mardi 3 novembre 2020

 

Une noisette, un livre
 
La Colonelle
Rosa Liksom

 


Au crépuscule de sa vie, une femme songe en une nuit à ce qu’a été sa vie dans cette Finlande déchirée entre le bloc soviétique et le rouleau compresseur nazi. Ses parents, dont la mère qui manipulait facilement le fouet, ont fait d’elle une femme complexe, à la fois autoritaire et soumise, dure et contemplative, rigoriste et libérée sexuellement.

Très jeune, par les relations de son père, elle baigne dans l’idéologie nazie et rencontre souvent un Colonel aussi fascinant que déconcertant. Malgré sa violence notoire, sa réputation de queutard et ses exactions sur ses semblables, la jeune fille en tombe éperdument amoureuse et se met en couple avec lui. Epousant tous les deux les mêmes convictions idéologiques sanguinaires ils s’entendent parfaitement jusqu’au jour où il accepte enfin de se marier. Là, tout dérive à l’image de la défaite allemande en terre finlandaise. De plus en plus irascible, le Colonel vieillissant – 30 ans séparent le couple – agite une main devenant de plus en plus leste au fur et à mesure que ses couilles ramollissent. A force, la Colonelle arrive à s’enfuir pour retrouver la liberté ou du moins tenter de la retrouver. Mais ce sont encore d’autres événements qui l’attendent.

Un roman étrangement construit et qui pourrait ressembler en un long monologue. Pourtant, l’intérêt augmente au fil des pages, un destin de femme peu ordinaire avec la singularité d’une écriture qui oscille entre la dureté des faits et la luminosité de l’espace, entre la brutalité des êtres et le regard posé sur un environnement serein et propice à l’onirisme. S’ajoute l’intérêt de retrouver une partie de l’histoire finlandaise, encore proche mais passablement oubliée : l’époque de l’invasion de l’URSS – avec le régime ubuesque de la République démocratique finlandaise – puis de l’incorporation du pays dans les territoires de l’Axe lorsqu’en 1941 l’Allemagne nazie envahit le géant soviétique. Suivront des années difficiles, la guerre ayant laissé un champ de ruines.

Si la violence des faits et l’attitude de cette femme assumant sa face sombre peuvent déconcerter, s’ouvre une lumière sur la nature avec des descriptions proches de la béatitude et qui met le lecteur dans une sorte de lévitation par rapport à la pesanteur du conflit extérieur et intérieur de la Colonelle.

La Colonelle – Rosa Liksom – Traduction : Anne Colin du Terrail – Editions Gallimard/Collection Du Monde entier – Octobre 2020

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