Une noisette, un livre
Les imparfaits
Sandrine Yazbeck
« Tu es toujours
mon amour, parfois tu n’es que mon amour » Rimah
Une
phrase, quelques mots gravés au dos d’une montre. Celle qui découvrira ce
message ne saura pas exactement ce qu’il veut dire, il est écrit en arabe. Mais
un jour, elle en saura un peu plus, entre secrets et mensonges…
Presque
un huit clos ce roman, un appartement londonien avec un trio de
personnages : Gamal, Howard et Clara l'absente. Tout semble lié entre eux mais
progressivement ce sont des pièces d’un puzzle sur la scène du théâtre de
l’amour et de ses secrets. Juste une escapade à Positano dans la province de
Salerne en Italie.
Gamal
est un ancien grand reporter qui a couvert de nombreux conflits et remporté de
prestigieux prix dont le Pulitzer. Howard est un ami, du moins tout porte à le
croire au début, qui est aussi journaliste mais dans le secteur économique. Clara
est l’épouse de Gamal mais elle a quitté le domicile conjugal il y a cinq ans
sans donner aucune nouvelle. Un jour, Gamal s’aperçoit que son ami a un
billet pour Positano, pays de naissance de Clara. Que lui cache-t-il ? Que
sait-il ? C’est le début du démembrement du puzzle surtout avec la
découverte d’une photo avec le texte de la montre recopié par Clara… Bienvenue
dans l’univers des non-dits, des mensonges et des arcanes de l’intimité des
corps, des âmes.
Pourquoi
n’avoir pas révélé le secret de cette inscription sur sa montre ? Pourquoi
avoir attendu qu’un autre en parle en trahissant la véritable histoire ?
Pourquoi l’humain a tant de mal à avouer ses propres faiblesses, ses propres
peines au risque de les provoquer chez ceux qu’il aime ? Des questions et
un roman parfait sur ce que sont les protagonistes et qu’en fait, nous sommes
tous : imparfaits. Des faits du passé deviennent concomitants dans le
présent et c’est une spirale qui s’engouffre sans que personne ne puisse l’arrêter
sauf la mort.
Cette
grande faucheuse qui brise avant l’heure des vies, des passions, et qui est
omniprésente chez les reporters de guerre comme Gamal. Ces morts que relatent
les journalistes mais n’ont jamais fait stopper le cours de l’histoire, qui
n’ont jamais pu influencer les décisions belliqueuses des faiseurs de conflits.
Pourtant, ils sont toujours là pour montrer au monde l’absurdité, la géhenne des
guerres. Howard faisait partie des vaincues, Gamal faisait partie de ceux qui y
croyaient ; qu’une photo, un récit pouvait changer la face du monde. C’est
l’objet du chapitre 23 qui est digne de figurer dans les annales du journalisme
de guerre.
Un
roman magnifique, lyrique, qui démarre par un largo énigmatique et qui va aller
crescendo pour se terminer dans une marche scripturale triomphale. C’est beau
comme un opéra, triste comme une tragédie. Si les cartes humaines étaient plus
sincères, si elles ne mentaient pas, peut-être que les réponses amères n’existeraient
plus.
« Ce serait
formidable si, pour rattraper le temps perdu, il suffisait de monter et
descendre les escaliers » !
« Howard pensait
qu’il n’y avait rien à changer, que de cycle en cycle le monde suivrait inexorablement
sa course, que je l’accepte ou non, mais j’aimais tout de même croire que, de
petites pierres en modestes édifices, le destin d’une ou deux personnes à la
fois, j’avais un peu changé le monde, le monde et la vie des personnes au nom
desquelles j’avais témoigné ».
« J’avais vécu
comme l’un de ses soldats dont j’avais si souvent croisé le chemin, qui avaient
réussi à survivre avec, logées au fond du corps, les balles de la dernière guerre,
un soldat qui croyait qu’il pourrait survivre sans guérir, pourvu qu’il ne soit
pas à nouveau blessé. Un soldat qui s’était trompé ».
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