samedi 1 septembre 2018


Une noisette, un livre


 Réelle

Guillaume Sire




L’écran. Cadran lumineux mais qui peut projeter des ombres désastreuses car tout ce qui brille n’est pas or, surtout dans ce monde impitoyable de l’univers cathodique en général et de la téléréalité en particulier.

La famille Tapiro habite une ville de province sans rien de particulier dans la vie. Un couple sans histoire avec deux enfants, Kevin et Johanna. La vie dans l’appartement tourne autour de la télévision, rarement éteinte. Jeune adolescente, Johanna rêve. Rêve d’une autre vie, plus confortable et surtout rêve de devenir célèbre et côtoyer les people, dont Ophélie Winter pour qui la jeune fille a une admiration absolue. En même temps, elle rêve de découvrir l’amour, d’être aimée. Les premières expériences tant sur la recherche de la gloire que de l’amour ne sont pas une réussite, mais elle persiste et finira par obtenir le Graal (ou ce qu’elle suppose l’être) : une émission de téléréalité calquée sur le phénomène « Big brother ». Le luxe s’offre à elle avec toutes ses illusions. Dans le loft, elle entame une relation avec un autre candidat qui semble plutôt éloigné du concept vu son côté romantique et sa passion pour le Moyen Âge. Tout semble aller dans le meilleur des mondes : elle laisse de côté son amie de toujours, participe à des réceptions, rencontre Ophélie Winter en qui elle croit une amitié sincère et durable. La poudre est jetée en quantité dans les yeux de la désormais jeune femme. Mais, des ombres commencent à contourner les faisceaux lumineux, à commencer par l’attitude de l’animateur Lastrada pour qui programme rime avec scandale et vulgarité… évidemment toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé est purement fortuite…

Si le sujet sur la soif de devenir célèbre a déjà été traité dans d’autres ouvrages et romans (on pense de suite à « Génération spontanée (1) et, plus récemment, « La fin des idoles (2) »), le style du récit est assez original avec une vision très nette sur l’adolescence et ses aspirations. Avec ce que peut produire comme ondes plus ou moins néfastes la presse people et le clinquant des émissions ultra scénarisées.
Guillaume Sire dresse un tableau sans concession des mirages qui foisonnent et des pactes artificiels des Méphisto des temps modernes, ces chimères qui flirtent dans le cerveau de la jeunesse rêvant à quitter leur situation banale et leur mal-être quotidien, mal-être accentué par la machine à fabriquer des illusions… Avec en prime, cette habitude, cette nécessité viscérale de vouloir devenir populaire.
Vaste constat aussi de l’amour sans amour, de l’envie sans sentiments. Un livre proche du pamphlet sur le tout superficiel, sur la fausse amitié, sur le profit personnel, sur l’audace et l’opportunisme cannibale et qui au fil de la lecture devient presque un manuel pour savoir raison garder. Et ainsi éviter d’être projeté volontairement dans l’hadès de l’escalade méphitique de la téléréalité.

« Cette ambiance de trahison augmenta l’intensité de la relation d’Edouard et Johanna. Ils avaient du mal à se séparer, même pour une minute. Tout était fort entre eux et insatisfaisant. Ils sentaient que le jeu qui les avait unis aurait tout aussi bien pu les séparer, et que leur histoire était comme une quinte flush au poker, un coup gagnant, mais rare, qui vous fera perdre la partie si vous ne comptez que sur lui. »

Réelle – Guillaume Sire – Editions de L’observatoire – Août 2018

(1)  Génération spontanée – Christophe Ono-Dit-Biot – Editions Pocket
(2)  La fin des idoles – Nicolas Gaudemet – Editions Tohu-Bohu

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