mardi 14 août 2018


Une noisette, un livre 


Agatha Christie, le chapitre disparu

Brigitte Kernel




Si un jour (ou une nuit) vous désirez faire revivre un écrivain, une auteure qui a bercé votre éveil livresque, ne faites pas tourner les tables, ne prenez pas rendez-vous avec un medium de l’au-delà, n’allez pas implorer à Abydos la déesse Seshat, non. Espérez simplement que Brigitte Kernel fasse revivre, l’instant d’un livre, une plume légendaire sur le flot perpétuel de la littérature. 

Décembre 1926. La reine du polar so british disparait pendant une dizaine de jours et ce n’est pas pour écrire un conte de Noël. Mais alors pourquoi… Mystère et boule de noisette. Dans sa biographie Agatha Christie élude cette période où elle est déchirée entre la disparition de sa mère et le désir de divorce de son mari qui veut épouser sa secrétaire. Partir et s’évanouir un peu… sauf que la presse ne va pas l’oublier. On y découvre alors une Agatha bien taciturne, doutant d’elle-même face à ses déboires conjugaux. Loin d’être un récit sentimental, c’est aussi une belle leçon de modestie post-mortem, une réflexion sur la célébrité et l’occasion d’envoyer quelques flèches bien enrobées de causticité sur les rumeurs et leur divulgation.

Avec humour et finesse d’écriture, Brigitte Kernel retrace avec délice ces quelques jours de fuite, se basant sur des faits réels mais en romançant l’épopée de la créatrice de Miss Marple et d’Hercule Poirot. Point de cadavre, juste une énigme sur une histoire de vengeance et d’amour. Avec quelques déguisements…  
On se prend au jeu, on croit voir apparaître la romancière britannique, l’exercice est si réussi que le lecteur a l’impression qu’Agatha Christie lui raconte directement ses journées restées secrètes, entre un camouflage et une plongée dans les eaux thermales d’Harrogate. Nous ne sommes plus au XXI° siècle mais à la fin des années 20, dans une ambiance surannée mais au charme éternel.
S’il existe une SPA (Société Protectrice des Auteurs) je peux dire sans hésitation que j’ai adopté Brigitte Kernel pour ses différents exercices de prestidigitation verbale, cette agilité dans le rythme, cette capacité à entrer dans l’esprit des personnages qu’elle évoque.
Si l’ensemble du « Chapitre disparu » est enivrant, les dernières pages ont quelque chose de supplémentaire pour évoquer les désordres de la vie et de l’amour, sur les surprises du destin et cette lumière qui, peut-être, suit chacun de nos pas. Une mystérieuse affaire de style(s) !

« Je déteste les convives qui critiquent leurs hôtes dès la porte refermée. J’y vois une méchanceté mais aussi une faiblesse. Ne critique-t-on pas pour exister, mettre son pouvoir en avant ? »

« La douleur est un mur. On ne peut ni le franchir, ni le contourner, ni le percer ; il faut réussir à en prendre la forme, se couler dans l’acceptation et croire en l’éloignement, déchirer les photos, jeter les cadeaux, les lettres, les symboles, pleurer la nuit et hurler le matin, réussir à sentir à nouveau la douceur de la brise sur la peau, à aimer le pourpre et le rose de certains couchers de soleil. »

Agatha Christie, le chapitre disparu – Brigitte Kernel – Editions Flammarion/J’ai lu – janvier2016/Septembre 2017

1 commentaire:

Brigitte K. a dit…

Superbe article et très belle écriture ! J'adore l'idée de la SPA !! D'autant que si j'adore les auteurs, je suis aussi folle de toutous . Merciiiiii

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