vendredi 13 novembre 2020

 

Une noisette, un livre
 
La forêt aux violons
Cyril Gely
 


Après l’excellent « Le Prix » paru en 2019, un réel plaisir de retrouver cet écrivain qui déjà dans ce précédent roman mettait à l’honneur la musique classique même si le sujet tournait autour du monde scientifique.

De la Lombardie aux Dolomites, le lecteur va suivre le chemin d’un inconnu qui deviendra éternel devant la confrérie des violonistes et autres virtuoses : Antonio Stradivari. Dans un style très épuré Cyril Gely relate de façon romancée les débuts du luthier le plus célèbre de tous les temps avant qu’il ne latinise son nom en 1677 quand il entre définitivement dans la cour des grands.

Dans son atelier de Crémone, Niccolò Amati n’en peut plus de son jeune élève Antonio Stardivari qui se permet de briser un violon quand il juge que le son n’est pas à la hauteur de sa fonction. Il finit par le mettre à la porte, à contrecœur car il est conscient que ce jeune garçon possède un don. Cependant, la mère d’Antonio va rencontrer le maître et une sorte de pacte va être établi. Stradivario n’en sait rien, la seule vision qu’il aura est le dos nu de sa mère. Un dos. D’autres dos le marqueront, celui de sa première épouse Francesca et celui d’une jeune fille sourde et muette, Silvia, la petite fille du taiseux gardien des cimes Giuseppe,  une belle sauvageonne rencontrée dans les montagnes roses des Dolomites où il va chercher le précieux bois pour ses violons. De ces dos et de la carapace des arbres sortira toute l’âme des violons.

Que les non mélomanes se rassurent, ce roman s’adresse aussi bien aux amateurs qu’aux profanes, l’histoire en est la substance, l’Italie l’ornementation. Aussi légère qu’un archet glissant sur les cordes, la plume de l’écrivain ne recherche pourtant aucune virtuosité, seule la musique des êtres émane des paragraphes où communiquent ensemble l’art, la nature et l’amour. Une séduisante triade pour une histoire qui coule dans un bois inaltérable et qui fait palpiter encore les virtuoses du XXI° siècle. Car derrière l’âme des violons se glisse toujours le cœur de son géniteur, en l’occurrence ici Stradivarius, empereur immortel qui savait aussi bien caresser le tronc des épicéas que le corps des femmes.

Pour celles et ceux qui voudraient vibrer encore sur les cordes du légendaire instrument, je ne peux que conseiller le roman de feu Jean Diwo « Moi, Milanollo, fils de Stradivarius » disponible en format poche aux éditions J’ai Lu.

Et maintenant, de la musique livresque avant toute chose.

« Qui a inventé le violon ? Personne ne le sait. Quand ? Nous ne le savons pas davantage. On pourrait croire que Dieu a créé l’homme afin qu’il crée le violon, comme s’il avait murmuré aux oreilles des premiers luthiers les secrets pour l’enfanter ».

« Ouvrir un Maggini, un Stainer ou un Della Corna, c’était comme ouvrir un livre. Mieux comme ouvrir un monde. Un monde dont Antonio s’efforçait de percer les mystères ».

La forêt aux violons – Cyril Gely – Editions Albin Michel – Novembre 2020

 

 

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