Souvenirs d'un médecin d'autrefois

mardi 10 décembre 2024

 

Noisette solognote

Tremblevif

Jean-Pierre Fleury

 


 

Amateurs de romans historiques, ce livre est pour vous !

Ne cherchez pas la commune de Tremblevif, elle n’existe plus, le nom étant devenu Saint-Viâtre. Mais elle a donné une impulsion à l’écrivain pour créer une fresque romanesque sous le règne de Louis XV.

Guillaume, brave forgeron a commis un crime en déversant son urine sur les pieds du curé de la paroisse pour éviter qu’ils ne gèlent sur place. Au même moment, son épouse est violée par les gardes du château qui font dévorer par des cochons deux des trois enfants vivants dans la chaumière. Un de ces enfants a pour père le terrible baron Hugues du Bosq, facilement reconnaissable car la lignée du seigneur local a la particularité de porter deux côtes supplémentaires dans la nuque. Pourtant Guillaume, envoyé aux galères, va ne cesser de vouloir retrouver cet enfant. Lors d’une évasion, le forgeron et une poignée de forçats vont entamer une épopée de la justice depuis les rives de la Méditerranée jusqu’en Sologne qui va faire trembler les murs de Versailles.

Roman époustouflant avec une écriture se collant à l’ambiance du XVIIIe siècle, TrembleVif est le fruit d’une imagination débordante tout en retraçant les conditions humaines de l’époque. Même si cette aventure livresque est pigmentée de certaines rumeurs – après tout nous sommes dans le domaine de la fiction – c’est une ode à la liberté et au pouvoir des hommes pour lutter contre l’impossible. À la fois rude et poétique, glacial et teinté d’humour, chaque lecteur éprouvera une empathie directe avec le héros, un homme ne cherchant que la justice sans esprit de haine ou de vengeance, juste remettre à peu d’égalité entre les hommes. Vaste rêve si contemporain.

Tremblevif – Jean-Pierre Fleury – Éditions La Bouinotte – Octobre 2024


jeudi 5 décembre 2024

Noisette d’espérance

L’enfant qui sauva la terre

Didier Van Cauwelaert

 


Un roman très court mais qui incarne parfaitement l’esprit du romancier : humain, positif et solaire.

Le sujet est pourtant grave, l’action se situant dans une unité pédiatrique de maladies quasi incurables. Thomas en fait partie. Ce qui va pourtant bouleverser tous les diagnostics est qu’il va être porteur d’une mission dirigée par un clown : sauver la terre. Vaste programme pour une planète atteinte, également, d’un mal quasi irréversible. Thomas pourra-t-il sauver la barrière de corail, les abeilles, les catastrophes climatiques...

D’aucuns pourraient trouver ce récit excessivement léger, voire puéril. Il n’en est rien. Derrière la fable, de profonds sentiments surgissent et un appel à se réveiller est manifeste. Sauver la terre c’est se sauver soi-même. Prendre soin de soi sans refuser d’écouter son corps ; ne pas s’empoisonner, ne pas empoisonner l’environnement.

Les petites marques de fabrique de Didier Van Cauwelaert ne manquent pas à l’appel, une écriture sans langue de bois pour remettre certains faits en place, comme par exemple, la crise du Covid ou les voitures électriques dites écologiques. Quel grand bien cela fait !

« Quand tu penses à ce que tu espères recevoir en échange, tu affaiblis ce que tu donnes ».

« La Vierge Marie, c’est comme le Père Noël : un concept merveilleux, mais qui subit trop souvent l’influence des exploitants ».

« Nos pensées ont ce pouvoir, oui. Soit, elles polluent, soit elles réparent ».

L’enfant qui sauva la Terre – Didier Van Cauwelaert – Éditions Albin Michel – Novembre 2024

jeudi 21 novembre 2024

 

Noisette intime

Le silence des ogres

Sandrine Roudeix

 


"Il y a des romans qui sont comme des forêts. On les regarde de loin. On y pense. On parcourt un bout de chemin pour les atteindre. Et puis on s'arrête. Un tas de ronces nous barre le passage. Le tronc à vif des arbres nous toise. Les aiguilles des pins craquent sous nos pas comme un tapis de verre, comme un terrain miné, comme un piège. Les branches nous fouettent le visage. Les racines se déploient en un tas de petits serpents venimeux. Les araignées grouillent. Les massifs d'ortie menacent. Les corbeaux guettent. On fait demi-tour."

L’écrivaine Sandrine Roudeix donne le ton dès le deuxième chapitre : elle nous invite à prendre un chemin abrupt, parsemé de pierres avec plus d’épines que de roses. Mais le lecteur ne fera pas demi-tour, bien au contraire. Dans les racines d’autofiction et sous la canopée livresque des allées s'ouvrent, des petites graines se déploient, grâce au meilleur fertilisant de la littérature : l'écriture.

Le père de Sandrine n’est pas inconnu mais il n’a jamais voulu la reconnaître. Elle ne savait rien de lui, l’histoire avec sa mère a été plus qu’éphémère, « une conception dans les cendres de l’histoire ». Le destin fait qu’un jour elle retrouve sa trace, renoue avec lui pour qu’à nouveau – après un petit début de route ensemble – ils se séparent. Deuxième chute, deuxième blessure, deuxième abandon. Vingt ans plus tard, lors d’une séance de dédicace, un inconnu prononce le nom de son père. Troisième chute. Tenter de panser les cicatrices par un jeu de pistes dans sa mémoire et par l’écriture ; en parallèle ses séances avec le psychiatre, souvent déconcertantes.

Sandrine c’est l’histoire d’une femme qui veut s’affirmer dans une forêt vierge de filiation paternel. Sandrine c’est une histoire qui interpelle, qui émeut, qui rassemble. Sandrine c’est une écrivaine qui trace l’encre des mots selon l’intensité de la douleur, du manque, des ombres… pour attraper un morceau de soleil dans son espérance de femme adulte.

Ce roman est un terreau où jaillissent les mots, les métaphores. Un exemple. Loin du romanesque mais au cœur de l'humain. Sensible, authentique. Poétique.

Le Silence des ogres – Sandrine Roudeix – Éditions Calmann Lévy - Août 2024

mardi 12 novembre 2024

 

Noisette onirique

Ma vie avec Gérard de Nerval

Olivier Weber

 


Le grand reporter et écrivain nous convie à un voyage en « Nervalie ». D’aucuns auraient pu songer qu’il nous inviterait en « Kesselie » ou en « Garylie » mais c’est avec ce « souffleur de vers » que l’invitation prend forme puisque la poésie de Gérard de Nerval a accompagné Olivier Weber depuis son enfance pour lui permettre de s’évader de l’orphelinat où les punitions avaient remplacé les rêves. Véritable boussole pour ses futurs déplacements en Orient, en Afghanistan, par monts et par vaux, Gérard de Nerval a été son maître et, parfois, son double dans la mélancolie des vagabondages.

Gérard de Nerval ne le quitte pas, même en traversant les frontières clandestinement, un recueil dans la poche en guise de visa. Comme une bonne étoile la poésie va servir de pare-chocs contre la mitraille, être un morceau de paradis dans certaines descentes en enfer, la voix d’un fantôme pour le guider dans les ruines de l’humanité. La poésie de Nerval versus les idéologies sanglantes. Pour Olivier Weber « la poésie apprend à espérer » tandis que « l’idéologie apprend à mentir », un viatique contre un fardeau.

La lecture de ce texte pourrait être vertigineuse puisque l’idée de ce livre est née dans l’esprit d’Olivier Weber lorsqu’il escaladait les pentes du glacier du Lhotse dans l’Himalaya, prendre de la hauteur pour souffler la démarche nervalienne. Bien plus qu’un hommage à celui qui sombrera dans la folie, c’est une déclamation d’une vie éternelle sur les pentes de l’existence humaine, rendre vivant ce qui ne l’est plus pour en tirer une force intérieure.

Le parcours de Gérard de Nerval s’apparente à une psyché pour l’écrivain, et, chacun pourra y puiser des forces, être des Sisyphe sur les parois du monde pour diffuser la poésie, la beauté, sur les duretés et laideurs ambiantes.

« La poésie nervalienne élève et apaise. Et c’est tout ce que l’on demande à un poète voyageur, qui nous emmène soigner nos affres dans des édens désirés, fussent-ils chimériques ».

« Le séjour viennois s’étend, contrairement au sentiment amoureux. Nerval est usé par une sorte de double jeu, cette distanciation qu’il a avec le monde diplomatique, cette volonté de faire semblant. Il se rend compte qu’il n’est pas du sérail. Aux grands sensibles, la patrie n’est pas toujours reconnaissante, la diplomatie encore moins. Le protocole et le rang sont intraitables. On ne pardonne guère à ceux qui n’ont pas le sang bleu, même s’il s’agit du rejeton d’un médecin des Armées impériales dont la mère est morte en campagne ».

« Comme Romain Gary au siècle suivant, il est trop à l’étroit dans son existence pour ne vivre qu’une seule vie ».

Ma vie avec Gérard de Nerval – Olivier Weber – Éditions Gallimard – Septembre 2024

vendredi 8 novembre 2024

 

Noisette journalistique

Loin de chez moi

Maryse Burgot

 


 

Maryse Burgot est devenue au fil de ses reportages une figure incontournable de France Télévisions et du 20 heures de France 2 : au journal télévisé, bien souvent munie d’un gilet pare-balles elle apparaît en direct de zones de conflits. Mais son travail ne s’arrête pas là, elle fut correspondante à Londres, puis à Washington, avant de repartir par monts et par vaux pour faire entendre la voix du monde. Rien, au départ, ne prédestinait cette jeune femme à être sur tous les fronts : fille de paysans, elle a gravi les échelons par sa force, sa ténacité, son approche sensible, sa prudence et son envie de faire parler les victimes des ténèbres de la géopolitique. Mais pas que.

C’est un document exceptionnel que nous livre la journaliste pour raconter ses trente dernières années derrière ou devant la caméra, un témoignage qui rappelle combien ses reportages sont minutieusement préparés, non sans risques. Mais derrière la journaliste, il y a aussi une femme et une mère qui parlent. Mère et reporter, elle concilie les deux malgré les jugements qui, parfois, lui sont portés : pourtant « les hommes ne sont pas jugés de la même façon, personne ne leur reproche « d’abandonner » femme et enfants ». Mais rien n’arrête la correspondante de guerre.

Pour la première fois, elle narre sa condition d’otage aux Philippines en 2000 mais ne s’attarde guère, elle a plus « utile » à poser sur le papier : son premier grand reportage en Inde, ses tribulations au Kosovo avec feu le JRI Gilles Jacquier – à qui elle rend un vibrant hommage – ses années anglaises et américaines, ses nombreux déplacements au Moyen-Orient, en Ukraine, en Afghanistan… sans oublier les ravages de la colère de la planète en Haïti ou le tsunami de janvier 2005 dans plusieurs pays d’Asie du Sud-Est, la crise du Covid jusqu’à ses derniers déplacements pour le conflit israélo-palestinien.

Avec une objectivité redoutable, elle monte - avec une équipe limitée - ses reportages, allant vers les autres avec une extrême empathie sans jamais se plaindre des conditions périlleuses dans lesquelles elle se retrouve, elle sait que rapidement elle pourra retrouver les siens et son confort. Montrer la détresse, l’absurdité des guerres, le courage des victimes ou de leurs proches est son seul but.

« Loin de chez moi » permet également de se remémorer des faits passés et de retrouver une histoire de la géopolitique dans une version brute, celle des gens de terrain ! Révélateur est le passage de ses années en France pour couvrir l’Élysée, « la politique intérieure et ses conventions, ce n’est pas pour Maryse Burgot », elle préfère « les espaces sans limites du reportage sociétal, en zone de guerre ou pas ». À lire de toute urgence…

Loin de chez moi – Maryse Burgot – Éditions Fayard – Octobre 2024

 

 

dimanche 3 novembre 2024

 

Noisette orfévrée

La reine du labyrinthe

Camille Pascal

 


L’affaire du collier de la reine racontée comme jamais ! Dans la pure lignée du roman historique, Camille Pascal se livre à l’art de faire jouer mots et personnages, le tout saupoudré d’un humour irrésistible. Sans rien inventer.

Si Marie-Antoinette n’a été aucunement responsable du vol du collier, elle a été néanmoins au cœur d’une affaire d’État précipitant le début de la Révolution française. Accusée de mener grand train, la reine se retrouve confrontée aux machinations politiques et judiciaires qui vont renverser la monarchie.

Pourtant, l’affaire est juste un jeu de dupes avec pour origine une intrigante, Jeanne de La Motte. Mariée au comte de la Motte issue de la petite noblesse et sans un sou en poche, Jeanne réussit à prouver qu’elle descendait de la grande lignée des Valois par un aïeul bâtard royal d’Henri II. Par sa protectrice, Madame de Boulainvilliers, puis avec l’argent de ses amants, dont celui du cardinal de Rohan, elle s’infiltre à Versailles, tentant – toujours en vain – d’approcher la reine. Loin d’être découragée, elle propage, avec brio, la rumeur qu’elle a les faveurs de Marie-Antoinette et assure au cardinal – détesté de la reine- qu’il va bientôt intégrer un ministère. Son plan machiavélique fonctionnant à merveille, elle va franchir un étage supérieur lorsqu’elle rencontre le bijoutier Charles Boehmer, créateur d’un collier, aussi somptueux que ridicule, que Louis XVI refuse d’acquérir pour cause de caisses vides. Une occasion en or pour que Jeanne et son mari Nicolas s’enrichissent sur le dos du cardinal.

En toute logique, le roman est concentré sur le personnage haut en couleur de Jeanne de La Motte-Valois, oscillant entre la galanterie et la coterie grâce à ses dons de séductrice, manipulatrice et d’oratrice, retranscris sous la plume du romancier avec grand style, l’ombre d’Alexandre Dumas se faufilant avec délectation. Les truculents dialogues ne proviennent pourtant d’aucune imagination, ils sont le fruit d’une recherche minutieuse, Camille Pascal ayant exhumé des écrits oubliés.

Roman historique mais terriblement contemporain, tant l’auteur décortique les passions humaines de l’appât du gain, de la course à l’égo et au paraître et qu’une emprise par les sens peut se révéler fatale.

La reine du labyrinthe – Camille Pascal – Éditions Robert Laffont – Août 2024

lundi 21 octobre 2024

 

Noisette de mémoire

Jacaranda

Gaël Faye

 


Dés les premières pages, le lecteur sait qu’il entre dans un domaine qui ne va pas le laisser indifférent, où les lueurs vont tenter de percer à travers les ténèbres sous la canopée des horreurs humaines. Des branches livresques se posent sur vous par la maîtrise des métaphores tirant les racines du mal. Jacaranda, est bien plus qu’un arbre à palabres. Il est le témoignage vivant, à travers le personnage de Milan qui part au Rwanda pour connaître les origines de sa mère cachées sous un silence permanent, d’un génocide né dans l’histoire déchirée du Rwanda.

Élève médiocre, Milan est un enfant qui voudrait mieux connaître ses parents, surtout sa mère, originaire de Rwanda mais qui refuse toute réponse à ses questions. L’arrivée de Claude pendant quelques mois va interpeller Milan. Claude a le même âge que lui, ne parle pas, est d’une maigreur affligeante et un énorme trou s’est formé dans sa tête. Il le considère comme le frère qu’il n’a pas et l’entoure d’une immense affection. À sa grande surprise, sa mère part au Rwanda mais reviendra sans Claude. Un déchirement. Révolté en lui-même, des années plus tard il se consacre à une recherche sur le génocide rwandais et part vivre à Kigali dans le quartier de Nyamirambo. Il retrouvera Claude, des personnages iconoclastes et verra Stella grandir, cette petite fille qui se réfugie sans cesse dans son jacaranda. Mais pourquoi sa mère persiste à se dérober...

Si la poésie est toujours la marque de fabrique de Gaël Faye, l’auteur est également maître dans la narration, sachant mieux que quiconque expliquer le drame du Rwanda conduisant au génocide des Tutsi. Malgré le crépuscule qui s’est abattu, malgré les horreurs perpétrées, le pays se reconstruit en essayant de pardonner, sans oublier pour autant. Porter la voix des disparus et continuer à espérer à une humanité. Jacaranda est tout à la fois. Poignant, fort et, paradoxalement, terriblement vivant : « J’avais envie de m’enfuir, de quitter cette terre de mort et de désolation (…) puis je pensais aussitôt à Claude, à Eusébie, à Stella, et quelque chose se fissurait en moi qui laissait passer un soleil insensé, la possibilité, malgré tout, de la vie et de la beauté ».

Jacaranda – Gaël Faye – Éditions Grasset – Août 2024

mardi 15 octobre 2024

 

Noisette en noir et blanc

La Dame du jeu d’échecs

Philippe Charlier

 


Tout commence une journée de l’année 1996 où le narrateur achète un livre, boulevard Saint-Michel, intitulé « Indochine », Charles Daney ayant assemblé moult photos couleur sépia sur l’ancienne colonie française. Une retient particulièrement l’attention du jeune homme : celle d’une femme au port altier, le regard profond, devant un attroupement d’hommes. Après quelques recherches, le cliché est signé Albert Célestin Marie Cintract, et, selon Georges Seiler alias Georges Cordier, elle aurait été prise lors d’un jeu d’échecs vivant. Pour le narrateur bouleversé, elle ne peut être que la Dame.

Il replonge soudainement dans l’atmosphère de ses lectures de jeunesse et décide, à la vitesse d’un éclair, de s’envoler vers les cieux du Vietnam pour retrouver la trace de l’énigmatique jeune femme. Mais la tâche est ardue, depuis les années 20, les hommes, les guerres, ont effacé les pas.

Lors de sa visite à la « Maison centrale » euphémisme pour l’ancienne prison coloniale de Hoa Lo, notre intrépide voyageur croit la reconnaître sur un cliché. Il prend peur, il la cherche mais craint de la retrouver face à l’épouvantable réalité historique. Il angoisse mais ne songe qu’à elle. C’est finalement au Musée des Femmes du Vietnam qu’il va plus amplement faire connaissance puisqu’à l’instar « d’un amour de jeunesse » il tremble en la voyant sur une photo : elle a désormais un nom, la dame s’appelle Hà Nguyên. C’était elle aussi sur les murs de la prison d’Hanoi puisqu’elle a fait partie des évadés de mars 45 pour préparer le mouvement révolutionnaire.

L’amoureux platonique de la Dame du jeu d’échecs va continuer ses recherches, reconstitue l’histoire du Vietnam avec l’omniprésence d’ectoplasmes le dirigeant sur les chemins de l’invisible : « On ne doit pas croire les vivants, et n’accorder sa confiance qu’aux fantômes ».

Premier roman pour l’inénarrable Philippe Charlier et quel roman ! Si « le monde entier tient sur un plateau d’échecs », ce roman est digne d’une partie avec Raoul Capablanca. Le lecteur retient son souffle, non seulement pour la conduite romanesque mais aussi pour tout ce qui est construit autour, à savoir l’histoire sanglante du Vietnam durant une grande partie du XXe siècle : colonialisme, deux guerres à la suite et innombrables crimes dans de tels contextes, de la prison infernale de Poulo Condor à l’offensive du Têt, en passant par les massacres de Son My et le déluge de bombes sur les tunnels de Vinh Môc par les américains… un certain juillet 1969. Après tout, les B52 succédaient au V2, créés par un certain Wernher von Braun à Dora et qui est l’un des hommes du succès des premiers pas sur la lune… un grand pas vers l’humanité… !

Ce périple bouleversant est aussi un profond hommage aux combattantes par le fantôme de Hà Nguyên, les femmes payant un lourd, très lourd tribut lors des révoltes, guerres, révolutions et leurs histoires sont trop souvent effacées dans l’éclatement de la post-vérité. Des chapitres comme des pions pour une combinaison parfaite avec une Dame comme pièce maîtresse.

Philippe Charlier joue, mêmement, une brillante partition en posant quelques notes d’apaisement dans le fracas de la géhenne, l’esprit de bagatelle plane sur quelques lignes après les descriptions du bagne de Poulo Condor, une brève pause sur l’assourdissant poids du passé.

Un roman humain, un roman fort, sans voyeurisme – à l’inverse de celles et ceux se prenant en selfie sur les lieux de tortures et de massacres – un roman dédicace à toutes les victimes de la barbarie pour que leurs âmes vibrent éternellement, un roman comme un cri pour la paix.

« Interroger une photographie, c’est un peu comme convoquer un défunt, faire parler un mort. Alors que j’enquête sur cette femme, et que les bribes de sa vie commencent à retrouver leur place, rien ne me dit qu’elle est encore de ce monde ».

« En un instant, le massacre devient collectif. Un carnage. De jeunes GI’s fraîchement engagés frappent au visage et au ventre avec leurs baïonnettes, incendient les maisons pour tirer sur ceux qui s’enfuient, d’autres poussent les villageois, les uns après les autres, dans les puits ou les citernes avant d’y jeter des grenades. Devant la pagode, une dizaine de femmes et d’enfants sont mitraillés de dos, agenouillés devant le Bouddha, leurs bâtons d’encens à la main. La mort est partout, le sang aussi. Ils ont beau crier « Not VC, Not VC », tendre les mains vers le ciel, implorer ventre à terre, les balles partent toutes seules. On tue aussi le bétail, les animaux de basse-cour, les chiens, les chats. Tout doit mourir, aujourd’hui ».

La Dame du jeu d’échecs – Philippe Charlier – Éditions Plon – Octobre 2024

 

 

 

 

 

dimanche 13 octobre 2024

 

Noisette de réconciliation

Erwin, Legio Patria Nostra

Martine Trouillet

 


Clémence ne s’attendait pas à ce que l’ancien compagnon de sa mère, qu’elle n’a jamais apprécié, ferait d’elle son héritière. Pourtant, tout est bien réel quand elle rencontre le notaire qui lui remet la clé de l’appartement du défunt. En le visitant, elle découvre une boîte en fer avec les papiers militaires d’Erwin et quelques photos. Erwin est un ancien de la Légion étrangère, parti combattre en Algérie et en Indochine après avoir quitté le restaurant de Saint-Gall où il travaillait. Une photo retient l’attention de Clémence : le légionnaire enlace une femme avec un bébé dans ses bras. Qui est cette femme et qui est ce bébé ? Si Erwin a eu un enfant, il est peut-être encore vivant.

Clémence part à sa recherche, d’abord en Suisse, puis au Vietnam. De surprises en surprises, elle découvre une nation blessée et des marques qui ne pourront s’effacer. Clémence, prise de remords décide avec cette quête initiatique de redistribuer les cartes de ses priorités et de voir le monde sous un autre angle.

Un roman captivant et une histoire qui est certainement réelle tant les fais parlent d’eux-mêmes. Martine Trouillet par sa plume vivace donne une voix à ces souffrances cachées et ces douleurs qui subsistent lorsque des peuples veulent dominer les autres sans prendre en compte les racines culturelles. Mis, avec beaucoup de sagacité, un parallèle entre ces fêlures planétaires et celles, plus intimes, au sein des familles. Porter un regard sur les autres pourrait éviter que des yeux se ferment.

Une excellente lecture – malgré quelques coquilles – que je recommande fortement tant une humanité surgit au fil des pages pour rejeter l’inhumanité qui a traversé l’histoire : « La haine, la rancœur ne sont pas de bons carburants de vie »

Erwin, Legio Patria Nostra – Martine Trouillet – ISBN 978-2-494122-16-1 – Février 2024

 

 

mercredi 9 octobre 2024

 

Noisette mystérieuse

Écosse mystérieuse, l’appel de Merlin

Dimitri de Larocque Latour

 


Invitation à la magie, à la fantasmagorie, par la voix de Merlin l’enchanteur qui prend ses sources en Écosse et au Pays de Galles avec une ramification sans limite dans l’espace et le temps.

Au VI° siècle, naît le Gallois Myrddin Wyllt,surnommé le « fou du bois ». Son roi, Gwenddoleu, pour qui il était barde, est massacré et Myrddin est obligé de se réfugier dans une immense forêt près de l’actuelle Edimbourg. Ensuite, débute le mythe, surtout à partir du XII° siècle par les plumes de Geoffroy de Monmouth et Robert de Boron.

Le voyage peut commencer dès les premières pages, chaque photo renforçant le texte et inversement, l’Écosse « terre de la fée Mélusine étant un bon révélateur ».

L’encre des mots rejoint les ombres et le flou des photos, savant mélange autour de la mythologie et de l’histoire pour plonger le lecteur en terres celtes, de l’Écosse aux Cornouailles. Parcourir en une centaine de pages bois, landes, montagnes, lieux abandonnés… moult chemins pour croiser croyances religieuses et païennes, et, peut-être qu’en s’attardant sur quelques photos l’ombre d’un fantôme surgira.

Un superbe livre pour des histoires éternellement sibyllines qui raviront tous les amoureux des contes – deux sont transcrits en prime à la fin de l’ouvrage – des belles lettres, du Moyen-Age et des photos, photos qui vous font voyager tout en restant chez soi. Écosse fantastique pour émerveillement perpétuel grâce au talent de l’auteur et photographe Dimitri de Larocque Latour.

Écosse fantastique, l’appel de Merlin – Dimitri de Larocque Latour – Éditions Magellan & Cie – Juin 2024

Reproduction d'une des pages pour vous mettre la noisette à la bouche !


mardi 8 octobre 2024

 

Noisette souriante

La vie meilleure

Étienne Kern

 


La méthode Coué, vous connaissez ? Étienne Kern la pratique par l’écriture car, une fois lu son nouveau roman, vous sentirez un sourire se former sur votre visage pour cet excellent moment passé avec la vie, certes romancée, d’Émile Coué de la Châtaigneraie qui fut, un temps, aussi célébré que Ghandi.  

La mode du développement personnel n’avait pas encore le vent en poupe mais un pharmacien développa à Troyes une méthode pour faire jaillir les bulles de champagne sans aucun risque de voir son taux d’alcoolémie bondir. Mais avant de déplacer les foules, son parcours n’a pas été sans obstacles, ni sans déceptions.

Cette vie, Maître Kern nous la raconte, avec une touche personnelle qui ajoute une plus-value à ce récit où plane une atmosphère de temps suspendu autour des mots, des fleurs et de certaines capacités humaines à aller toujours de l’avant.

Plutôt que l’hypnose, Coué basait sa méthode sur l’autosuggestion, sur l’accumulation d’idées positives. Malgré le succès de son vivant, sa notoriété chuta ensuite et on lui reprocha la légèreté de son approche curative. Néanmoins, il demeure un personnage incontournable, une référence pour qui préfère la lumière aux ombres.

On ne peut que remercier Étienne Kern pour cette pharmacopée livresque, un ensemble de bien-être, loin des agitations du monde et de la violence récurrente. Oui, « écrire, c’est cesser d’affronter. C’est l’aveuglement heureux. C’est la joie qu’on s’invente ». Pour une vie meilleure.

La vie meilleure – Étienne Kern – Éditions Gallimard – Août 2024

 


mardi 1 octobre 2024

 

Noisette nostalgique

Bande de héros

Philippe Ridet

 

 


L’écrivain reporter continue ses écrits sur ses années de jeunesse avec ce ton nostalgique, si particulier, qui fait toute la richesse de ce nouveau roman parsemé de délicieuses et originales métaphores :

 

« Dans la villa, les journées et les nuits se déroulaient plus ou moins selon le même rituel. Réveil tardif, retrouvailles pour le déjeuner, après-midi de lectures, de tennis ou de baignades. Parfois l’un de nous manquait. Aux environs de 19 heures, quand les troènes allongeaient leur ombre fine sur la pelouse, une légère impatience nous gagnait. Les crépuscules s’éternisaient depuis qu’un supplément de jour auquel nous n’étions pas encore habitués avait été accordé au prétexte d’économie d’énergie. Nous prenions un soin maniaque de cet inestimable et volatil cadeau, le faisant durer comme un fond de cognac au creux de la paume ».

Après Ce crime est à moi et Les amis de passage, Philippe Ridet termine sa trilogie, toujours dans la ville de son enfance Bourg-en-Bresse. En plein été de la fin des années soixante-dix, une bande d’amis se retrouvent chez l’un des leurs qui vient passer la belle saison seul dans la demeure de ses parents. Face à cette période de l’année plus ou moins endormie, chacun réfléchit à son avenir dans l’incertitude la plus complète, danse, boit, flirte dans une insouciance débridée, sans réelle joie, sans désir de vaticiner pensant que l’avenir est encore loin.

L’intérêt majeur de cette Bande de héros se concentre au départ sur la forme, sur la qualité de l’écriture ; comme ces films qui deviennent incontournables pour la qualité de la réalisation, du choix des images. Là, en l’occurrence, le choix des mots, du style ; agrémenté de descriptions très visuelles sans être un discours fleuve. Sur le fond, peu de mouvements, parfois presque un huis-clos mais un intérêt qui va crescendo et ce saut dans la Syrie des années quatre-vingt est révélateur d’une époque lorsque désormais nous le regardons avec nos yeux actuels.

Un livre qui plaira à celles et ceux qui ont connu cette période et qui permettra, aux plus jeunes générations de découvrir une époque loin encore de la technologie à chaque bout de doigt. À lire au coin du feu, pour faire jaillir les flammes de la nostalgie.

Bande de héros – Philippe Ridet – Éditions des Équateurs – Août 2024

jeudi 26 septembre 2024

 

Prix Patrimoines 2024

Jour de Ressac

Maylis de Kerangal

 

©Squirelito

Lundi 16 septembre, l’Hôtel National des Invalides était l’écrin choisi pour dévoiler le nouveau bijou littéraire récompensé par le Prix Patrimoines/Louvre Banque Privée pour sa huitième édition.

Votre serviteur a eu l’immense privilège de pouvoir assister à cette cérémonie qui a couronné le nouveau roman de Maylis de Kerangal : Jour de ressac, une publication des éditions Verticales (Gallimard). Le prix a été annoncé par Stéphane Dedeyan, président du directoire de la Banque Postale et Jean-Marc Ribes, président du directoire de Louvre Banque Privée.

Pour rappel, cette année le jury était composé, s’il vous plaît, de : Daniel Picouly, président, entouré d’'Irène Frain, romancière, journaliste ; Baptiste Liger, directeur de la rédaction de Lire le magazine littéraire; Jean-Marc Ribes, président du directoire de Louvre Banque Privée; Laïla Séfrioui, responsable de la communication de Louvre Banque Privée; François Sureau, avocat, écrivain, membre de lAcadémie française; Didier Van Cauwelaert, écrivain, dramaturge, ; Pierre Vavasseur, écrivain, poète, auteur-interprète, journaliste culturel au ParisienHebdo et «des minutes de lumières en plus» ; Olivier Weber, écrivain-voyageur, grand reporter, et Floryse Grimaud, secrétaire générale et organisatrice du prix.  

© Squirelito


Florise Grimaud a d’ailleurs eu une très belle phrase lors de son discours : « récompenser l’excellence de la langue française considérée comme un patrimoine à transmettre ». Citation qui s’unit parfaitement avec le roman couronné puisque nous sommes au cœur de la transmission, du patrimoine et de l’élégance des belles lettres.

Jour de ressac est l’histoire d’une femme originaire de la ville du Havre et qui est soudain appelée par un officier de police judiciaire de cette même ville lui demandant de venir se présenter au plus vite au commissariat. La narratrice quitte son appartement parisien et sa famille pour retourner au Havre après plusieurs décennies d’absence. Avec effroi, elle apprend qu’un homme assassiné trois jours auparavant a été retrouvé sur la digue Nord avec dans une poche… le numéro de son portable. Les photos ne lui rappellent aucun homme de sa connaissance, pourtant, elle va rester. Pour faire jaillir les souvenirs, faire un aller-retour entre passé et présent. Un récit intime commence pour cet anti-polar. Fort, émouvant.

Un roman qui s’inscrit dans tout l’éventail du patrimoine : des villes françaises et allemandes bombardées, lors de la Seconde guerre mondiale, dont il ne restera parfois, souvent, plus rien ; un patrimoine s’est effondré avec des milliers de vies. Pour faire survivre l’idée de ce patrimoine disparu et de ces vies enfouies, la littérature est un autre patrimoine, un patrimoine alternatif pour empêcher l’oubli, pour perpétuer la mémoire des vagues de l’Histoire. Maylis de Kerangal, tel un peintre, dessine à l’encre des mots ces bâtiments, rues et monuments effacés par la folie destructrice de la folie des faiseurs de guerre tout en faisant rejaillir le « patrimoine humain ».

Entre les guerres d’hier et les guerres d’aujourd’hui, la narratrice plonge et émerge de ces décombres de l’enfer, met en scène deux réfugiées Ukrainiennes ; la ronde des bombes ne finissant jamais. En 2024, Le Havre n’a plus à craindre qu’une pluie de projectiles se déverse mais d’autres fatalités destructrices rampent comme le narcotrafic ou encore, dans un autre domaine, l’intelligence artificielle voulant remplacer les cerveaux humains. Le brutal retour de toutes les réalités sur le long fil de l’humanité/déshumanité.


Fanfare de la Garde Républicaine dans la cour de l'Hôtel national des Invalides pour accueillir les invités
©Squirelito


mercredi 18 septembre 2024

 

Noisette curative

L’île du là-haut

Adrien Borne

 


1948. À Lyon, un jeune garçon de 15 ans, Marcel part se soigner. Atteint de tuberculose, sa mère, qui malgré son autorité chérit son fils unique, désire l’envoyer dans le meilleur sanatorium du plateau de Passy : le sanatorium de Sancellemoz, devenant le sanatorium S dans le roman. Énorme effort financier pour cette mère célibataire. L’adolescent part seul, il n’aura plus son copain Andrea qui ne voyait plus guère à cause de sa maladie. Alité dans sa chambre, il pense à son père inconnu et semble l’avoir aperçu dés son arrivée près du Mont-Blanc. Les fantômes passent, les idées se bousculent. Heureusement, l’infirmière Gabrielle est compréhensive et il se lie avec deux artistes, la restauratrice Valentine et le fantasque Stella.

Marcel se veut libre, son esprit l’est et il n’hésite pas à répliquer comme il l’entend. Son séjour est une sorte de voyage initiatique dans le paysage alpin aux cimes enneigées, avec les discussions autour de la fresque peinte par Valentine et dans les curieuses céramiques de Stella. Mais ensuite ? Est-ce que sa mère va pouvoir continuer à financer ? Pourquoi ses lettres à Andrea restent sans réponse ?

Ce sanatorium, un jour s’arrêtera de recevoir des malades, que restera-t-il de ce lieu de souffrance, de vie et de mort, d’espoir et de lamentations ? Peut-on effacer la mémoire des malades ?

Adrien Borne signe un roman terriblement émouvant. Toute l’histoire du sanatorium revit sous sa fine et créative plume pour laisser une trace face aux milliers de malades oubliés – à part Marie Curie, décédée à Passy –, ceux qui ont pu guérir, ceux qui ont laissé leur dernier souffle face aux montagnes. Au-delà de cette île, plane peut-être encore cet amère constat :  combien la peur, les non-dits, les silences, la crainte d’oser déclarer ses sentiments peuvent amener à la déception, à la colère, au regret, au chagrin.

Un roman humain avec un final aussi surprenant que bouleversant.

« On fait des monuments aux soldats, on ne fait pas d’arc de triomphe à ceux qui ont combattu la maladie, quelle qu’elle soit ».

L’île du là-haut – Adrien Borne – Éditions JC Lattès – Août 2024

samedi 7 septembre 2024

 

Les derniers sur la liste

Gregory Cingal

 


Si Stéphane Hessel reste dans toutes les mémoires, le sont beaucoup moins ses deux autres collègues qui ont survécu au Block 46 du camp de Buchenwald : Forest Yeo-Thomas et Harry Peulevé. Des compagnons d’armes ont déjà été pendus à des crocs de boucher, d’autres attendant leur tour. Mais en septembre 44, des forces clandestines s’organisent dans les camps. Trois pourront échapper au pire, il fallait faire un choix pour les échanger contre des mourants du typhus… Faire un choix, élire parmi les encore survivants de l’enfer trois hommes pouvant être sauvés.

Cette histoire peu connue et qui méritait d’être couchée sur le papier est excessivement bien racontée par Gregory Cingal, utilisant les techniques du roman pour rendre ce document encore plus bouleversant, plus intense. Mais aucune fiction, tout est réel comme chaque personnage.

Non seulement l’auteur retrace chaque fait mais il met le lecteur en immersion dans ces camps de l’horreur, décrivant la vie à l’intérieur où s’entrechoquaient les tortures, assassinats collectifs, malversations, corruption en tout genre, prostitution, guerre des chefs et… résistance des déportés ; une société secrète sur quelques hectares où tous les coups était permis.

Ce block 46 était un centre expérimental – vocable qu’utilisait beaucoup les nazis – pour créer un vaccin contre le typhus et dirigé par le médecin major Ding-Schuler, ambitieux et corrompu mais qui sans lui toute évasion aurait été impossible. Y travaillent des scientifiques, des détenus dont Eugene Kogon, un scientifique juif viennois qui n’écoutera que son courage.

Que dire de plus sinon que de lire ce récit. Une fois encore, au milieu des nombreuses âmes plus que noires, quelques étincelles font briller l’humain. Mais l’Homme reste l’animal le plus monstrueux et barbare, redoutable dans sa capacité à détruire, à faire souffrir et tuer à petit feu. Ce serait pourtant si simple d’aider à vivre…

Les derniers sur la liste – Grégory Cingal – Éditions Grasset – Août 2024

vendredi 6 septembre 2024

 

Noisette fantasque

 

La cinquième saison

Érik Orsenna

 


 

Érik Orsenna constate les dégâts que provoquent l’arrivée de paquebots bondés de touristes à Venise, la Sérénissime victime de son succès. Facétieux, comme à son habitude, il se transforme en conteur pour une fable autour du plus fameux des prêtres roux : Antonio Vivaldi.

Venise agonise, Venise fait un burn out ! La Terre étouffe

« Dans nos guerres modernes, on voudrait croire que ce sont les Nations qui s’affrontent, comme avant. C’est oublier les forces de l’ombre, les entreprises géantes, plus puissantes que les États, les mafias des trafics illicites, bien plus riches, les fraternités religieuses dont les convictions sont folles, sans parler de ces conglomérats baptisés réseaux sociaux ». La Nature s’allie avec la cité des Doges pour débuter une révolte : le temps s’arrête, la nuit envahit le jour, il ne reviendra que si les êtres vivants issus de l’Homo Sapiens reviennent à la raison. Vaste chantier ! C’est alors que surgit dans toute sa flamboyance Vivaldi qui, par un opéra, cet art absolu qui réunit tous les arts, veut sauver la terre avec l’aide des Éléments : l’eau, le feu, l’air, la terre et d’autres encore. Mais il ne peut agir seul ; en toute logique apparaît de nulle part le librettiste le plus espiègle et joyeux de l’art lyrique, le presque frère du divin Mozart : Lorenzo da Ponte.

Erik Orsenna déplore, à juste titre, la course effrénée avec le temps, qu’un « malfaisant virus se nomme la Hâte ». Il aurait peut-être fallu qu’il prenne justement un peu plus de temps pour ce nouvel opus qui manque de cohésion et où les événements se précipitent dans une sorte de méli-mélo. La version définitive – je n’ai lu que les épreuves non corrigées avec coquilles et phrases pas toujours limpides – est probablement améliorée.

Cela dit, cette Cinquième saison reste un vrai roman, une vraie fiction qui permet de libérer les pensées lourdes qui nous entourent et de diffuser une prise de conscience écologique. Divertissant, amusant et qui fait du bien, un livre idéal avant de s’endormir en pensant à Vénus et autres étoiles puisque « dans leur course céleste, les astres composent une musique semblable à celle que produisent les notes ici-bas ». Per la gloria d’adorarvi.

La cinquième saison – Érik Orsenna – Éditions Robert Laffont – Septembre 2024

  Noisette enquêtrice Les fantômes de Versailles Jacques Forgeas   Vous aimez les romans historiques ? Nous sommes en 1673 sous le r...