Une noisette, un
livre
Les envolés
Etienne Kern
Les
hommes ont toujours rêvé d’être des oiseaux, d’avoir des ailes pour survoler le
monde, d’ailleurs les ingénieurs ont observé les mouvements des volatiles à
l’envol pour imaginer comment le traduire avec la mécanique. Mais, combien se
sont, non brûlé mais brisé les ailes… L’un d’entre eux s’appelait Franz
Reichelt, moins passionné par l’aviation que feu son ami Antonio, il songea
néanmoins à imaginer un costume-parachute. Peut-être pour offrir un cadeau
posthume à son ami qui s’était tué en avion.
Reichelt était tailleur pour dames. D’origine autrichienne, son arrivée à Paris n’avait pas été triomphale mais peu à peu il avait trouvé une clientèle dans le quartier de l’Opéra. Cependant, il souffrait de la solitude, songeait toujours à un amour perdu. Pourquoi est-il allé au devant de la mort en sautant du haut de la Tour-Eiffel avec sa piètre invention ? Il n’est pas unique mais une vidéo a permis qu’on se souvienne de lui. Etienne Kern réveille sa figure ordalique pour raviver en parallèle la mémoire de ceux qui se sont envolés, peut-être vers d’autres cieux. Comme le soulignait si justement Jean d’Ormesson : « Il y a quelques chose plus fort que la mort, c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants ». Ce roman en remplit parfaitement la mission.
Le sujet du roman ne m’attirait guère mais l’écriture délicate d’Etienne Kern m’a fait tourner panache. D’une plume sensible, il relate la vie d’un homme qui ne parviendra jamais à surmonter les blessures successives et qui croît, à tort, que la montée dans les airs lui fera oublier la descente sur terre. Les ténèbres de la réalité sont masquées par une écriture poétique, un phrasé au charme d’antan et des personnages qui apparaissent comme des ombres chinoises et éclairés par le faisceau des mots.
Les envolés – Etienne Kern – Editions Gallimard – Août 2021
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