dimanche 3 janvier 2021

 

Une noisette, un livre
 
Montagne – Anthologie
Les plus belles pages de l’Antiquité à nos jours
 


Les musiciens – en particulier Wagner, inspiré par la fabuleuse architecture de Montserrat, et Strauss avec sa symphonie alpestre – ont loué la montagne et son pouvoir de nous rapprocher des cieux. Parfois c’est hélas les ombres d’un crépuscule. Mais c’est aussi une infinie promesse de l’aube sur cette immensité : une roche nue qui s’offre sans pudeur à nos yeux mais qui s’habille de blanc pour que l’humain découvre son intimité au fur et à mesure qu’il tente de s’y rapprocher.

Seulement, les notes ne suffisent pas. Les mots offrent un rythme supplémentaire à toute la majesté des hauteurs. Depuis l’Antiquité un mariage inaltérable lie les écrivains et les alpinistes, des écrivains épousent l’alpinisme et des alpinistes prennent la plume. Contemplateurs, randonneurs, grimpeurs, les déclarations d’amour foisonnent dans des serments qui unissent ces êtres se donnant corps et âmes à la fois dans la souffrance et la joie, dans le franchissement des limites et les rêves les plus étoilés.

Frédéric Thiriez, déjà auteur d’un « Dictionnaire amoureux de la montagne » aux éditions Plon, s’est fait à nouveau plaisir – non égoïste – en rassemblant 80 auteurs livrant de magnifiques pages sur cette merveille archéologique sortie des entrailles de la terre. En bon maître de piste – ou ouvreur de voies – il présente brièvement chaque plume et explique chaque extrait qui, pour certains, sont de véritables tentations pour de futures débauches de lecture. Et d’évasion.

 Depuis Adrien, pour le plus ancien, jusqu’à Robert Macfarlane, le benjamin et écrivain que je découvre grâce à cet ouvrage. Ce banquet de tous les Ouréa réunit noblesse et prouesse, sport et littérature, imaginaire et témoignage, poésie et prose ; la fine fleur des aventuriers et contemplateurs : Jean-Jacques Rousseau, Horace-Bénédict de Saussure, Goethe, Friedrich Von Schiller, Lord Byron, Alfred de Vigny, Alexandre Dumas, Alphonse de Lamartine, George Sand, Eugène Labiche, Jules Michelet, Leslie Stephen, Emile Javelle, Henry Russel, Alexandra David-Neel, Dino Buzzati, Roger Frison-Roche, Hermann Buhl, Maurice Herzog, Gaston Rébuffat, Louis Lachenal, Lionel Terray, Walter Bonatti, Pierre Mazeaud, Reinhold Messner, Catherine Destivelle, Paolo Motelli, Jean-Marie Choffat, Erri de Luca, Sylvain Tesson, Amélie Nothomb, Jean-Christophe Rufin, Frédéric Gros, Stéphanie Bodet, Odette Nernezat pour ne citer que quelques-uns de ce florilège.

Mont-Blanc oblige, les Alpes se taillent la part du lion et tous les auteurs restent européens. Une suite plus planétaire serait judicieuse pour dresser un panorama de tous les sommets livresques ; ode à la nature, éloge du courage, partage d’aventures… une belle succession de pages pour honorer ces conquérants nécessaires de l’inutile et rendre hommage à ces monts et merveilles.

 

« En s’élevant au-dessus du séjour des hommes, on y laisse tous les sentiments terrestres »

Jean-Jacques Rousseau

« Tu possèdes une voix, Montagne puissante, qui abolit / Les lois du mensonge et de l’infortune dans le monde entier / Non comprise par tous, mais que les sages, les grands et les justes / Interprètent, rendent sensible, ou sentent profondément ».

Percy Shelley

« Quel que soit l’avenir de l’humanité, quel que doive être l’aspect du milieu qu’il se créera, la solitude, dans ce qui reste de la libre nature, deviendra de plus en plus nécessaire aux hommes qui, loin du conflit, des opinions et des voix, veulent retremper leur pensée (…). Heureusement, les montagnes ont toujours les plus douces retraites pour celui qui fuit les chemins frayés par la mode. Longtemps encore on pourra s’écarter du monde frivole et se retrouver dans la vérité de sa pensée, loin de ce courant d’opinions vulgaires et factices qui troublent et détournent jusqu’aux esprits les plus sincères ». 

Elisée Reclus

« Un phénomène singulier vient prouver à quel point la couleur des Dolomites est insaisissable : à notre connaissance, elles constituent le seul spectacle de la nature que les peintres, même les meilleurs, n’ont pas réussi à rendre ».

Dino Buzzati

« Ouvrez vos yeux et vos oreilles. Fermez vos transistors / Pas de bruits. Pas de cris. Pas de moteurs. Pas de klaxons / Ecoutez la musique de la montagne (…) Récoltez de beaux souvenirs, mais ne cueillez pas les fleurs / N’arrachez surtout pas les plantes, il pousserait des pierres / Il faut beaucoup de brins d’herbe pour tisser un homme ».

Samivel

« Pour moi, je voulais donc descendre. J’ai posé la question à Maurice la question de savoir ce qu’il ferait dans ce cas. Il m’a dit qu’il continuerait. Je n’avais pas à juger ses raisons ; l’alpinisme est une chose trop personnelle. Mais j’estimais que s’il continuait seul, il ne reviendrait pas. C’est pour lui et pour lui seul que je n’ai pas fait demi-tour ».

Louis Lachenal

« Vivant aux portes du ciel, j’avais oublié que j’appartenais à la terre »

Lionel Terray

« La montagne m’a appris à ne pas tricher, à être honnête avec moi-même et avec ce que je faisais »

Walter Bonatti

Montagne, anthologie – Les plus belles pages de l’Antiquité à nos jours – Ouvrage sous la direction de Frédéric Thiriez – Préface de Pierre Mazeaud – Editions du Mont-Blanc – Octobre 2020

 

 

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