Une noisette, un livre
De l’âme
François Cheng
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(Photo © Squirelito) |
Doit-on
parler de l’âme ? Comment définir l’âme sans y ajouter
l’esprit ? Est-ce un sujet désuet que d’évoquer l’âme ?
Quelle est la place de l’âme dans les traditions spirituelles ?
L’âme est-elle la vraie vie ? Peut-elle renaître ?
Des
questions que l’on se pose, parfois, souvent sans jamais pouvoir y
répondre. Une énigmatique amie de François Cheng lui écrit car
elle vient « de se découvrir sur le tard une âme » et
elle s’interroge. L’auteur académicien, héritier du taoïsme,
lui répond par la voie de 7 lettres, dont une entièrement consacrée
à la pensée de la philosophe et humaniste Simone Weil, apportant un
éclairage somptueux sur la « part la plus cachée et la plus
secrète de chaque être ».
Si l’âme
a un élan pour s’élever et qu’elle transparaît dans un regard,
elle est sans aucun doute dans la plume de François Cheng qui, sans
angélisme, délivre un hymne à l’amour de l’humanité et à la
beauté de la vie « combien la beauté de la vie est un don
précieux qui demande à être chéri, révélé, transfiguré, porté
au plus haut degré de sa capacité de communion ». Et ce même
même sous un ciel sombre car une lumière veille dans l’espoir
« au plus noir de la nuit, la moindre lueur est signe de vie ».
Mais la
beauté et la bonté ne se réduisent pas à quelques bons
sentiments. La bonté est d’une extrême rigueur car la nature
humaine est le lieu de « cohabitation d’un ange et d’un
démon en constante interaction ». L’humain peut s’élever
mais aussi succomber... Et pourtant à quoi bon chercher à briller,
à « scruter les failles de l’autre pour mieux le faire
chuter ». Si le désir est de porter la vie, se ressaisir,
diriger son regard vers un coucher, un lever de soleil ou le reflet
de la lune et ainsi rencontrer l’univers dans sa magnificence.
L’un
des miracles de ce livre est de dépeindre l’âme sans aucune trace
de prosélytisme. Le lecteur est laissé libre de ses choix, de sa
spiritualité (ou non spiritualité). Une grande tolérance envers
celui qui y croit ou qui n’y croit pas comme aurait dit Aragon, un
souci d’honnêteté présente à chaque paragraphe, le philosophe
laissant souffler ainsi un air pur dans l’harmonie de ses
réflexions et désirant « nouer un dialogue positif même avec
ceux qui nient l’existence de l’âme ».
François
Cheng nous emmène également faire un tour au sein des traditions
spirituelles : pensée chinoise (tradition taoïste), pensée
hindoue (avec la sublime métaphore de l’âme comme oiseau
migrateur), pensée bouddhiste (la plus radicale dans son
agnosticisme face à l’âme), la pensée grecque dont celle
d’Aristote et son concept des 3 âmes (âme nutritive pour les
animaux et les plantes, âme sensitive pour les animaux et âme
pensante pour l’humain) et enfin les pensées monothéistes :
judaïque, musulmane et chrétienne. De quoi vous donner envie de
plonger de toute votre âme dans cette sagesse de ces philosophies
éternelles et une délicieuse surprise que de voir être mis en
exemple la référence du soufisme avec le poète persan Farîd-ud-Dîn
Attâr et sa « Conférence des oiseaux » qui est devenue
le livre de chevet de votre serviteur.
Cet
essai renferme tout ce que l’on attend d’un livre :
réflexion, évasion, positivisme, curiosité (la lecture entraîne
la lecture), beauté, poésie. Une triade entre noblesse du
sentiment, élégance de l’écriture, tolérance de l’esprit...
où les mots transcrivent la hauteur d’âme de son auteur. Ouvrage
que l’on peut qualifier de manuel d’espoir et de consolation, un
recueil pour les jours lumineux, un recueil pour les jours obscurs,
une compilation pour continuer sa route sur le chemin de la vie
malgré les larmes qui arrosent votre parcours « si la mort
creuse un immense chant de désolation, elle ouvre en même temps une
immense aire de communion aussi réelle que le ciel est étoilé ».
En
refermant cet écrin littéraire où les mots sont des pierres
précieuses, j’entends les vers de Paul Verlaine mis en musique par
Reynaldo Hahn :
« Un
vaste et tendre
ApaisementSemble descendre
Du firmament
Que l’astre irise
C’est l’heure exquise »
et pourquoi pas avec la voix de Dietrich Fisher Dieskau, baryton allemand cité à la fin de l’œuvre de François Cheng pour ses interprétations de Beethoven... et pour sa fraîcheur d’âme ».
L’âme
est la vie. Ce livre aussi... « Un immense réservoir de
gisements inexplorés ».
De
l’âme – François Cheng – Editions Albin Michel – Décembre
2016
2 commentaires:
Quel magnifique billet ! je retrouve totalement ton intervention durant le Prix, où tu avais si bien évoqué ce livre!
Merci à nouveau Eva. Quand on a apprécié une lecture on ne peut qu'essayer de transmettre ce que l'on a ressenti.
Pour les lecteurs du blog, je mets le lien de ton dernier billet sur le même ouvrage car toi aussi tu avais l'avais défendu de toute ton âme...Bravo à toi https://tuvastabimerlesyeux.fr/2017/04/04/de-lame-francois-cheng/
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