bien loin des indignations à géométrie variable.
Monsieur Romain Gary, à lire pour retrouver les racines de l’espérance. Surtout quand les aubes virent au crépuscule.
Monsieur Romain Gary – Écrivain-réalisateur – Tome 2 - Éditions Gallimard – Novembre 2022
par Kerwin Spire
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