dimanche 26 août 2018


Une noisette, un livre 


Le sauvetage

Bruce Bégout




Edmund Husserl est considéré par certains comme le plus grand philosophe apparu depuis les Grecs. Fondateur de la « phénoménologie », déjà abordée par Kant dans sa « Critique de la raison pure »  et qui fait de l’étude du phénomène une science, il a laissé un travail impressionnant à la postérité, ses archives étant précieusement conservées à l’Université catholique de Louvain. Juif converti au protestantisme, ses manuscrits ont failli être détruits à la veille de la seconde guerre mondiale.

C’est cette histoire de sauvetage que nous conte l’écrivain et philosophe Bruce Bégout avec toute sa dextérité habituelle. Sa thèse avait d’ailleurs été consacrée au philosophe allemand.

Leo Van Breda, un jeune père franciscain part à Fribourg-en-Brisgau pour consulter l’œuvre du philosophe allemand. Mais nous sommes en 1938. L’Allemagne vit au rythme du nazisme, les juifs sont de plus en plus persécutés et la veuve Husserl vit dans l’isolement le plus total. Lorsqu’il la rencontre, il décide de sauver les manuscrits de feu son époux et c’est un long parcours, non sans embûches, que le moine va parcourir. Le seul élément cocasse de l’histoire est qu’il ne peut lire les écrits d’Husserl, tout ayant été rédigé en… sténo !

Si le synopsis semble attractif, j’avoue avoir avancé un peu à reculons pour les premières pages, mais progressivement l’intérêt est devenu grandissant que ce soit sur le fond ou sur la forme (une forme même olympique pour l’auteur).
Si Bruce Bégout a opté pour le genre romancé, il n’en demeure pas moins que c’est une histoire authentique, tirée en grande partie d’un ouvrage collectif de Van Breda. Ont été simplement ajoutés quelques personnages et des situations fictives mais qui n’enlèvent rien à la rigueur historique, seul un peu de piment est saupoudré.
La forme est légère pour un sujet lourd (et pas seulement dû au poids des manuscrits). L’humour de l’écrivain est décapant, sachant mettre des couleurs vivantes sur le climat gris foncé cendré de cette Allemagne hitlérienne.

L’ensemble est on ne peut plus instructif et j’ai particulièrement apprécié la narration, l’analyse sur le sort de certains catholiques durant le III° Reich, c’est pour ma part, un fait plutôt méconnu excepté quelques témoignages, et je découvre que beaucoup de religieux (surtout ceux issus du petit clergé) ont été déportés dans des camps de concentration. Effectivement, si on reprend quelques thèses, Hitler ne voulait qu’une seule religion : la sienne ! C’est pourquoi le moine franciscain fut suivi par un espion nazi, que l’on retrouve sous les traits du déconcertant Lehmann…

Un récit proche du thriller historique qui sait retracer l’ambiance méphitique de cette période nazie où surgissaient quelques belles âmes pour sauver à la fois des vies… et des écrits.

Le sauvetage – Bruce Bégout – Editions Fayard – Août 2018



Aucun commentaire:

  Noisette saint-amandoise Pour Noisette livresque   Il était une fois au cœur de la France, une ville entourée de petites collines ...