mercredi 23 janvier 2019


Une noisette, un livre


 Félix et la source invisible

Eric-Emmanuel Schmitt




Les pierres, le vent, la nature… autant d’esprits, autant de forces pour donner aux êtres vivants une énergie pour suivre le chemin de vie.

Eric-Emmanuel Schmitt poursuit sa série du « Cycle de l’invisible » avec pour protagonistes un garçon de douze ans et sa maman, et, en filigrane, l’animisme, une religion sans en être une, mais une forme de spiritualité, sûrement. Une psyché orientée vers la nature, du processus conscient au processus inconscient.

Suite au décès de son voisin épicier, la maman de Félix, Fatou, perd peu à peu toute vitalité, à tel point que son fils pense qu’elle est morte. Heureusement, il y a Madame Simone qui va prendre les rênes du café et les clients habituels comme Robert Larousse (je vous laisse deviner pourquoi ce nom, si je raconte tout, plus aucun charme de découverte). Cependant, son état empire et Félix décide d’appeler oncle Bamba, seul membre supposé de la famille. Parce que Félix est sans père, il a juste été reconnu par le… Saint-Esprit, un superbe Martiniquais qui s’est juste contenté, au départ, d’un acte de chair. S’ensuit une recherche du pourquoi du comment avec l’aide de marabouts plus spécialisés par l’accumulation de billets que par des soins d’apaisement de l’âme. Bamba ne sachant plus quoi faire décide de faire appel au Saint-Esprit… La deuxième partie du livre commence, de Belleville, la famille part au Sénégal, sur les terres des ancêtres de Fatou, Papa Loum et Archimède le chien devenant les maîtres de cérémonie de l’imperceptible.

Cette nouvelle approche spirituelle par l’aède des religions, est d’une finesse d’esprit qui laisse le lecteur avec le sourire, surtout si ce denier ne songe qu’à communier avec la nature (dixit un écureuil arboricole). Une méthode profane mais qui transforme l’écriture en une foi, donnant à chaque opus une envie de découvrir par d’autres ouvrages les racines des différentes croyances terrestres.

Que vous y croyez ou que ne vous n’y croyez pas, que vous soyez flûte ou violoncelle, vous ne pourrez que succomber à la légèreté de la narration, telle une légère brise de palabres, adopter l’humour aussi fin qu’un brin d’herbe au printemps, imaginer en vrai le petit Félix, humer l’invisible.
L’écrivain qui déclare « ne pas écrire mais s’assoir » a certainement épousé le plus confortable des fauteuils pour livrer sur un plateau des histoires où les belles âmes se rencontrent. De l’animisme spontané (celui de l’enfance) à l’animisme civilisé (la vision de l’invisible par le visible), Félix nous transporte doucement vers une paix intérieure et qui fait rêver par ces temps où l’homme ne songe que trop à ensevelir plutôt que de s’élever.

« Son défaut à mes yeux était de n’en avoir aucun ».

« Or, quand on n’a plus de passé, on n’a plus de présent non plus ,et encore moins d’avenir ».

« Maman pointait le doigt vers un baobab colossal, massif, ventru, aussi large que haut, si puissant qu’on avait l’impression qu’il avait été posé sur cette terre rousse plusieurs millénaires avant par des titans. L’énorme base, constituée de troncs agrégés les uns aux autres, s’achevait en une couronne de branches irrégulières, sans feuilles, qui suçaient l’azur, comme si l’arbre, posé à l’envers, plongeait ses racines dans le ciel ».

« L’esprit soigne l’esprit ».

Félix et la source invisible – Eric-Emmanuel Schmitt – Editions Albin Michel – Janvier 2019



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