mardi 28 septembre 2021

 

Une noisette, un livre
 
Au moins le souvenir. Il était une fois Lamartine
Sylvie Yvert
 


« J’ai toujours été une personne discrète, heureuse dans l’ombre de mon mari, mais ses délicatesses, son respect pour le vote l’ont déterminé au silence. J’en prends acte, mais sa résignation dépasse la mienne. Ce manuscrit sera trouvé après ma mort. La restauration de son nom sera ma dernière preuve d’amour. Je ferai d’ailleurs tout ce qui est en mon pouvoir pour qu’il ne découvre jamais ces notes, afin qu’il n’est jamais à me remercier ».

Ces mots auraient pu parfaitement être écrits par Mary Ann Elisa Birch alias Marianne de Lamartine tant le couple au milieu de moult désastres a su préserver ce qui les a toujours uni : l’amour. La romancière Sylvie Yvert s’est glissée dans l’âme de cette femme pour non seulement la mettre en lumière mais également rendre un vibrant hommage à l’homme de lettres et surtout à l’homme politique, Alphonse de Lamartine.

Ce roman se concentre donc principalement sur les événements de 1848 même si l’ensemble de la vie de Lamartine est retracé. De nos jours, l’auteur du « Lac » est salué comme un immortel, à juste titre puisqu’il a siégé au fauteuil 7 de l’Académie française. Mais moins nombreux sont ceux qui se souviennent et font référence à l’homme politique qu’il a été, hélas sur une trop courte période. Doté d’une préscience et malgré un enthousiasme impressionnant, rapidement l’ingratitude, le mépris, la moquerie prirent le dessus face à l’ascension du piètre Louis-Napoléon, Badinguet pour les connaisseurs. Pourtant, Lamartine a été le fervent défenseur du suffrage universel, de l’adoption du drapeau tricolore, de l’abolition de la peine de mort et de l’esclavage, a toujours refusé l’extrémisme, qu’il soit rouge ou royaliste ; libéral d’esprit socialiste il estimait que seule la République était l’avenir de la France en lui donnant une constitution préservant aussi bien le droit à la propriété qu’en donnant des garanties pour les ouvriers et le monde paysan. Des souvenirs remarquablement tracés à la plume par Sylvie Yvert qui confirme à nouveau sa maîtrise et son talent pour le roman historique par ce récit brillant et émouvant.

Ce qui frappe le lecteur c’est l’extrême modernité  de cette histoire française en éternel recommencement. Pêle-mêle, les arrangements entre amis, les arrivistes, la corruption, le peuple manipulé au bon vouloir des puissants avec l’ingratitude des uns et des autres pour les quelques politiques intègres et sincères, le rapprochement rouge/brun pour que chaque camps arrive à ses fins, les rumeurs, les fake news de l’époque… les réseaux sociaux n’ayant rien inventé, devenant seulement des catalyseurs du nauséabond de la politique et du pouvoir.

« Le livre de la vie est le livre suprême qu’on ne peut fermer ni rouvrir à son choix », celui-ci peut-être ouvert à sa guise et relu à l’infini pour s’imprégner du destin d’un couple, du destin d’un homme injustement banni  à son époque, qui pourtant, était à l’image de sa divise préférée « A cœur vaillant, rien d’impossible », celle de Jacques Cœur.

« Je ne suis pas de cette religion napoléonienne, de ce culte de la force que l’on veut depuis quelque temps substituer… à la religion sérieuse de la liberté. Je ne crois qu’il soit bon de déifier ainsi sans cesse la guerre… Je n’aime pas ces hommes qui ont pour doctrine officielle la liberté et l’égalité, le progrès, et pour symbole un sabre et le despotisme ».

« Il est si aisé de promettre ce que l’on ne pourra tenir, surtout quand il y a une majorité d’âmes pleines de naïveté disposées à y croire ».

« Alphonse a donc choisi la voie la plus difficile, celle du devoir et, partant, celle de l’impopularité, en proposant plutôt d’attendre les élections destinées à établir par les urnes un chef légitime du pouvoir exécutif. C’est précisément ce qu’ils ne purent lui pardonner : leur stupeur se métamorphosa aussitôt en fureur et en ressentiment à son endroit. Quand Lacretelle lui demanda plus tard s’il ne regrettait pas d’avoir compromis la République, il lui répondit : « J’ai voulu laisser à  l’histoire la preuve que la république est l’autre terme de la clémence et de la fraternité. Celle que j’aurais essayée ainsi eût duré deux ans ; celle qui viendra bientôt durera des siècles » ».

Au moins le souvenir. Il était une fois Lamartine – Sylvie Yvert – Editions Héloïse d’Ormesson – Septembre 2021

 

1 commentaire:

Hildegarde a dit…

Excellent article, qui me donne vraiment envie de lire ce livre, d'autant plus que j'ai une affection particulière pour Lamartine qui fut bien autre chose qu'un simple poète ! Merci pour ce partage !

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