Une
noisette, un livre
Le
bureau d’éclaircissement des destins
Gaëlle
Nohant
International
Tracing Service. ITS. Trois mots, trois lettres pour le plus grand centre de
documentation de la Shoah. Une mémoire vive pour les victimes, un centre
d’histoire, un lien pour les familles, un devoir pour l’humanité. En 2013,
l’ITS a intégré le Patrimoine documentaire mondial de l’UNESCO. Désormais
appelées les Archives Arolsen depuis 2019, c’est dans cette même ville que nous
faisons la connaissance d’Irène, cette française qui travaille avec dévotion à
la recherche de documents pour montrer au monde le pandémonium nazi. Vingt-cinq
ans après son arrivée, une nouvelle mission lui est confiée : restituer
les milliers d’objets que le centre a hérité après la libération des camps de
l’horreur. Vaste gageure…
Gageure de retrouver des survivants, gageure de retrouver les descendants des victimes, gageure de ne savoir quelle sera la réaction des personnes contactées. Gageure de ne pas flancher face aux émotions. Fiction humaine dans l'inhumaine réalité.
Progressivement, le lecteur fera connaissance avec Irène, son fils, ses collègues de travail. Puis, viennent les histoires, toutes aussi bouleversantes : du petit Pierrot jusqu’à cette femme non juive qui aurait pu survivre mais qui a préféré accompagner un petit garçon juif dans les fournaises de la Grande faucheuse nazie. Et d’un destin en découle un autre : celui des enfants arrachés à leurs parents pour en faire de vertueux aryens auprès de familles adoptives minutieusement choisies.
Une lecture évidemment pesante mais qui permet d’avoir une vision du travail de fourmis des services des archives de guerre, et, de toutes les atrocités que des hommes commettent. Gaëlle Nohant – qui raconte avec une franchise rare – a fourni un immense labeur en rendant hommage aux victimes et à ceux qui font tout pour que leurs traces ne s’effacent jamais. Grâce à une écriture très fluide, le lecteur peut se retrouver dans ce dédale.
Ah, pour alléger l’ambiance, une note de fantaisie : je n’aurais pas choisi le même galant pour Hélène…
« Le sourire de Stefan s’efface. Malheureusement, l’antisémitisme n’est pas mort avec Auschwitz. Pour s’en rendre compte, il suffit de parcourir les archives du Comité des Juifs de Pologne, qui assistait les rescapés après la guerre. Menacés, parfois assassinés à leur retour, les survivants ont été très mal reçus. Les communistes n’étaient pas un recours. Des policiers et des fonctionnaires d’État ont participé aux pogroms de Kielce et de Cracovie. La majorité des Juifs qui avaient survécu à la Shoah ont quitté le pays ensuite. Ils avaient peur. En 1968, le gouvernement [polonais] les a expulsés au terme d’une cabale médiatique ».
« Chaque pays impose un roman national. Le choix de ses héros et de ses victimes est toujours politique. Parce qu’il entretient le déni et étouffe les voix discordantes, ce récit officiel n’aide pas les peuples à affronter leur histoire ».
Le bureau d’éclaircissement des destins – Gaëlle Nohant - Éditions Grasset – Janvier 2023
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