Une noisette, une interview
Sarah Briand
Réalisatrice du cœur des femmes
Mardi
28 octobre en première partie de soirée, France 2 proposera un
portrait inédit de Simone Veil dans la collection “Un Jour Une
Histoire”. L’un des auteurs n’est autre que Sarah Briand. Une
belle opportunité pour en savoir plus sur cette brillante
journaliste dont le travail est à son image : discrète et
enthousiaste, sans oublier cette touche de sensibilité qui fait la
différence.
Spécialiste, tout de même pas. Mais il est vrai que tous les portraits que j’ai réalisés sont des portraits de femmes, des femmes fortes et indépendantes auxquelles on a, en tant que femme, envie de s’identifier. C’est une coïncidence au départ, même si j’ai un attachement particulier au destin de Simone Veil que je souhaitais raconter depuis plusieurs années. J’avais lu son livre "Une vie" et j’avais été frappée par l’histoire de cette femme qui a traversé le siècle en devenant, malgré elle au départ, une icône. Une icône à qui on doit beaucoup, à travers son combat pour la légalisation de l’IVG, son combat pour la paix en Europe, son combat contre l’antisémitisme, et son travail sur le devoir de mémoire.
2
– Justement, les engagements de Simone Veil sont incroyablement
d’actualité : le droit à l’avortement remis en cause dans
certains pays, l’antisémitisme qui refait surface, l’Europe qui
cherche une autre voie... Ce nouveau chapitre d’Un Jour Une
Histoire, est une belle leçon afin de ne jamais s’endormir sur ses
acquis et de toujours savoir vigilance garder ?
Effectivement,
que ce soit le droit des femmes à l’IVG, la paix en Europe, ou
encore l’antisémitisme, toutes les luttes de Simone Veil font
étrangement écho à des événements d’actualité. Et c’est
sans doute pour ces combats-là qu’elle est aujourd’hui encore
l’une des personnalités préférées des Français, sans avoir
jamais voulu s’enfermer dans un parti politique. Réentendre ses
réponses aux propos révisionnistes du Front National et sa liberté
de parole sont encore utiles et sans aucun doute nécessaires en
2014.
3
– La vie de Simone Veil est une lutte permanente entre combats
politiques et blessures intimes, ce pourquoi vous avez intitulé ce
portrait “L’instinct de vie”. Peut-on connaître un peu le fil
conducteur du reportage et comment réussissez-vous à réaliser un
document émouvant et réaliste sans tomber dans le voyeurisme et
l’ultra pathétique ?
Nous
n’avons pas cherché à réaliser un document « émouvant »
mais l’émotion effectivement transparaît tout au long du film, à
travers les photos, les images d’archives, les interviews d’elle,
notamment lorsqu’elle parle pour la première fois publiquement de
la déportation, mais aussi et surtout à travers les témoignages de
ses proches, de ses enfants et de ses petits-enfants. Nous avons
essayé de montrer, à travers tous ces regards, la force de cette
jeune fille de 16 ans pour qui la vie commence dans la tragédie, et
qui n’aura de cesse d’avancer avec force et conviction. Et
comment derrière l’image de cette femme pudique et assez distante
en public, se cache une mère fière et très proche de la famille
qu’elle a construite.Tout commence par le travail d’enquête, que j’ai effectué avec une journaliste de l’équipe de Magnéto Presse, Floriane Gillette, qui a passé beaucoup de temps à retrouver certains collaborateurs ou amis d’enfance de Simone Veil. Et comme souvent, certains ne souhaitaient pas s’exprimer. J’ai alors pris le temps de les rencontrer, parfois plusieurs fois, pour leur expliquer notre démarche et écouter ce qu’ils avaient envie d’exprimer sur leur relation avec Simone Veil. Il y a ensuite le tournage des interviews et des images d’évocations, puis le montage qui dure entre 12 et 15 semaines. Tout cela accumulé, avec le travail de post-production, on arrive à environ 7 mois de travail pour un documentaire de 110 minutes. Il faut saluer le travail de montage d’Alexis Guillot, le travail d’image et de lumière de Ludovic Siméon, ainsi que le travail et la confiance de Frédéric Martin, le rédacteur en chef de cette collection.
Oui, incontestablement et je dirais encore plus avec ce portrait de Simone Veil. Même s’il est nécessaire de prendre du recul, de garder un oeil de journaliste et de pas être complètement en empathie avec son sujet, je dois admettre que j’ai été marquée par plusieurs témoignages. Celui notamment de trois personnes que vous découvrirez dans le film, ses amis connus à l’âge de 16 ans au camp d’Auschwitz : Marceline Loridan, Ginette Kolinka et Paul Schaffer. Mais aussi par celui de ses deux fils et de plusieurs de ses petits-enfants qui parlent avec beaucoup d’émotion de leur grand-mère et du modèle qu’elle représente. Enfin, retourner sur les lieux qui ont marqué sa vie et plus précisément les camps d’Auschwitz, en Pologne, où je me suis rendue il y a quelques jours, était nécessaire et bouleversant.
6 – Votre premier “Un Jour Un Destin” consacré à la regrettée Romy Schneider a bouleversé des milliers de téléspectateurs notamment avec le récit sur les coulisses de son dernier film “La passante du Sans-Souci” . Que représente Romy pour vous ?
7 – Parlons un peu de vous. Vous restez très attachée à la culture libanaise pour avoir vécu au pays du cèdre. Quels sont vos souvenirs les plus forts ?
J’ai vécu près de 6 ans au Liban et j’y retourne dès que je peux, donc je suis effectivement très attachée à cette région du monde malheureusement secouée par les soubresauts de l’actualité. J’aime son histoire, son énergie, son instinct de vie au-delà des conflits, j’aime cette culture méditerranéenne. Les Libanais sont toujours optimistes et profitent de l’instant présent, ne sachant pas de quoi demain sera fait. Mais voir la Syrie s’enfoncer dans le chaos me bouleverse. Plusieurs de mes amis syriens ont dû fuir le pays.
8
– Entre réaliser des documentaires et être l’assistante de
Laurent Delahousse, vous avez sans aucun doute des petites recettes
pour être toujours constante et si efficace dans tout ce que vous
faites ?
Je ne sais pas si je suis efficace, mais
j’aime passionnément ce que je fais. Et grâce à Laurent, j’ai
la chance de pouvoir concilier le travail documentaire et le
traitement de l’actualité immédiate pour le journal de 20H. 9 – Des projets en cours ? A moins qu’un nouveau portrait soit déjà prévu ?
10 – Pour terminer, le traditionnel questionnaire impersonnel... pour mieux vous connaître …
Un
roman : "Le quatrième mur" de Sorj Chalandon
Un personnage : Simone Veil !
Un(e)
écrivain(e) : Proust pour « A la recherche du temps perdu »
Une
musique : "La chanson d’Hélène" dans le film "Les
choses de la vie"
Un
film : les films de Claude Sautet
Une
peinture : Caillebotte
Un
animal : plutôt un oiseau, une hirondelle
Une
devise/citation : "C’est dans la rosée des petites choses
que le cœur trouve son matin et se rafraîchit" Khalil Gibran
(Le Prophète)
Sarah Briand merci infiniment pour
votre disponibilité à m’avoir accordé cet entretien. Je vous
laisse le mot de la fin pour convaincre les téléspectateurs encore
hésitants à regarder “Simone
Veil, l’instinct de vie”
mardi prochain en première partie de soirée sur France 2.
J’espère
que vous aurez autant de plaisir à regarder ce film que nous avons
eu de plaisir à le réaliser. L’histoire de Simone Veil est
bouleversante à tous points de vue, j’espère avoir très vite
votre avis sur ce documentaire !
Et
merci Squirelito pour cette belle interview !
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