Une noisette, un
livre
Les ailes
collées
Sophie de Baere
Mai
2003. Tout semble aller pour le mieux dans le plus beau des mondes. Ana et Paul
se marient. Une cérémonie simple où chacun est enchanté de cette union avec les
nouveaux mariés qui attendent très prochainement le plus heureux des
événements. Au milieu des félicitations et des bulles qui pétillent, Paul a une
surprise : sa femme a invité deux anciens camarades d’école dont Joseph.
Un choc émotionnel.
Immense choc qui fait replonger Paul des années en arrière, en 1983 à l’âge de ses quatorze ans. Ces années au collège sont assez difficiles, peu de camarades, la plupart se moquent de lui parce qu’il est bègue, et, il ne peut trouver de sérénité chez lui entre une mère alcoolique amoureuse d’un mari volage, le père de Paul qui ne sait jamais dire qu’il aime ses enfants, surtout Paul l’enfant considéré comme un accident un soir de fête. Seule sa petite sœur Cécile lui apporte un peu de réconfort en prenant soin d’elle. Jusqu’au jour où il croise près de chez lui en Normandie, en bord de plage, un garçon de son âge au physique incandescent et à l’allure hors du temps. L’un et l’autre aiment la danse, la musique, savent écouter le silence et accrocher la même sensibilité dans leurs veines. Mais l’odieux monstre rampant de l’homophobie va secouer tous ses piques dans l’enfer du harcèlement scolaire. Insultes, humiliations, coups…jusqu’au jour où Joseph s’enfuit pour éviter le pire. Avec le cœur en morceaux.
Les ailes collées. Collées par la haine, par l’intolérance, par la bassesse humaine pour empêcher aux corps de se déployer dans une totale liberté et pour enfermer les âmes dans les tréfonds des rêves ensevelis. Sophie de Baere signe un nouveau roman absolument bouleversant et qui décrit toute la souffrance qu’endure les êtres qui ne peuvent s’aimer parce qu’ils sont jugés différents alors que l’amour ne répond à aucune loi, il est « enfant de bohème » et ce sont ceux qui l’empêchent qui devraient prendre garde à eux.
L’autrice avait déjà révélé ses talents non seulement d’écrivaine mais également d’observatrice des âmes. Là, elle atteint des sommets en décrivant par une écriture simple et délicate tout le parcours psychique des victimes ; ces enfants, ces adolescents, ces adultes qui ne rentrent pas dans les cases ou qui sont jugés – sur on ne sait quel critère – différents.
Le harcèlement scolaire ne date pas d’aujourd’hui – j’en sais hélas quelque chose – et il n’a pas été pris en compte dès ses premiers soubresauts. Que c’est par les racines qu’il faut éliminer le mal - pour tout harcèlement- et non par quelques pansements pour occulter la plaie. Parce que les blessures d’un harcèlement, les coups – physiques et mentaux – durent toute une vie. Merci Sophie de Baere pour ce livre choc écrit avec un immense cœur et puisse votre roman devenir un messager contre la persécution et toute forme de haine.
« La jeunesse peut-être une guerre silencieuse, un champ de bataille où des enfants d’à peine quinze ans sont capables de tuer à bout portant leurs camarades. Et cela, sous les yeux des adultes qui sont censés les protéger ».
« On dit que le temps qui passe ôte le granuleux et le tranchant, qu’il taille et polit. On dit que chaque année, chaque mois, chaque seconde se mue en un rabot magnifique. Pourtant, encore aujourd’hui, Paul porte son enfance comme une blessure sous la carcasse ».
« La danse est une réconciliation des sens et des âmes ».
Les ailes collées – Sophie de Baere – Editions JC Lattès – Février 2022
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