lundi 3 avril 2023

 

Une noisette, un livre
 
La dernière frontière
Volodia Petropavlovsky

 


« L’hostilité du monde apprend aux hommes la solidarité »

 

Traverser l’Alaska en canoë avec pour seul compagnon soi-même, ça vous tenterait ? Pas vraiment pour votre serviteur qui s’est pourtant jeté sur cette lecture, cette noisette, pour se délecter de ce récit qui a l’immense avantage d’être lu comme si on portait des lunettes virtuelles pour découvrir en même temps le paysage et ses habitants ; le froid et la faim en moins.

Certes, l’auteur n’a pas crié famine mais manger une sempiternelle nourriture asséchée et fade semble lui avoir pesé. Quant au froid et à l’humidité, on comprend vite que le journaliste n’a recherché comme luxe qu’une aventure cinq étoiles gorgée d’adrénaline.

Au fil de la Tanana et du Yukon à bord de son embarcation très rudimentaire, Volodia Petropavlovski raconte ses rencontres improbables, souvent amicales, parfois plus hostiles. Grâce à elles toutes, le jeune aventurier a pu terminer son périple jusqu’à la mer de Béring, et en entier. Beaucoup le mettaient en garde, le prenaient pour un fou ; la vésanie a ce pouvoir de vous faire accomplir l’impossible.

Aucune leçon de vie n’émane de cet ouvrage mais on peut avancer qu’il s’agit pourtant d’une leçon d’humilité. L’auteur ne se prend jamais pour un héros ni pour un conquérant. Il avoue ses craintes, ses peurs ; en toute sagesse. Il a réalisé un rêve avec, certainement, cette richesse de la jeunesse qui permet de dépasser les limites.

Un récit sobre qui met l’accent sur l’humain ; les passages les plus captivants restent ces moments de rencontres – le climax pages 137/138 – rencontres rares et précieuses quand on s’engage seul avec seulement de la bravoure et une dose d’inconscience. Sans oublier l’humour saupoudré au fil de l’eau. Quant aux dernières phrases, elles valent le livre à elles toutes seules… Superbes !

« On ne s’aventure pas au bout du monde pour rejeter son quotidien, mais pour en embrasser un nouveau ».

« Je devrai me contenter de mon unique compagnie. J’espère que nous allons bien nous entendre ».

« J’observe la rivière en écoutant le crépitement des bûches. Sur quel décor s’ouvrira-t-elle au-delà du virage qui ferme l’horizon ? S’il y a des îles, le courant sera-t-il plus puissant entre les terres ? Trouverai-je un endroit pour bivouaquer ? Anticiper ne sert à rien : dans l’angle mort se cachera toujours un danger. Dans moins de quarante-huit heures, le Yukon me portera, immense fleuve de trois mille kilomètres descendu des montagnes canadiennes (…) C’est au matin que l’embouchure apparaît. Un arc-en-ciel perce les nuages et prend appui sur les deux cours d’eau. Je laisse la Tanana me porter lentement, imprimant à jamais son ultime murmure dans mon esprit… »

« Mes compagnons me font penser à des naufragés. L’infortune les a échoués sur les rives d’un Yukon auquel ils sont éternellement liés. Jamais de ma vie je crois n’avoir été témoin d’une pareille misère comme d’un tel accueil. L’hostilité du monde apprend aux hommes la solidarité ».

Volodia Petropavlovsky – La dernière frontière – Éditions Le Mot et le Reste – Février 2023

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