Une noisette, un livre
Le croque-neige
Antoine Janot
Le
croque-neige. Cette fable aurait pu aussi s’appeler le croque-silence ou le
croque-temps. Mais le choix s’est porté sur la poudreuse et ses flocons, ce
petit coton qui tombe en hiver quand la nature s’endort.
Justement,
l’endormissement, le sommeil, le songe…plonger dans les bras de Morphée pour
oublier le temps et ses sentiers de larmes, ce temps qui s’en va et qui ne
revient pas, sauf dans les souvenirs, souvenirs à réveiller, souvenirs à
oublier.
Un
enfant, un divorcé, un homme qui veut fêter un anniversaire, une dame âgée… des
âmes perdues, des esprits en errance, un souffle qui s’essouffle. Les trois
premiers se retrouvent dans une salle d’attente ; la vieille femme, elle,
se contentera de monter un grand escalier sur les marches à remonter le temps
pendant que les autres vont essayer de le convertir en une éclipse d’ensommeillement.
Merveilleux
récit fantastique où les ombres s’effacent et refont surface sur le temps qui
passe, sur le silence et ses sonorités, la solitude et l’égoïsme, la solitude et
l’absence, quel que soit l’âge, quel que soit le chemin déjà parcouru. Des
visions fugitives sur le grand arbre de la vie, autour de ses branches qui nous
environnent entre tristesse, mélancolie, joie, peine, sans que nous les
remarquions sauf quand elles nous blessent.
Qui
n’a pas songer à noyer son chagrin, son désœuvrement dans l’évasion, partir en
hypnose ou en apesanteur sur le grand fil des rêves même s’ils se transforment
en ondes brutales, se récuser face aux charges, s’éloigner comme un bateau
prenant le large même s’il doit dériver, peu importe, du moment où la fuite
devient une caresse sur la pensée devenue spectre.
Mais
cette fuite, a-t-elle une répercussion sur les autres ? Doit-on tout
effacer pour renaître ? Est-ce une preuve d’indifférence que de vouloir
changer de vie, oser entreprendre une hivernation salutaire pour reprendre le
développement de ses cellules de vie ?
Vastes
questions auxquelles Antoine Janot y répond par un conte, par une envolée
poétique baignée dans une musique de sentiments et de sensibilité extrême, une
partition touchante pour remédier à la taciturnité.
Croque-neige
pourrait être un perce-neige littéraire, cette plante qui s’endort pendant de
longs mois et qui ne réapparait qu’en fin d’hiver même avec un tapis blanc,
cette fleur d’espérance pour les jours à venir, semblable à un cœur blessé s’orientant
vers la lumière.
« Quand les
endormis se réveillaient, tout leur semblait nouveau. »
« Dans la salle
d’attente, ils attendaient le futur. »
« Je ne suis pas
seul, il ya les mots. »
« Le silence, il
n’est à personne, il va où il veut. Il s’invite à une table, il marche sur un chemin, il escalade une montagne, ou même il peut se reposer au calme dans sa
chambre. C’est comme un humain, parfois il est joyeux, parfois il est triste,
parfois aussi il est énervé (…). On trouve les silences chauds plutôt entre
deux amoureux, ou entre deux amis, ou encore entre deux inconnus qui se
comprennent sans rien dire. Le silence, il aime être seul, mais il aime aussi
être entouré, ça dépend des moments. »
Le croque-neige –
Antoine Janot – Editions l’Harmattan – Octobre 2017
Livre reçu et lu dans le
cadre du Prix Littéraire de la Vocation 2018
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