Une
noisette, un livre
Blanc
Sylvain
Tesson
Blanc
ou le tour des Alpes en quatre-vingt-cinq jours par deux explorateurs du
monde : Sylvain Tesson et Daniel du Lac. Auquel s’est ajouté un troisième
en cours de parcours, Philippe Rémoville : ces rencontres du hasard sur
les chemins noirs, sur les chemins blancs.
Blancheur du massif alpin – tout au moins encore – qui semble évoquer pour Sylvain Tesson toutes les couleurs de la vie, avec ses montées et ses descentes. Froideur de la glace, chaleur d’un rayon de soleil semblant vouloir fendre une cime, solitude de l’espace, souffrance d’une montée vers les cieux, réconfort autour d’un thé qui diffuse une fumée blanche ; habemus mons !
L’abordage de cette traversée est historique : l’écrivain grimpeur révise l’histoire au fur et à mesure des dénivelés : « On pouvait s’occuper à remonter la pente telle une échelle du temps en associant mentalement les altitudes aux dates de l’Histoire ». Ce qui provoque une révision chronologique depuis Charlemagne (800m) en remontant vers Napoléon (1800m), puis, explorer en mode Madame Irma le futur au-delà de 2020m).
Le
rythme de la narration est simple : par étapes, comme des encordées. Mais
l’ennui est refusé au pied des pistes. Magie du Blanc, magie de la plume qui
progresse sans énumérer les faits et gestes : plutôt les diluer dans le
paysage, les éviter près d’une crevasse, les économiser lors d’une montée face
à un vent de 100km/h, les rejeter lors d’une soirée au chaud – toute proportion
gardée – dans un refuge bienvenu, mais les libérer pour ses pensées et les
invocations littéraires. L’amitié est une obligation, la bienveillance, une
option qui coule entre les hommes et dans les paragraphes de ce récit. Quoique.
Sylvain Tesson, qui ne peut rester de glace face aux élucubrations de la gent
humaine ne peut éviter – et c’est tant mieux – quelques pics, piques
comme la vésanie d’Isola 2000 dans le tout modernisme des Trente Glorieuses où
les errances des puissants à enfermer dans une bergerie aseptisée les moutons à
deux pattes lors d’un virus mondial.
Ce livre est une évasion. Logique. Il est aussi un missel – là encore logique puisque la montagne est l’église de Sylvain Tesson – et un guide anti apitoiements. Il renouvelle l’esprit français qui se hâtait de rire de tout, mettait de la légèreté dans la lourdeur, faisait naître un souffle dans l’épuisement, dispersait des flocons pour purifier la grisâtre des esprits.
« Je pensais à la lueur des gazinières de ma grand-mère, faible, inextinguible. Et pendant que le vent arrachait les crénelures des corniches, je cherchais la gazinière. Il y avait un autre secours contre la tempête : se souvenir de la douleur des autres, y comparer la sienne et s’apercevoir qu’elle n’est rien ».
« L’Histoire est ce qui passe au milieu de ce qui demeure ».
« Quand une société vit derrière un écran, il n’est pas difficile de lui faire porter un masque ».
« Là, où le chamois passe, la montagne tient » Daniel du Lac
Blanc – Sylvain Tesson – Éditions Gallimard – Octobre 2022
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire