dimanche 9 septembre 2018


Une noisette, un livre


 Le Prince à la petite tasse

Emilie de Turckheim



D’un Commandant à un Prince. Dès la première page, Emilie de Turckheim donne le ton en évoquant les premiers instants de l’arrivée de Reza, réfugié afghan, dans son appartement : par un rêve, celui où elle accueille le Commandant Massoud. Référence d’un héros pour d’autres héros, d’un drame géopolitique pour tant d’autres drames humains. Mais contrairement à beaucoup d’autres récits, celui du Prince, est un hymne à l’espoir.

Emilie, son mari Fabrice et ses enfants Marius et Noé, vont accueillir pendant un an dans leur appartement du quartier du Jardin des Plantes, un exilé, un être que l’on a déraciné, un jeune afghan qui a déjà du haut de ses 22 ans un parcours effroyable de migrations et d’errance. Arrivé en France, il a obtenu une carte de séjour et peut travailler. Reste à trouver un logement. Emilie et les siens vont l’aider à souffler un peu, à croire en l’avenir. De son côté, Reza va leur apporter une richesse extraordinaire et des sourires qui valent tous les cadeaux du monde.

On saisit de suite que Reza, qui s’appelle Claude en 2° prénom, est un être d’une sensibilité extrême avec un compteur de la peur à son plus haut niveau. Mais il garde intact en lui la générosité et la bienveillance. Et celui qui a vécu dehors, a nagé dans le noir, à ramper dans la boue est un expert en délicatesse, jusqu’à nettoyer de fond en comble l’appartement et ramener des objets trouvés pour l’embellir, comme pour mettre encore plus de lumière sur la vie.

L’écriture d’Emilie de Turckheim est toujours une douce brise de fraîcheur avec toute la chaleur d’un esprit habité par l’empathie. Tout est narré avec une telle spontanéité, une telle sincérité que l’on finit par apercevoir les scènes de partage entre les mots, comme si on était un peu avec eux.

Un témoignage qui prouve encore une fois combien l’étranger peut susciter de découvertes, déclencher en soi des réactions inattendues parce qu’on prend le temps de comprendre l’autre. C’est également un manuel de savoir-vivre, de savoir-recevoir, de savoir-aimer et un riche point de vue sur l’importance de la langue, sur les difficultés de prononciation, de compréhension ; ce sentiment de n’avoir plus que des sons apatrides, l’idiome de son pays ne servant qu’aux souvenirs et la langue du pays d’accueil étant encore une ombre de la parole.

Puisse ce livre être un passeur de mansuétude, un déclencheur pour éveiller l’indifférence face au drame des exilés et une ode à l’espérance pour tous les êtres en souffrance, car, bien se rappeler que celui qui prête attention à l’autre le fera pour tous les autres… Une petite tasse pour un grand bol d’humanité.

« Dans sa bouche, migrant n’est plus ce mot-poubelle anonyme, employé à tout bout de champ, ce mot à œillères qui refuse de dire la guerre, la survie et l’exil. Dans la bouche de Reza, migrant c’est lui. Ce sont ceux qui partagent dans leur corps le secret de la fuite et la force de se sauver. Migrant est la plus haute branche de sa vie. »

Le Prince à la petite tasse – Emilie de Turckheim – Editions Calman Lévy – Août 2018

Aucun commentaire:

  Noisette savoyarde Col rouge Catherine Charrier   Savez-vous qui étaient ceux que l’on nommait les « Cols rouges » ? Les commiss...