mercredi 8 août 2018


Une noisette, un livre

 

Le croque-neige

Antoine Janot




Le croque-neige. Cette fable aurait pu aussi s’appeler le croque-silence ou le croque-temps. Mais le choix s’est porté sur la poudreuse et ses flocons, ce petit coton qui tombe en hiver quand la nature s’endort.
Justement, l’endormissement, le sommeil, le songe…plonger dans les bras de Morphée pour oublier le temps et ses sentiers de larmes, ce temps qui s’en va et qui ne revient pas, sauf dans les souvenirs, souvenirs à réveiller, souvenirs à oublier.

Un enfant, un divorcé, un homme qui veut fêter un anniversaire, une dame âgée… des âmes perdues, des esprits en errance, un souffle qui s’essouffle. Les trois premiers se retrouvent dans une salle d’attente ; la vieille femme, elle, se contentera de monter un grand escalier sur les marches à remonter le temps pendant que les autres vont essayer de le convertir en une éclipse d’ensommeillement.

Merveilleux récit fantastique où les ombres s’effacent et refont surface sur le temps qui passe, sur le silence et ses sonorités, la solitude et l’égoïsme, la solitude et l’absence, quel que soit l’âge, quel que soit le chemin déjà parcouru. Des visions fugitives sur le grand arbre de la vie, autour de ses branches qui nous environnent entre tristesse, mélancolie, joie, peine, sans que nous les remarquions sauf quand elles nous blessent.

Qui n’a pas songer à noyer son chagrin, son désœuvrement dans l’évasion, partir en hypnose ou en apesanteur sur le grand fil des rêves même s’ils se transforment en ondes brutales, se récuser face aux charges, s’éloigner comme un bateau prenant le large même s’il doit dériver, peu importe, du moment où la fuite devient une caresse sur la pensée devenue spectre.

Mais cette fuite, a-t-elle une répercussion sur les autres ? Doit-on tout effacer pour renaître ? Est-ce une preuve d’indifférence que de vouloir changer de vie, oser entreprendre une hivernation salutaire pour reprendre le développement de ses cellules de vie ?
Vastes questions auxquelles Antoine Janot y répond par un conte, par une envolée poétique baignée dans une musique de sentiments et de sensibilité extrême, une partition touchante pour remédier à la taciturnité.

Croque-neige pourrait être un perce-neige littéraire, cette plante qui s’endort pendant de longs mois et qui ne réapparait qu’en fin d’hiver même avec un tapis blanc, cette fleur d’espérance pour les jours à venir, semblable à un cœur blessé s’orientant vers la lumière.

« Quand les endormis se réveillaient, tout leur semblait nouveau. »

« Dans la salle d’attente, ils attendaient le futur. »

« Je ne suis pas seul, il  ya les mots. »

« Le silence, il n’est à personne, il va où il veut. Il s’invite à une table, il marche sur un chemin, il escalade une montagne, ou même il peut se reposer au calme dans sa chambre. C’est comme un humain, parfois il est joyeux, parfois il est triste, parfois aussi il est énervé (…). On trouve les silences chauds plutôt entre deux amoureux, ou entre deux amis, ou encore entre deux inconnus qui se comprennent sans rien dire. Le silence, il aime être seul, mais il aime aussi être entouré, ça dépend des moments. »

Le croque-neige – Antoine Janot – Editions l’Harmattan – Octobre 2017

Livre reçu et lu dans le cadre du Prix Littéraire de la Vocation 2018





Aucun commentaire:

  Noisette romaine L’ami du prince Marianne Jaeglé     L’amitié aurait pu se poursuivre, ils se connaissaient, l’un avait appris à...