vendredi 17 août 2018


Une noisette, un livre


 Danse d’atomes d’or

Olivier Liron 



« Che faro senza Euridice
Dove andrò senza il moi ben ?
Euridice ! Euridice !
Ah ! non m’avanza
Oiù soccorso, oiù speranza
Né dal mondo, né dal ciel ! »

Olivier Liron a peut-être grandi auprès des muses lui transmettant le talent, l’inspiration, la sensibilité. Tel un Orphée avec sa lyre, il tient entre ses mains des pages sur lesquelles il fait glisser les mots comme des notes pour offrir un chant scriptural sur l’amour et ses tragédies. La mythologie ne meurt pas, elle reste éternelle et s’offre une modernité avec les troubadours de l’écriture.

Paris. Alésia.  XXI° siècle. Lors d’une soirée O rencontre Loren. Parmi les convives un certain Virgile Vediani. Virgile… forcément. O est subjugué par la beauté de Loren, son corps, la façon de se mouvoir, il ne sait pas encore que c’est une acrobate, une manouche libre de tout. Les amis jouent à se trouver une personnalité ; pour O se sera Orphée, pour Loren ce sera Eurydice. Les regards se croisent, se cherchent, les sensations se déclenchent, des étincelles brûlent, la flamme jaillit... on craint déjà qu’elle s’éteigne lorsque Loren lance à O : « Ne te retourne pas ! »

Le couple se voit à nouveau, s’apprivoise, marche progressivement dans les pas de l’un et l’autre, échange peu sur leur vie, juste sur l’instant, le moment. De ces pointes successives, les corps se rapprocheront pour un ballet érotique sur la scène de l’amour. Baisers langoureux, caresses audacieuses, fougue et sagesse, sagesse et fougue, arabesques sensuelles… la danse charnelle semble éternelle entremêlée de la délicatesse de l’esprit. Mais un jour, O a comme un pressentiment, il lui semble que Loren va disparaître. Pour toujours. Le lecteur devine déjà sous quelle forme s’est transformée Aristée et le serpent… Désespoir de O, profonde tristesse de voir cet amour s’engouffrer dans les abîmes du non-retour. Il erre sur terre, aussi meurtri que les âmes dans le royaume d’Hadès. Suite à un courrier, il part en Normandie pour en savoir davantage sur la disparition. Sur sa route il rencontre un artiste étrange au nom de Cerbère, déclarant lui-même « qu’il se donne un mal de chien ».

Dans ce roman moderne, Olivier Liron conserve la tradition du mythe d’Orphée, l’inéluctable destin humain de l’amour et de la mort. Avec l’espoir d’une éventuelle résurrection. Le récit est une constellation de beauté, tant sur l’écriture que sur la richesse du sujet, mêlant histoire et réalité, antiquité et modernité, références subtiles entrecroisées d’un humour que l’on peut qualifier d’élégance.

L’auteur s’est inspiré de l’opéra dansé, Orphée et Eurydice » de Pina Bausch sur musique de Gluck. Le résultat est une variation de plume, un enchainement de phrases cascadant les unes dans les autres à l’image des deux protagonistes dans leurs ébats infinis.
Un premier roman très prometteur, une poésie créative dans la ligné d’un Boris Vian ou d’un Paul Eluard,  avec cette petite étoile qui fait la différence et la personnalité d’un écrivain. Même si la mélancolie parfume les pages, les larmes glissant en filigrane, c’est un ballet d’ombres heureuses qui tournoie dans les yeux du lecteur pour cette ode à l’amour, à la liberté et pourquoi pas, à l’éternité littéraire et à celles des âmes qui font de la vie un Olympe de l’harmonie.

« Sept cases pour toute une vie, nous pensions à une réforme consciencieuse de l’ordre du monde ; il faudrait inventer d’autres jours, d’autres liesses, d’autres drames, quid du pardi, jour ductile, du verdi, jour d’opéra, de l’arrondi, jour de douceur, de l’assourdi, jour de silence, du resplendi, jour de lumière, du radi, jour végétarien, du candi, jour de pause gourmande, du reverdi, jour printanier, du léopardi, jour moucheté, de l’organdi, jour voluptueux, de l’atlandi, jour à écouter en secret au creux de soi, lorsque rugit le cœur ; »

« Le réel est une fable autobiographique. »

« La seule façon de survivre, c’est de ne pas faire toujours la même chose. De bouger. De n’avoir jamais de certitudes. De changer de vie tous les jours. D’envies. C’est ça mon système à moi. »

« Je revois mes nuits d’amour avec Loren comme une seule nuit d’amour. Une seule nuit et mille et une nuits d’amour, c’est comme si une nuit d’amour n’existait pas en elle-même mais dans un continuum d’espace et de temps ; au sein de toutes les nuits passées ensemble, chaque nuit se déploie singulièrement, chaque nuit a sa lumière propre, chaque étreinte est différente de la suivante, comme des vagues qui se succèdent et se ressemblent sans jamais être exactement semblables (…) chaque nuit fait éclater dans toutes les zones de mon corps des électricités particulières et violentes, chaque caresse épelle des vertiges, fixe des abandons, diffuse dans mes organes l’infinie variété du plaisir. »

« Je t’ai cherchée dans tous les recoins familiers du monde. Dans les frissons inconnus. Dans le frôlement d’autres corps, d’autres mains. Je t’ai cherchée dans la géographie incertaine de l’insomnie où la vue se même aux songes, lorsque al conscience bascule dans le manque, dans l’absence. Je t’ai cherchée avec la foi de l’enfance (…) je t’ai cherchée jusqu’à en perdre l’équilibre. Je t’ai cherchée sur le fil des jours. »

Danse d’atomes d’or – Olivier Liron – Editions Alma – Mai 2016



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