lundi 26 novembre 2018


Une noisette, un livre


 37, étoiles filantes

Jérôme Attal




Paris, 1937 – Alberto Giacometti, au bord de la rupture avec sa fiancée, se fait renverser par une voiture américaine place des Pyramides.  En 1964, Jean-Paul Sartre relate l’accident à sa façon dans « Les Mots ». Cinquante-quatre ans plus tard, c’est Jérôme Attal qui offre une autre version. Celle d’un Giacometti qui est hospitalisé suite à la rencontre entre une roue et son pied place d’Italie. Il apprend de la part de son ex-future dulcinée Isabel, que Sartre a déclaré « Il lui est arrivé ENFIN quelque chose ». Plus qu’un désir, une envie, une intention : refaire le portrait du philosophe pour lui montrer qui c’est Raoul !

Une savoureuse histoire entre deux « artistes », l’un manie le plâtre, l’autre le verbe, une longue suite de « je t’aime, moi non plus », face à la complexité des deux personnages. L’écrivain nous entraîne de terrasses en terrasses, de cafés en cafés, de Montpanasse à l’ambiance germanopratine en passant par la rue Visconti, longue rue où les vœux passent comme des étoiles filantes dans l’ombre d’Orphée.

Entre deux statuettes, se glisse la fine fleur du surréalisme des années 30 : Breton, Eluard, Desnos, Foujita (et ses lunettes), Roché et aussi, indirectement, le philosophe allemand Husserl et, et l’incontournable François Mauriac lors d’un dîner avec le compagnon de Simone de Beauvoir. Tout un programme et n’hésitez pas à le demander !

Deux autres éléments participent à cette fantaisie livresque : l’amour et l’humour, des rimes qui s’ajoutent sans excès de glamour mais avec ce qu’il faut de la verve d’un troubadour (ou trouvère pour ceux qui sont plus au nord sans le perdre). Car il faut être un ménestrel des mots pour jongler avec autant d’aisance, de brio sur les chemins de l’amour (visites au lupanar comprises) et de ses hasards. De sa tendresse aussi.
Pour ne pas ennuyer le lecteur, l’écrivain facétieux l’entraîne également dans un commissariat où l’ambiance ne risque pas trop de mettre du bleu à l’âme surtout lorsqu’il s’agit de surfer sur l’actualité du XXI° siècle pour relater la plaidoirie d’un inculpé du début XX°, c’est jawadien vôtre… (cf page 100).

Alors hop, mauvaise troupe, en route, haut les noisettes dans le firmament des étoiles filantes qui brillent de 37 saillies.

« Il affiche la mine joviale, sans arrière-pensée, de ceux qui savent participer de bon cœur au spectacle de l’existence ».

« - Vous me faites confiance pour vos verres ? – Les yeux fermés ».

« Il y a beaucoup de présence dans l’absence ».

«  - Ce n’est pas une attitude un peu coloniale conquérante que d’arborer une ceinture en crocodile ? – Ce qui est bien avec vous, Jean-Paul, c’est que vous ne donnez jamais des coups au-dessus, ou en dessous de la ceinture, mais vous visez la ceinture même ! »

Jérôme Attal – 37, étoiles filantes – Editions Robert Laffont – Août 2018






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