jeudi 22 août 2024

 

Noisette d’exil

 

Traverser les montagnes et venir naître ici

Marie Pavlenko

 


Astrid a tout perdu et n’a qu’un désir : partir. Dans une région inconnue. Peu importe le confort, pourvu qu’elle soit loin de tout en terre inconnue ; la résilience se fera au sein du Mercantour dans une maison qu’elle n’a même pas visitée. Affronter la rudesse des hivers, la rusticité de l’habitat, lui offrira peut-être une parenthèse dans la douleur de la perte de ses êtres chers. Ce qu’elle ne pouvait imaginer c’est qu’elle va recueillir dans la neige, lors d’une de ses sorties en solitaire dans la montagne, une jeune femme syrienne se cachant de la police des frontières avec une vie non désirée dans son ventre.

Elle trouvera la bienveillance d’une voisine – potière dans ses heures perdues – et une attitude narquoise d’un voisin bien trop curieux. L’enfant va naître entre ces deux femmes perdues mais tout ne se passe pas comme prévu. À Astrid de prendre en main cette force du destin qu’elle a rencontrée sur son chemin.

Le titre est déjà un roman, le roman l’est beaucoup plus. Une fresque quasi pastorale au milieu de la montagne – la vraie, pas celle de cartes postales – qui se cogne à la tragédie de l’exil et des drames de la vie. Un parallèle excessivement bien construit – même si à force le lecteur peut perdre un peu la notion du temps – et créatif par la forme.  

Le lecteur se trouve happé par ce récit authentique, pétri d'humanité, beau et tragique, traçant deux superbes portraits de femme et décrivant avec précision la douleur de la fuite – ou de la perte – le courage qu’il faut avoir pour résister aux avaries de la vie et le contraste des âmes humaines entre l’aide humanitaire et la dénonciation. Un livre qui était nécessaire.

« Soraya s’est endormie au lever du jour. Qu’il est doux et lointain, le temps où elle savait dormir, rêver. Quand elle marchait des heures durant, la fatigue la terrassait, mais ici, elle reste à la maison. Mange. Elle entend pleurer et hoqueter le fruit de ses entrailles. Paumières closes, paupières ouvertes, ombre, lumière, Sherine et son petit corps inerte, Ibtissam et ses lèvres bleues, Fatima et son visage béant. Dormir est si anodin. Les chiens dorment, et même les lézards, les araignées. Soraya, elle, ne dort pas. Elle a peur que ce soit pour toujours ».

Traverser les montagnes et venir naître ici – Marie Pavlenko – Éditions Les Escales – Août 2024

 

 

 

 

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