mardi 20 novembre 2018


Une noisette, un livre


 L’exil d’Ovide

Salim Bachi





« Sa terre d’accueil lui paraît inhospitalière et barbare comparée à Rome qui lui manque. Pour Ovide, le seul moyen de fuir ce quotidien de solitude et de tristesse est l’imagination qui le transporte dans la ville de sa jeunesse ».

Pourtant Ovide prend conscience que son exil est définitif, il abandonne le combat ; le désenchantement et la solitude l’emporteront face à la vie. Une mort lente, de plusieurs années, mais irrépressible.

Le romancier Salim Bachi signe un nouvel opus sur l’exil qui met l’accent sur la détresse psychologique de celui qui part et ne reviendra pas, en prenant l’exemple du poète latin Ovide, relégué sur l’île de Tomis pour des motifs qui restent et resteront probablement obscurs. Non déchu de ses droits, il sera néanmoins contraint au silence, à l’inaction. Il écrivit « Les Tristes » et « Les Pontiques » d’où sortent un chant mélancolique et douloureux. Il suit aussi les traces d’écrivains plus contemporains, d’Hermann Broch à Fernando Pessoa, d’Alfred Döblin à Stefan Zweig en passant par James Joyce. Seul l’exil de Thomas Mann semble être réussi, les autres ont sombré, certains se sont même suicidés.

En parallèle, l’auteur exprime son désarroi, la nostalgie de sa jeunesse en Algérie, cette Algérie qu’il a quittée durant la guerre civile des années 90. Ses regrets sont vertigineux, son mal-être visible. Son passage à la Villa Médicis n’est pas un souvenir intarissable même s’il se met à errer sur le parcours d’Ovide et les sites antiques. Seulement aucune métamorphose ne se déclenche. Il en est de même à Lisbonne où suivre les pas de l’écrivain portugais n’est qu’une errance. Paris, sa ville d’écriture ne lui plait guère et seule Grenade semble lui remettre un peu de baume au cœur, la beauté mauresque aidant.

L’abandon géographique est le thème récurrent des romans de Salim Bachi, Le chien d’Ulysse entre autres, parce que seul un être qui a vu sa jeunesse plongée dans l’enfer et qui ensuite a été obligé de fuir, peut se rendre compte de la souffrance de l’exilé, du déraciné.

Une très belle plume qui confirme combien les mots ont une  puissance quand ils  sont déposés avec talent et finesse sur le papier. Et combien l’envie de relire Ovide envahit l’ esprit pour justement prouver que l’écriture est une arme contre l’oubli et un acte cathartique.

« Il n’y a pas de retour possible pour celui qui a abandonné son lieu de naissance de gré ou de force ».

« L’exilé transporte sur son dos sa nostalgie comme Enée son père en fuyant Troie en flammes ».

« Les dictateurs, tyrans, potentats redoutent les poètes ».

« L’exil est ce sentiment envoûtant qui naît de la destruction du passé et de l’attente d’une renaissance. Quand il se double de la jeunesse, il peut être glorieux. A mon âge, ce n’est plus qu’une longue peine ».

L’exil d’Ovide – Salim Bachi – Editions JC Lattès – Novembre 2018

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