Une noisette, un livre
Personne n’a oublié
Stéphanie Exbrayat
Un
livre qui ne s’oublie pas. Parce qu’on découvre une auteure, Stéphanie
Exbrayat, parce que c’est une histoire qui va bien au-delà d’un roman
policier ; c’est une immersion au cœur d’un personnage, une femme qui
rayonne de la première à la dernière page par sa capacité à affronter les
malheurs et à s’accrocher à la vie.
Colette
habite depuis toujours un petit village du Morvan et a épousé par la force des
choses un inconnu, François, qui a débarqué un jour dans cette campagne. Elle
était enceinte de feu son amant et amour Guy disparu tragiquement. Quand son
fils Sam est né il a pris le patronyme de son supposé père sans que personne,
apparemment, ne se doute de quelque chose. Dix ans plus tard Sam meurt après
avoir fait une chute de plusieurs mètres au haut d’une grange ; Colette
refuse de croire en un accident et promet sur la tombe de son fils qu’elle fera
tout pour découvrir la vérité.
Elle
soupçonne de suite François d’être le meurtrier, cet homme violent, irascible,
avec qui elle vit un enfer permanent. L’action se passe dans les années 50 et à
l’époque la femme n’a toujours guère de droits face à son mari. Elle est donc
contrainte de lui obéir et de courber l’échine au moindre de ses désirs. Et de
ses pulsions…
Elle
va être soutenue et encouragée par sa voisine, la fidèle Madeleine, qui ne
cesse de la consoler et de la protéger ainsi que par son médecin, le dévoué Docteur
Verdier. Lors de son enquête menée discrètement, Colette va découvrir des
secrets autour de son mari et devra affronter Robert, un homme rustre qui a
toujours été amoureux (à sa façon) de la jeune femme…
Proche
du thriller psychologique nous sommes loin du roman policier traditionnel avec
enquête policière et projections régulières d’hémoglobine. « Personne n’a
oublié » est une rencontre avec une femme exceptionnelle de par sa
vaillance et, à travers son portrait, c’est une radioscopie de la condition
féminine dans la France d’après-guerre dans un petit village où tout se sait,
où tout peut devenir rapidement rumeur. Par ce biais, Stéphanie Exbrayat
exprime parfaitement l’ambiance villageoise et la soumission féminine face à ce
pouvoir phallique.
Tous
les ingrédients sont réunis pour une intrigue palpitante mais aussi
particulièrement émouvante au fur et à mesure de la lecture, le tout agrémenté
d’une écriture sobre et raffinée ce qui est un atout supplémentaire. Puisse
Stéphanie Exbrayat écrire beaucoup d’autres romans avec cette sensibilité qui
n’appartient qu’aux gens qui sont nés avec. Et qui savent la faire partager.
« Dans la nuit
sombre, elle court comme une folle vers la tombe de Sam. Elle veut vomir sa
colère. Le vent siffle dans les arbres déchiquetés. Un chien hurle quelque part
au loin. A plusieurs reprises elle se retourne pour vérifier que François ne la
suit pas. Malgré sa peur, elle pousse la grille entrouverte du cimetière dans
un grincement lugubre. Elle se faufile comme une ombre entre les tombes pour
s’asseoir à même la terre, devant celle de son fils ».
« Si Robert n’est
plus qu’une loque, sa voix n’a rien perdu de son venin, ni de son agressivité,
et pour Colette c’est un électrochoc. Son agression lui revient vivement en
mémoire, et avec elle, un torrent de haine ».
« Colette s’allonge
sur le dos et plonge son regard dans le ciel bleu pâlissant. Un long silence
s’installe que ni l’un, ni l’autre ne se sent obligé de combler. Colette est
bien à côté de cet homme. Elle voudrait pouvoir prolonger ce moment
indéfiniment. Sentir cette présence masculine à ses côtés provoque en elle un
désir fou. Elle ressent cette attirance, attisée par l’interdit, jusqu’au fond
de son ventre ».
Personne n’a oublié –
Stéphanie Exbrayat – Editions Deboree – Juin 2019
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