lundi 20 septembre 2021

 

Une noisette, un livre
 
Berlin Requiem
Xavier-Marie Bonnot

 


En juin 1954, Wilhelm Furtwängler est au crépuscule de sa vie ; affaibli et de plus en plus sourd il ne peut plus diriger et doit renoncer à diriger Tristan et Isolde. C’est un musicien de vingt-neuf ans qui est choisi pour le remplacer : Rodolphe Meister, le fils de l’illustre cantatrice d’avant-guerre, Christa Meister qui a chanté les héroïnes wagnériennes sous la baguette du maître allemand et qui avait, à l’époque des jours heureux, présenté au chef d’orchestre son petit garçon de 7 ans sachant déjà parfaitement lire la musique. C’était en 1932, quelques mois avant l’arrivée des nazis avec au pouvoir Hitler et ses sinistres sbires. La diva et son fils s’enfuirent à Paris en laissant la jeune Eva qu’adorait tant Rodolphe. Mais c’était sans compter sur l’invasion allemande, la gestapo découvrant (après avoir été aidée) une ascendance juive à la chanteuse d’opéra. Rodolphe arrive à se cacher mais pour sa mère c’est direction Birkenau. Pendant ce temps, Furtwängler refuse de quitter le territoire allemand et va jouer pour le III° Reich. Pourtant, il méprise ses représentants à commencer par Hitler, Goebbels et Göring qui voulaient utiliser la musique allemande comme outil de propagande mais n’avaient aucune réelle culture musicale. Là, entre en scène la question sur l’art et la politique. Fallait-il fuir ou bien résister à sa façon contre le pouvoir sanguinaire ? Le roman commence, lever de rideau sur des mots et des notes, lacrimosa dies illa…

Personnages réels entrecroisés de personnages de fiction pour un roman musical sur fond de tragédie européenne, une sorte d’opéra en plusieurs tableaux dirigé par une plume inscrivant les mots sur la partition de l’histoire avec certainement une partie d’inachevée tant des ombres demeurent encore dans le secret du crépuscule des dieux.

Xavier-Marie Bonnot, preuves à l’appui, réhabilite Wilhelm Furtwängler, trop longtemps jugé pour ce qu’il n’avait pas fait, n’ayant jamais adhéré au parti nazi, contrairement à son illustre confrère Herbert von Karajan et s’il est resté dans son pays c’est à la fois pour l’amour de son pays et de la musique. En demeurant sur ses terres, il a accompli une sorte de résistance, certes pas la plus héroïque mais certainement tout aussi dangereuse s’il avait été soudainement pris dans les griffes d’Hitler, le chef d’orchestre faisant tout son possible pour protéger de la barbarie ses musiciens juifs et contestataires de la Philharmonie de Berlin. En refusant que la musique soit mise au service d’une idéologie pour arriver à ses propres fins de domination culturelle. Certes, Richard Wagner était antisémite – à ce sujet lire l’excellent document de Fanny Chassain-Pichon « De Wagner à Hitler » mais qu’aurait fait le maître de Bayreuth ? Difficile de répondre, la prosopopée n’étant en rien une science exacte. Daniel Baremboïm a essuyé moult critiques lorsqu’il a joué du Wagner pour la première fois en Israël en juillet 2001, beaucoup ne pouvant dissocier l’artiste de l’homme.

Peut-être que ce roman pourra apporter au lecteur quelques éléments de réponse et surtout inciter à savourer cet immense répertoire, instrumental et lyrique, dans son unique raison d’être, le plaisir de l’ouïe, et que vie sans musique est une erreur. Si certains l’utilisent à des fins de propagande, d’autres la bannissent et même assassinent ceux qui la représentent.

« On ne construit rien sur des flatteries »

« Personne n’a le droit de persécuter un artiste. C’est une chose qu’il ne faut jamais laisser faire ».

« Douze ans de dictature enseignent l’instinct du silence ».

Berlin Requiem – Xavier-Marie Bonnot – Editions Plon – Septembre 2021







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