mercredi 24 novembre 2021

 

Une noisette, un livre
 
Ces héroïnes qui peuplent mes nuits
Mia Kankimäki

 


Voilà un livre à mettre entre toutes les pattes et qui à l’originalité d’être à la fois un document, un roman, une recherche historique, un récit d’aventures avec même quelques pincées de développement personnel.

L’autrice et traductrice Mia Kankimäki, par ailleurs passionnée par la culture japonaise, pourrait presque nous faire croire que ses nuits sont plus belles que ses jours ; au lieu de compter les moutons elle peuple ses insomnies d’héroïnes, ces femmes qui ont bravé les interdits, se sont émancipées malgré le corset sociétal, ont réalisé leurs rêves, ont créé la touche féminine dans un univers resté très longtemps (et encore de nos jours) aux mains des hommes. De l’Afrique au Japon, l’énergique Mia est parti sur les traces de ces féministes qui ont revendiqué leur liberté par leur détermination, leur courage et une force parfois surhumaine. Elles ne cherchaient pas le scandale (hormis la plus contemporaine de toutes, Yahoi Kusama, elles agissaient !

Entre les longs chapitres purement biographiques, sont intercalés les récits des propres aventures de l’autrice, de la Tanzanie au Japon en passant par l’Italie et la France, à chaque fois pour retrouver les traces et effluves de « ses » héroïnes ou pour trouver un espace idoine à l’écriture. Mais qui aime bien châtie bien, pas de flagornerie à titre posthume, quand des bémols résonnent Mia Kankimäki le fait savoir, et par exemple, comme elle, la passion que vouait Karen Blixen m’a toujours passablement perturbée. Je laisse la curiosité planer et à vous de découvrir qui sont ces femmes, certaines très connues, d’autres beaucoup moins. J’ai été particulièrement enchantée de faire plus ample connaissance avec Sofonisba Anguissola, célèbre portraitiste à la cour d’Espagne de Philippe II, devenue amie avec Elisabeth de Valois et qui rendit l’âme à plus de 90 ans ! Sa vie est un roman et elle mériterait une plus ample place dans la galerie des immortels de la peinture ! Et ô combien réjouissant de remettre sur papier que Mary Kingsley a été la première femme à gravir le Mont Cameroun !

Parfois l’écrivaine se centre un peu sur elle-même, néanmoins avec humour, et donne par sa plume une énergie bienfaitrice en terminant par un conseil à afficher au plus profond de son âme : « Quoi que tu fasses, cherche ta montagne magique »

 

« Un endroit pareil, posé au bord du Grand Rift, vous fait réfléchir à la planète, à la mesure des choses. Ce qui a de l’importance, ce qui n’en a pas, l’immense diversité de la nature, le récit de la création – cette sphère incroyable qui file dans l’univers, et nous, à sa surface ».

« Certes, Karen, je saisis la métaphore. Mais ici, dans les plaines paradisiaques de Manyara, je ne parviens pas le moins du monde à comprendre comment tuer des animaux soit si grandiose qu’on ait envie de déboucher une bouteille de champagne ».

« Les ambitions impérialistes occidentales culminèrent en 1885 lors de la conférence de Berlin où fut décidé le partage de l’Afrique entre les puissances européennes. Pas un Africain ne fut convoqué à cette réunion absurde. Des diplomates qui n’avaient jamais mis un pied en Afrique débitèrent le continent en tranches à leur guise ».

«  Le canot de Mary Kingsley fut un jour bloqué au milieu des crocodiles, qu’elle décida de chasser à coups de parapluie ».

« Mary entama la rédaction de ses West African Studies, destinées à  un public universitaire, tout en continuant ses tournées de conférences à un rythme soutenu. Elle en profitait pour plaider en faveur des Africains et devint peu à peu une figure incontournable des controverses sur la politique coloniale – certains mêmes la trouvaient dangereuse, car ses opinions s’écartaient radicalement des vues portées par les missionnaires et les colonialistes. Pour Mary, les Africains n’étaient pas plus « de grands enfants » que des « sauvages cruels » qu’il fallait « civiliser », mais des personnes pleines de bon sens dont il fallait respecter et préserver la culture ».

« Si tu as une passion, exerce-là. Tu n’as pas besoin d’une formation officielle ».

Ces héroïnes qui peuplent mes nuits – Mia Kankimäki – Traduction : Claire Saint-Germain – Editions Charleston – Septembre 2021

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