jeudi 3 mai 2018


Une noisette, un livre

 

Nomade brûlant

Amina Mekahli

 

 

« Nomade brûlant ». Déjà le titre est un roman à lui tout seul, il est le sable, ces grains qui tourbillonnent, qui collent à la peau, un sable que l’on ne peut oublier si on est né dedans. Mais lors d’une tempête, tout peut disparaître ou partir dans une arène pour une mise à mort de la source qui vous a fait naitre. Pourtant, c’est parfois la destinée d’un peuple à qui on consume sa culture au nom d’une supposée supériorité.
C’est un pan de l’histoire algérienne qui défile au cours des pages et, par extension, celle de ces pays dont les colonisations ont voulu gommer toute identité vernaculaire.

Le récit constitué en trois parties bien distinctes retrace le parcours d’un homme devenu médecin célèbre mais qui porte en lui une blessure incurable : celle d’avoir été arraché des bras de sa mère pour se retrouver dans ceux d’une autre dans un pays de l’autre rive de la Méditerranée. Cet homme, a perdu son enfance, a perdu sa langue, a perdu ses racines. De la souffrance d’un camp de regroupement, il ne saura plus ensuite qui il est vraiment et découleront des peurs incontrôlables, des migraines. Adieu le soleil, adieu les étoiles, adieu, va, tout s’en va… Mais il va se rebeller en scénarisant ce qui l’étouffe pour retrouver un souffle possible de vie dans son Algérie natale.

Amina Makahli livre une œuvre déchirante sur les questions d’identité, d’enfermement, de paraître, sur l’exil. Petit bonhomme devenu apatride même de son palmier. L’écriture et la narration sont originales, novatrices jusque dans les dialogues en demi-teintes, où tout se devine et s’entrecroise. Quant à la poésie, elle est omniprésente, elle est ombre et lumière, s’envolant en force scripturale pour étayer la douleur morale de ce nomade transformé en palimpseste.  

« Le silence guérit toutes les blessures, le silence est comme l’eau claire, il dissout aussi bien le sucre que le sel, et redevient aussi limpide qu’avant. L’eau est dans mon souvenir comme une bien-aimée. »

« J’ai tout dissimulé au fonds d’un puits, loin, très loin dans ma mémoire, et j’ai souri au monde et à ses lumières, j’ai souri au destin. Je n’ai gardé au-dessus du puits que la couleur de ma peau comme seul couvercle de [ moi ] ».

« Je suis une ombre parmi les ombres. Je suis dans le présent des ombres ».

« J’ai tenu dans ma main
de toute ma folie
une poignée de sable
mais mes doigts fatigués
ont refusé l’étreinte »

Nomade brûlant – Amina Mekahli – Editions Anep – Octobre 2017

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