Une noisette, un
livre
Berlin Requiem
Xavier-Marie
Bonnot
En
juin 1954, Wilhelm Furtwängler est au crépuscule de sa vie ; affaibli et
de plus en plus sourd il ne peut plus diriger et doit renoncer à diriger Tristan
et Isolde. C’est un musicien de vingt-neuf ans qui est choisi pour le
remplacer : Rodolphe Meister, le fils de l’illustre cantatrice
d’avant-guerre, Christa Meister qui a chanté les héroïnes wagnériennes sous la
baguette du maître allemand et qui avait, à l’époque des jours heureux,
présenté au chef d’orchestre son petit garçon de 7 ans sachant déjà
parfaitement lire la musique. C’était en 1932, quelques mois avant l’arrivée
des nazis avec au pouvoir Hitler et ses sinistres sbires. La diva et son fils
s’enfuirent à Paris en laissant la jeune Eva qu’adorait tant Rodolphe. Mais
c’était sans compter sur l’invasion allemande, la gestapo découvrant (après
avoir été aidée) une ascendance juive à la chanteuse d’opéra. Rodolphe arrive à
se cacher mais pour sa mère c’est direction Birkenau. Pendant ce temps,
Furtwängler refuse de quitter le territoire allemand et va jouer pour le III°
Reich. Pourtant, il méprise ses représentants à
commencer par Hitler, Goebbels et Göring qui voulaient utiliser la musique
allemande comme outil de propagande mais n’avaient aucune réelle culture
musicale. Là, entre en scène la question sur l’art et la politique. Fallait-il
fuir ou bien résister à sa façon contre le pouvoir sanguinaire ? Le roman
commence, lever de rideau sur des mots et des notes, lacrimosa dies illa…
Personnages réels entrecroisés de personnages de fiction pour un roman musical sur fond de tragédie européenne, une sorte d’opéra en plusieurs tableaux dirigé par une plume inscrivant les mots sur la partition de l’histoire avec certainement une partie d’inachevée tant des ombres demeurent encore dans le secret du crépuscule des dieux.
Xavier-Marie
Bonnot, preuves à l’appui, réhabilite Wilhelm Furtwängler, trop longtemps jugé
pour ce qu’il n’avait pas fait, n’ayant jamais adhéré au parti nazi,
contrairement à son illustre confrère Herbert von Karajan et s’il est resté
dans son pays c’est à la fois pour l’amour de son pays et de la musique. En
demeurant sur ses terres, il a accompli une sorte de résistance, certes pas la
plus héroïque mais certainement tout aussi dangereuse s’il avait été
soudainement pris dans les griffes d’Hitler, le chef d’orchestre faisant tout
son possible pour protéger de la barbarie ses musiciens juifs et contestataires
de la Philharmonie de Berlin. En refusant que la musique soit mise au service
d’une idéologie pour arriver à ses propres fins de domination culturelle.
Certes, Richard Wagner était antisémite – à ce sujet lire l’excellent document
de Fanny Chassain-Pichon « De Wagner à Hitler » mais qu’aurait fait
le maître de Bayreuth ? Difficile de répondre, la prosopopée n’étant en
rien une science exacte. Daniel Baremboïm a essuyé moult critiques lorsqu’il a
joué du Wagner pour la première fois en Israël en juillet 2001, beaucoup ne
pouvant dissocier l’artiste de l’homme.
Peut-être
que ce roman pourra apporter au lecteur quelques éléments de réponse et surtout
inciter à savourer cet immense répertoire, instrumental et lyrique, dans son
unique raison d’être, le plaisir de l’ouïe, et que vie sans musique est une
erreur. Si certains l’utilisent à des fins de propagande, d’autres la
bannissent et même assassinent ceux qui la représentent.
« On ne construit rien sur des
flatteries »
« Personne n’a le droit de
persécuter un artiste. C’est une chose qu’il ne faut jamais laisser
faire ».
« Douze ans de dictature
enseignent l’instinct du silence ».
Berlin Requiem – Xavier-Marie
Bonnot – Editions Plon – Septembre 2021
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