Une noisette, un livre
Nomade brûlant
Amina Mekahli
« Nomade
brûlant ». Déjà le titre est un roman à lui tout seul, il est le sable,
ces grains qui tourbillonnent, qui collent à la peau, un sable que l’on ne peut
oublier si on est né dedans. Mais lors d’une tempête, tout peut disparaître ou
partir dans une arène pour une mise à mort de la source qui vous a fait naitre.
Pourtant, c’est parfois la destinée d’un peuple à qui on consume sa culture au
nom d’une supposée supériorité.
C’est
un pan de l’histoire algérienne qui défile au cours des pages et, par
extension, celle de ces pays dont les colonisations ont voulu gommer toute
identité vernaculaire.
Le
récit constitué en trois parties bien distinctes retrace le parcours d’un homme
devenu médecin célèbre mais qui porte en lui une blessure incurable :
celle d’avoir été arraché des bras de sa mère pour se retrouver dans ceux d’une
autre dans un pays de l’autre rive de la Méditerranée. Cet homme, a perdu son
enfance, a perdu sa langue, a perdu ses racines. De la souffrance d’un camp de
regroupement, il ne saura plus ensuite qui il est vraiment et découleront des
peurs incontrôlables, des migraines. Adieu le soleil, adieu les étoiles, adieu,
va, tout s’en va… Mais il va se rebeller en scénarisant ce qui l’étouffe pour
retrouver un souffle possible de vie dans son Algérie natale.
Amina
Makahli livre une œuvre déchirante sur les questions d’identité, d’enfermement,
de paraître, sur l’exil. Petit bonhomme devenu apatride même de son palmier. L’écriture
et la narration sont originales, novatrices jusque dans les dialogues en
demi-teintes, où tout se devine et s’entrecroise. Quant à la poésie, elle est
omniprésente, elle est ombre et lumière, s’envolant en force scripturale pour étayer la douleur morale de ce nomade
transformé en palimpseste.
« Le silence guérit
toutes les blessures, le silence est comme l’eau claire, il dissout aussi bien
le sucre que le sel, et redevient aussi limpide qu’avant. L’eau est dans mon
souvenir comme une bien-aimée. »
« J’ai tout
dissimulé au fonds d’un puits, loin, très loin dans ma mémoire, et j’ai souri
au monde et à ses lumières, j’ai souri au destin. Je n’ai gardé au-dessus du
puits que la couleur de ma peau comme seul couvercle de [ moi ] ».
« Je suis une ombre
parmi les ombres. Je suis dans le présent des ombres ».
« J’ai tenu dans ma
main
de toute ma folieune poignée de sable
mais mes doigts fatigués
ont refusé l’étreinte »
Nomade brûlant – Amina Mekahli
– Editions Anep – Octobre 2017
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