Noisette
aquatique
Écouter les eaux vives
Emmanuelle
Favier
Adrian
Ramsay est « oreille d’or » pour la Royal Navy. Écossaise, elle foule
rarement sa terre d’origine puisqu’embarquant pendant des mois à bord d’un
sous-marin nucléaire. Passablement misanthrope, elle aime cette vie à
l’isolement et sait se trouver une place dans ce monde encore très masculin.
Elle veille en ayant les « pieds sur terre ». Sa mère est morte lors
de l’accouchement et les relations avec son père, devenu aveugle, sont à la
limite de l’ère glaciaire. Lors de son retour à la base, on lui apprend que son
géniteur est décédé pendant son absence. Bizarrement, un immense vide semble
s’engouffrer dans son corps.
Elle demande pendant ses vacances une mission qui va la mener en Bretagne. Arrivée à Brest pour seulement 48 heures, elle prolonge son séjour car elle a rencontré un jeune homme, Arthur, dans un bar qui lui promet une plongée sous-marine dans les eaux bretonnes. Il tombe éperdument amoureux de la femme mais elle n’aime que les relations physiques brèves et sans amour, sans prolongation aucune. Mais, Arthur s’occupe bénévolement du fils de son patron, Abel Lorca, un quadragénaire portant beau, atteint de cécité depuis la naissance et misanthrope comme Adrian. Leur rencontre va être brutale, leurs amours incandescentes vont semer des cendres jusqu’en Catalogne, versant sud d’où est originaire feu la mère d’Abel.
Ce roman est tout simplement superbe ! Évidemment, on pense, au départ, au film Le chant du loup – la romancière y fait d’ailleurs illusion – mais c’est surtout ce voyage intérieur autour des trois A (Adrian, Abel et Arthur) qui interpelle même si les descriptions du travail de la protagoniste et de la vie à bord d’un sous-marin sont taillées d’une fine plume. Emmanuelle Favier décortique la psychologie de chaque personnage en les passant dans le miroir de leur environnement. L’eau reste l’élément essentiel devenant source de vie et de mort, source d’angoisse et de renouveau ; elle enveloppe chaque personnage dans le meilleur comme dans le pire. Dans une langue recherchée, l’eau devient musique dans ce livre qui s’ouvre comme un coquillage vers l’océan des sentiments contraires et tourmentés. Aucun des trois A n’a réussi à m’émouvoir, aucune empathie mais une narration envoutante depuis l’Écosse jusqu’en Catalogne avec les ombres tragiques de Garcia Lorca, Antonio Machado et Walter Benjamin.
Petite noisette inattendue, celle de retrouver l'hôtel du Rayon vert qui a fait l’objet d’un roman l’an dernier aux éditions Albin Michel signé Fanck Pavloff.
Écouter les eaux vives – Emmanuelle Favier – Éditions Albin Michel – Janvier 2024
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