Une noisette, un
livre
Les lieux
qu’habitent mes rêves
Felwine Sarr
Fodé
et Bouhel sont jumeaux et chacun est presque une partie de l’autre. L’un est
resté au pays sérère – Fodé – l’autre est parti étudier en France – Bouhel. Fodé
est celui qui a été désigné pour reprendre la charge spirituelle sur le Ndut,
il en sera le souffle. Le destin de Bouhel sera plus mouvementé, il rencontre
une Polonaise, Ulga, qui le conduira jusqu’en Poméranie et, hélas, à la prison
du quartier Mokotov à Varsovie. Certains lieux seront des rêves habités et
permettront une renaissance lorsque les ténèbres sembleront gagner.
Comment résumer un roman qui ne peut l’être dû à son pouvoir d’entrer presque en communion avec l’auteur par cette ode à la fraternité. Quand tant d’écrits relatent les failles familiales, les jalousies d’une fratrie, les violences, là cet ouvrage renoue avec les racines et le pouvoir de transmission. Une solidité qui permet aux deux frères éloignés physiquement d’être néanmoins proches par la pensée et la solidarité.
Beaucoup de métaphores notamment par les univers géographiques, l’Afrique (Sénégal) et l’autre Europe (Pologne) face à l’Europe (France), deux dominés face au dominant où se retrouvent Ulga et Bouhel par leur étrangéité et une approche lumineuse sur la force de l’invisible et le pouvoir des mots. Malgré les accidents du destin, ce refus de s’enfoncer dans la noirceur et de trouver une foi pour le chemin de l’apaisement. Même si seules les religions sérères et chrétiennes sont abordées, le soufisme semble être constamment en transparence.
Autre valeur primordiale celle de la puissance des femmes, par la mère, l’épouse, la compagne. Toutes tentent de réconcilier, d’éloigner les tensions, de combler les failles. Vous l’aurez compris, ce livre est exquis et un hymne à la recherche de la sérénité pour qui sait écouter le silence et parler aux bruits du monde.
« Après avoir longtemps erré, j’avais décidé de prendre le seul chemin qui ne menait pas à une impasse, celui où le cœur profond disait d’aller ».
« Pour chaque être humain, les conditions initiales sont ce qu’elles sont, à lui de les transformer en calme jardin ou en buisson épineux, pour peu que les vents l’y aident ».
« Il faut réapprendre à écouter le monde, les astres, les montagnes, les mers, la nuit, la rue. Écouter tout ce qui ne parle pas, mais pourtant signifie ».
Les lieux qu’habitent mes rêves – Felwine Sarr – L’Arpenteur (Gallimard) – Février 2022
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