vendredi 1 mars 2024

 

Noisette aventureuse 

D’or et de jungle

Jean-Christophe Rufin

 

Jean-Christophe Rufin descendant le célèbre escalier du premier siège des Éditions Calmann-Lévy
le 6 février 2024

L’or s’avère plutôt noir et la jungle n’est pas uniquement peuplée d’êtres simiesques ; leurs descendants « Homo erectus » se chargeant d’ériger des compétitions machiavéliques depuis qu’ils sont devenus soi-disant « sapiens ».

La distribution de cette aventure livresque est emmenée par deux personnages principaux : Flora et Ronald. Flora garde en elle une admiration sans faille pour son grand-père mercenaire. Elle suit ses traces, peu importe le danger et les échecs. Sauf que son destin aurait été tout autre si elle n’avait croisé au large des Galàpagos un requin baleine… Sa nouvelle mission sera de participer à un coup d’état nouvelle génération pour offrir un beau produit clef en main au patron d’une entreprise numérique en Californie. Le concepteur 2.0 est un certain Ronald qui a pour devise : tous les coups sont permis.

Pour décor, le sultanat de Brunei : petit par la taille, immense par la richesse avec tranquillité politique garantie malgré quelques soubresauts de temps à autre, mais, sans conséquence aucune. Le pays idéal selon les analyses du professeur de géopolitique Delachaux qui a pris l’occasion aux cheveux lorsque Ronald lui a proposé une collaboration.

Faisant référence à Malaparte, Jean-Christophe Rufin offre un roman d’anticipation où un coup d’état ne vient plus d’une force armée mais d’un pouvoir technologique ; bienvenue à l’ère 2.0 des Gafam ! Et le lecteur y croit. Tout est minuté, calculé : un talent d’horloger au service des belles lettres, un Dumas du XXI° siècle qui vous emporte dans une aventure avec moult rebondissements tout en décortiquant la géopolitique et les comportements humains. Captivant mais effrayant aussi.

« L’aéroport de Singapour ressemble à ce que pourrait devenir l’humanité, si une catastrophe la contraignait à se réfugier dans un colossal abri souterrain. Tous les types physiques s’y croisent, perdus dans d’immenses couloirs éclairés au néon (…) Des centaines de boutiques hors taxes vendent plus cher qu’ailleurs des produits inutiles. Les différents secteurs de la fourmilière sont reliés par des trains intérieurs. Avec un flegme qui frise le désespoir, des employés chinois renseignent les égarés, sans leur offrir d’autres perspectives que de marcher encore et encore dans des décors toujours semblables ».

L’Académicien est un écrivain double, il se fond dans la palette d’un peintre, il se glisse dans la partition d’un musicien : descriptions colorées, précises qui vous transportent dans d’autres lieux inconnus devenant presque familiers, et , un tempo qui va crescendo en utilisant un rythme sémantique qui va se terminer en un final explosif ! Tant, qu’il pourrait passer devant vous un éléphant en train de danser le fox-trot sur le Thriller de Mikael Jackson que vous vous en ficheriez comme de votre première corde à sauter !

Malgré le sujet grave, la légèreté est de mise et c’est ce petit plus qui caractérise l’œuvre de Jean-Christophe Rufin en général et de ce roman en particulier. Que de panache, même pour la description d’un bipède : « Ronald avait vécu son enfance parmi les animaux et c’étaient eux qui lui servaient de référence pour juger les humains. Il avait toujours associé Marwin à une espèce d’écureuil, avec son petit visage pincé, son nez perpétuellement frémissant, ses incisives écartées et une grosse touffe de poils d’un brun roux rabattue sur le front ».

D’or et de jungle – Jean-Christophe Rufin – Éditions Calmann-Lévy – Février 2024

 

 

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