samedi 8 septembre 2018


Une noisette, un livre


 Simple

Julie Estève 



Simple. Simple comme une histoire. Simple comme l’apparence. Simple comme les préjugés… Et pourtant, complexe de l’incomplexe. Complexité de l’humain, des richesses des différences trop souvent incomprises.

Il a un nom, un prénom. Mais dans ce village corse, on l’appelle le « baoul » ou « le mongol, le débile, une merde, une graine de con », une longue liste, tant  Antoine Orsini a entendu d’insultes dans sa vie.
Sa mère est décédée à sa naissance (considéré avec charité comme l’infâme responsable de la mort de sa génitrice), son père n’a d’amitié que pour l’alcool, son frère et sa sœur font le service minimum envers lui… Au départ définitif de son père, il continuera d’habiter la maison, sans eau, sans électricité. Sans rien. Rejeté parce que simplet, du moins en apparence.
Ah si seulement Madame Madeleine avait vécu plus longtemps. Elle seule savait lui rendre sa dignité. Grâce à elle, on l’avait enfin appelé par son prénom à l’école. Il y pense toujours à sa dame de cœur, lui apporte des fleurs sur sa tombe. Il est si seul, ses interlocuteurs étant une chaise plastique trouée et son fidèle Magic. C’est peu, trop peu. Pour lui, c’est déjà beaucoup.

Il se débrouille comme il peut, il a cette intelligence que les autres n’arrivent pas à saisir, à comprendre. Avec rien, dénué de tout et malgré ses chagrins,  il arrive à trouver de la beauté dans la vie : dans les arbres, les fleurs, dans Florence, une jeune fille qu’il aime mais ce sera un secret. La mère de la jeune fille, la « vieille » ne peut encadrer ce « vaurien », une haine si tenace qu’elle ira jusqu’à cracher sur sa tombe ! Pourtant, jusqu’au bout Florence a continué à parler à Antoine, jusqu’au jour où on retrouve son corps dans la forêt. Morte avec une balle dans le ventre. Le coupable idéal sera vite proclamé, forcément… lâchement. Et pourtant…

Julie Estève fait de ce « baoul » un héros, car oui les héros peuvent être fragiles, de cette fragilité sort une force incroyable. Qui supporterait autant de rejet, de moqueries ? Pas toutes ces personnes qui se croient supérieures… Malgré une sémantique et une syntaxe rudes, ce roman est un livre de poésie, une ode à la tolérance et une leçon d’humilité. Tout ce qui brille n’est pas or et tout ce qui semble terne peut devenir lumineux.

« Moi j’aime bien m’asseoir en hauteur pour la vue. D’ici les hommes, y sont tout petits, ils ont des maisons qui sont toutes petites avec des bagnoles toutes petites. Le village il est tellement petit qu’il tient dans ma main. Et quand je ferme le poing, y a plus de village, y a plus rien ! Effacé, plus là ! Dans le coin, je suis peinard. Le ciel est transparent. Une buse grise danse. »

« Magic connaît ma vie par cœur et il est au courant pour les autres et les secrets. Il sait comme personne ce que je préfère au monde, madame Madeleine, les catastrophes naturelles, les pignons, Ayrton, les figues, les bagnoles, Vanina, les cailloux, Florence, mon 103 Peugeot, Saguézé, mes poules, tout ce qui est plantes, arbres, cactus et l’odeur de la nepita qui pousse dans les endroits où il y a la rocaille. Je lui ai raconté mes aventures en détail et je peux le dire aujourd’hui, c’est le meilleur compagnon qu’on peut avoir. En plus, on se dispute jamais ! »

Simple – Julie Estève – Editions Stock – Août 2018

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