Souvenirs d'un médecin d'autrefois

mercredi 19 février 2025

 

Noisette enquêtrice

Les fantômes de Versailles

Jacques Forgeas

 


Vous aimez les romans historiques ? Nous sommes en 1673 sous le règne de Louis XIV avec Colbert et sa suite.

Vous aimez les polars ? La Reynie, le lieutenant général de police, est confronté à un difficile jeu de piste pour mettre la main sur un assassin et son complice qui éliminent des jeunes femmes et les abandonnent après avoir cousu leurs lèvres d’un fil de soie, certains qu’elles ne parleront plus.

Vous aimez la peinture ? Parfait, vous entrerez dans las coulisses de l’atelier de Pierre Mignard qui doit remettre un portrait de la duchesse de La Vallière et engage pour l’occasion un jeune assistant italien : Emilio. Sauf que le pauvre Emilio va devoir jouer sur deux tableaux : il va jouer les espions chez Mignard pour que La Reynie réponde aux craintes de Louis XIV sur la maîtresse en disgrâce, et, aider la police par ses esquisses réalisées à la morgue qui peuvent favoriser le dénouement de l’enquête. En prime, le jeune peintre a pour amante la comtesse de Gruissan qui, un jour, reçoit la visite de la Marquise de Montespan…

D’autres personnages aussi éclectiques que possible – Torsac et Delaruche, les inspecteurs du Grand Châtelet ; Marianne, la compagne d’Emilio, le Rat, un adolescent des rues mais futé comme un renard avec une bande à son image, un marin de la Royale, etc, viennent agrandir la galerie pour le plus grand plaisir du lecteur qui tiendra ce livre comme une pièce à conviction pour sa passion pour la littérature.

Pas un temps mort – sans jeu de mots -, de l’audace, toujours de l’audace avec élégance et fantaisie pour mettre la peinture au service de l’enquête. On arpente aussi bien les demeures prestigieuses que les bas- fonds de Paris avec une petite excursion à Marseille pour pimenter le tout. Il est rare de relire des polars puisque découvrir le ou les coupables est fondamental mais ces Fantômes de Versailles seront dans une pile à relire tant on ne peut tout savourer en une seule fois. Un régal !

Les fantômes de Versailles – Jacques Forgeas – Éditions Albin Michel – Janvier 2025

samedi 15 février 2025

 

Noisette en alerte

Tssitssi

Claire Castillon

 


Toujours une aventure un roman de Claire Castillon, on ne sait à quoi s’attendre mais une chose est certaine, la romancière frappe sans concession !

Hélène a 16 ans. Impertinente au plus haut degré, elle rêve de luxe, se focalise sur des sacs à main haut de gamme. Elle voudrait se faire de l’argent rapidement, Instagram peut lui ouvrir des portes, elle a quand même 1000 followers et ce n’est qu’un début. Mais sans ce prénom idiot, la belle Hélène, non merci. Tssitssi lui sied très bien : énigmatique, résonnant, soufflant la jeunesse. C’est parfait, ça va attirer les messieurs d’un âge certain. Oui, parce qu’Hélène veut attirer les vieux, être une chougar daddy pour pouvoir s’offrir des rêves.

Son univers est tout aussi sibyllin. Un père qui l’adore, une mère absente mais sa voix revient dans les pensées d’Hélène. Semblent présents une « nouvelle mère » et ses deux jumeaux. Et une autre conquête du père. Hélène s’énerve beaucoup, on la déteste. Tout au moins au début. Au fur et à mesure, on devine que quelque chose cloche : des blessures cachées jaillissent en transparence… comme des étincelles…

Tssitssi est tout simplement un grand roman. Percutant, incisif. Claire Castillon appuie là où ça fait mal, très mal, notamment l’exploitation sexuelle des mineurs dans un monde phallocrate et libidineux. De courts chapitres qui se lisent sans relâche, d’un trait : ce livre on ne peut le lâcher, comme un thriller avec pour plume une hache d’une efficacité redoutable. Quant à Hélène, peut-être que Tssitssi pourrait nous dire de ne jamais juger sur les apparences et que les fantômes sont omniprésents.

TssiTssi – Claire Castillon – Éditions Gallimard – Février 2025


jeudi 13 février 2025

 

Noisette brésilienne

Sur le fleuve Amazone, carnet de voyage

Jean-Christophe Rufin

 


Heureux qui, comme Jean-Christophe Rufin, a fait un inspirant voyage et revient avec croquis et belles lettres pour narrer ses pérégrinations, plein de raison et d’humanisme.

D’entrée de jeu, l’académicien prévient qu’il ne va pas raconter l’Amazonie ou se prêter à un essai géopolitique auquel il n’aurait pas toutes les cartes en main. Sa feuille de route est de naviguer dans cette immense baignoire amazonienne et saisir chaque temps qui passe par des pauses pour être en symbiose avec cet environnement entouré d’eau et de couleurs, la base de toute aquarelle.

Le romancier va embarque sur le Rio Negro à bord d’un bateau pour locaux et non d’un navire de croisière. Seul « touriste », il désire prendre le pouls du territoire, ausculter avec son âme les personnes rencontrées et observer les mouvements de vie sur ce territoire objet de moult fantasmes et légendes.

Mots et coups de pinceau pour offrir à chaque lecteur un abandon éphémère de tout ce qui l’entoure ; ne penser à rien le courant des pages faisant de nous des errants d’un voyage immobile. Pour celles et ceux que la monotonie plonge vers le sommeil, aucun risque puisque l’écrivain garde sa verve habituelle pour narrer son récit avec pointes d’humour « les militaires tenus en laisse par leur chien », saupoudrage de doux euphémismes comme « étreintes tarifées » pour tapinage ou bien encore des élans de tendresse comme avec la partie impromptue de dominos avec des réfugiés vénézuéliens. Et nous révèle pour la première fois ses talents de peintre ; l’écrivain peintre à la Kundera.

D’aucuns s’enrichiront de connaissances à la lecture de ce beau-livre – en supplément des croquis à contempler – des variations géographiques aux passagers sénégalais de la communauté mouride en passant par les pavés de caoutchouc sur le parvis de l’opéra de Manaus, les ventes acrobatiques entre ferries et pirogues, la variété ethnique de la population amérindienne : « Dans ces hamacs colorés, alignés selon un ordre rigide et trompeur, c’est toute la variété humaine de la forêt qui voyageait avec moi ». 

La quiétude du long fleuve disparait à l’approche de Manaus, le gigantisme devient humain dès les faubourgs de cette ville industrielle, pionnière pour le meilleur et pour le pire de la fièvre du caoutchouc à la fin du XIX° siècle. Manaus, point de départ d’un autre aspect fluvial : la boue, cf l’aquarelle page 90 sur la rencontre des eaux entre le Rio Negro et le Rio Solimão.

Après la pollution visuelle, la pollution sonore quand le romancier aquarelliste embarque sur un ferry, toujours local mais démeduré où l’esprit de la forêt laisse la place à celui de la ville, cacophonie en prime : « Sur les bateaux monstres de l’aval, c’est le visage effrayant du Brésil qui s’exprime et anéantit toute vie autonome. La collectivité brésilienne est une puissance aveugle à laquelle nul ne résiste. Les chaînes de télévision en sont un des instruments ».

Jean-Christophe Rufin s’est fondu dans la population amazonienne pour être en symbiose total avec le peuple et l’environnement, bien loin des attractions touristiques sur des sites fabriqués par des Potemkine de tout poil. Saisir le vrai du faux, palper la réalité brésilienne. Au malaise des grandes villes industrielles se mélange celui d’une espèce de zoo humain où « être indien dans ces villages n’est plus une identité mais un métier ». L’âme de l’humaniste s’exprime encore et toujours, jusqu’aux dernières lignes pour ces, parfois, tristes tropiques.

Carnet de voyage sur l’Amazone ou l’art du regard d’un conteur du monde.

Sur le fleuve Amazone, carnet de voyage – Jean-Christophe Rufin – Éditions Calmann-Lévy – Octobre 2024

lundi 3 février 2025

 

Paysans, Paysage

Un livre, Une exposition

Au nom de la paysannerie

 


Il y a des expositions qui touchent plus que d’autres ; au-delà de l’intérêt artistique, Paysans, Paysage est une ode à l’agriculture traditionnelle, un hommage au travail de ces femmes et hommes pour nourrir les autres et un hymne à la rencontre de l’homme et de la nature.

À l’heure où de graves menaces pèsent sur la survie de l’agriculture bio et raisonnée, cette exposition des photos de Sécyl Gilet est à voir et revoir jusqu’au 30 avril dans l’incontournable établissement de la commune de Lignières : Les Bains Douches.

En parallèle, un superbe livre a été édité par les Éditions La Bouinotte pour immortaliser les clichés de la photographe sur la vie agricole avec la collaboration du journaliste Bruno Masclé qui pose des mots d’une justesse infinie, et, cette question qui demeure jour après jour : « De quoi sera fait demain ? ». Il est loin le temps du Laboureur et ses enfants…

Retrouvez Denis, Françoise, Maxime, Évelyne, Patrick, Jean, Christian, Solange, travailleurs de la terre pour alimenter et façonner un art de vivre malgré la lourdeur de la tâche. Ombres et lumières sur cette région française si chère à George Sand, nous sommes dans la Vallée Noire autour de Sainte-Sévère et Pouligny-Notre-Dame ; quelques kilomètres pour l’immensité de l’histoire paysanne.




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