jeudi 4 mars 2021

 

Une noisette, un livre
 
Mes vies secrètes
Dominique Bona

 


Cela pourrait paraître singulier et pourtant écrire – et lire – une biographie des biographies est un plaisir de fin gourmet livresque, une façon de rouvrir des fenêtres sur une galerie de personnages qui ont fait l’histoire française  et qui, curieusement ou pas, sont souvent liés par des fils sur cette immense toile de la littérature en particulier et des arts en général.

L’incipit est déjà une mise en bouche particulière : « J’étais nue, complètement nue, au milieu de gens nus, sur le pont d’un bateau écrasé de soleil, au large de Majorque ». Une nudité pour aller habiller de mots la vie de Romain Gary… Pourtant, le travail d’un biographe est loin d’être une navigation tranquille ; des archives à perte de vue, des houles de lettres et de correspondances, des mirages et des tentations… Dominique Bona raconte sa passion, celle d’entrer chez des célébrités, la plupart disparues, de soulever quelques voiles impudiques, de se transformer en voyeur en regardant par un trou de serrure imaginaire, retrouver les traces, fouler les sols de demeures intimes et toujours faire face aux sauts d’un diable qui vous pousserait vers l’invention de faits alors que l’on jure de dire toute la vérité, rien que la vérité.

Alors que la prochaine biographie de l’académicienne sera publiée le 1er avril et, cette fois, consacrée à l’univers de la mode avec Jacqueline de Ribes, ces vies secrètes sont une opportunité pour retrouver Romain Gary, Stefan Zweig – ma première rencontre avec l’écrivaine catalane – Camille Claudel et son frère Paul, Berthe Morisot, Gala Dali, de se fondre dans les couloirs de l’Académie française avec Paul Valéry, André Maurois, Michel Morht – titulaire du fauteuil 33, celui désormais de Dominique Bona – Jean-Marie Rouart si connecté avec l’univers de la peinture et, entre autre, avec celui de Berthe Morisot, José-Maria de Heredia, de côtoyer le crépusculaire François Nourissier et la solaire Colette sans oublier celle qui lui a octroyé sa confiance dés les premières lignes : Simone Gallimard.

Discrètement mais sûrement, Dominique Bona se dévoile enfin un peu. Elle qui s’efface élégamment lorsqu’elle raconte les autres, ne se mettant pas en scène contrairement à d’autres biographes qui se jettent dans le miroir pour refléter dans un même ouvrage leur âme et celle de la figure imposée à leur plume. Sous les racines du ciel, elle se fond dans l’univers de ceux qui peignent, au propre comme au figuré, les tourbillons de la vie : de la passion de leur métier à leurs amours les plus enflammées ! Confusions des sentiments sous les accents d’une valse, celle de Camille Claudel avec pourquoi pas les accents d’un Maurice Ravel dans ces boléros de destins gravés parfois de couleurs chaudes, tel un ADN pictural près des criques de Cadaqués.

Un regard lumineux et scriptural sur un monde d’hier qui continue encore aujourd’hui à s’infiltrer dans nos veines pour faire jaillir toute une transmission d’esthétisme et d’amour d’êtres hors du commun. En fait, c’est peut-être ça l’immortalité…

Mes vies secrètes – Dominique Bona – Novembre 2020 - Editions Folio

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