lundi 8 juillet 2019


Une noisette, un livre


 Personne n’a oublié

Stéphanie Exbrayat




Un livre qui ne s’oublie pas. Parce qu’on découvre une auteure, Stéphanie Exbrayat, parce que c’est une histoire qui va bien au-delà d’un roman policier ; c’est une immersion au cœur d’un personnage, une femme qui rayonne de la première à la dernière page par sa capacité à affronter les malheurs et à s’accrocher à la vie.

Colette habite depuis toujours un petit village du Morvan et a épousé par la force des choses un inconnu, François, qui a débarqué un jour dans cette campagne. Elle était enceinte de feu son amant et amour Guy disparu tragiquement. Quand son fils Sam est né il a pris le patronyme de son supposé père sans que personne, apparemment, ne se doute de quelque chose. Dix ans plus tard Sam meurt après avoir fait une chute de plusieurs mètres au haut d’une grange ; Colette refuse de croire en un accident et promet sur la tombe de son fils qu’elle fera tout pour découvrir la vérité.
Elle soupçonne de suite François d’être le meurtrier, cet homme violent, irascible, avec qui elle vit un enfer permanent. L’action se passe dans les années 50 et à l’époque la femme n’a toujours guère de droits face à son mari. Elle est donc contrainte de lui obéir et de courber l’échine au moindre de ses désirs. Et de ses pulsions…

Elle va être soutenue et encouragée par sa voisine, la fidèle Madeleine, qui ne cesse de la consoler et de la protéger ainsi que par son médecin, le dévoué Docteur Verdier. Lors de son enquête menée discrètement, Colette va découvrir des secrets autour de son mari et devra affronter Robert, un homme rustre qui a toujours été amoureux (à sa façon) de la jeune femme…

Proche du thriller psychologique nous sommes loin du roman policier traditionnel avec enquête policière et projections régulières d’hémoglobine. « Personne n’a oublié » est une rencontre avec une femme exceptionnelle de par sa vaillance et, à travers son portrait, c’est une radioscopie de la condition féminine dans la France d’après-guerre dans un petit village où tout se sait, où tout peut devenir rapidement rumeur. Par ce biais, Stéphanie Exbrayat exprime parfaitement l’ambiance villageoise et la soumission féminine face à ce pouvoir phallique.

Tous les ingrédients sont réunis pour une intrigue palpitante mais aussi particulièrement émouvante au fur et à mesure de la lecture, le tout agrémenté d’une écriture sobre et raffinée ce qui est un atout supplémentaire. Puisse Stéphanie Exbrayat écrire beaucoup d’autres romans avec cette sensibilité qui n’appartient qu’aux gens qui sont nés avec. Et qui savent la faire partager.

« Dans la nuit sombre, elle court comme une folle vers la tombe de Sam. Elle veut vomir sa colère. Le vent siffle dans les arbres déchiquetés. Un chien hurle quelque part au loin. A plusieurs reprises elle se retourne pour vérifier que François ne la suit pas. Malgré sa peur, elle pousse la grille entrouverte du cimetière dans un grincement lugubre. Elle se faufile comme une ombre entre les tombes pour s’asseoir à même la terre, devant celle de son fils ».

« Si Robert n’est plus qu’une loque, sa voix n’a rien perdu de son venin, ni de son agressivité, et pour Colette c’est un électrochoc. Son agression lui revient vivement en mémoire, et avec elle, un torrent de haine ».

« Colette s’allonge sur le dos et plonge son regard dans le ciel bleu pâlissant. Un long silence s’installe que ni l’un, ni l’autre ne se sent obligé de combler. Colette est bien à côté de cet homme. Elle voudrait pouvoir prolonger ce moment indéfiniment. Sentir cette présence masculine à ses côtés provoque en elle un désir fou. Elle ressent cette attirance, attisée par l’interdit, jusqu’au fond de son ventre ».

Personne n’a oublié – Stéphanie Exbrayat – Editions Deboree – Juin 2019

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