Une noisette, un livre
Falaise des fous
Patrick Grainville
Du
haut des falaises d’Etretat, un demi-siècle vous contemple… L’histoire est
racontée par Charles, amoureux des arts, des femmes. Passionnément, beaucoup, à
la folie. Les décors sont naturels et la mise en lumière est de Patrick
Grainville. Avec l’aide de Monet, parce qu’il peint…
Blessé
lors d’une mission sanglante en Algérie, Charles revient sur le sol normand,
protégé par son oncle, le frère de sa mère. Cette mère inconnue, abandonnée par
son amant et, décédée lorsque le garçonnet avait 3 ans. Depuis l’enfance, il
recherche quelque chose de sa mère, quelque chose qui puisse créer un lien indéfectible,
comme un portrait par exemple.
Profane en peinture, il va se pencher corps et âme vers cet art qui le fascine et parce qu’il va rencontrer des femmes, Mathilde, Anna, Aline, qui vont l’initier à tous les plaisirs des sens, comme si chaque trait apporté à un tableau correspondait à une expression sensuelle. Et Monet peint.
Mais
il n’est pas le seul, l’impressionnisme est à son apogée et que d’artistes se
rencontrent, échangent, se jalousent, s’affrontent à coups de pinceaux :
Manet, Courbet, Degas, Boudin mais sans oublier tout ce qui fait le panache des
belles lettres, entre Hugo, Maupassant, Flaubert, Proust et « sa voix
d’envouteur d’Ispahan », avec même une incursion musicale comme pour
« La dame blanche » de Boieldieu. Cette verve artistique se retrouve
sous la plume de Patrick Grainville, qui ne se contente pas d’écrire mais de
vivre chaque tableau, chaque poème, chaque création, tout semble surgir d’une
ardente flamme, jaillissante, foisonnante, pétulante ! Même le mot
« emmerdatoire » prend une dimension de purisme.
Une
bacchanale de vocables pour une écriture baroque, flamboyante, forcément… le
lecteur plonge dans une atmosphère dionysiaque, entre ivresse joyeuse de la
beauté d’une époque mais également gueule de bois devant l’intolérance de
l’affaire Dreyfus et l’horreur de la 1ère guerre mondiale où résonne
encore la chanson de Craonne (« Adieu
la vie, adieu l’amour »). Car derrière les envolées lyriques, c’est un
regard sans œillères que l’écrivain transcrit, sans nuances cette fois-ci, les
ombres étant suffisantes pour dessiner les inhumanités de la fin du XIX° et du
début du XX°.
Reste
la mer et sa colorimétrie en harmonie avec le ciel, des dérivés de bleus, des
nuages qui apportent parfois plus de lumière que le soleil lui-même. C’est une
promenade hors du temps, un musée de mots, un kaléidoscope de tableaux, des « duos
de fleurs » dans les jardins de Giverny
« Sous le dôme épais où le blanc jasminÀ la rose s'assemble,
Sur la rive en fleurs, riant au matin,
Viens, descendons ensemble »
Parce que Monet peint…
« La vie est un nuage de nymphéas ».
« Il est des personnages intérieurs dotés d’une sorte
d’éternité. On ne cesse de les rencontrer en rêve bien après leur mort déniée
par notre moi le plus profond ».
Falaise des fous – Patrick Grainville – Editions du Seuil –
Janvier 2018
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