mardi 9 juin 2020

Une noisette, un livre

 

Clarisse Gorokhoff

Les fillettes



 

Elles sont trois, trois petites filles : Justine l’aînée, Laurette la cadette et Ninon la petite dernière. Elles sont jolies, unies, bouillonnantes de vie mais déjà des ombres planent sur elles, des angoisses, des peurs. Pourtant l’amour est omniprésent autour d’elles mais une singulière ambiance les entoure. Anton, le papa, est fou de ses filles et de sa femme Rebecca. Cette maman avec de beaux yeux verts, aux facultés intellectuelles innombrables mais en proie avec un démon : l’addiction aux opiacés.

D’une maturité incroyable, les fillettes essaient de franchir les obstacles des déraisons de leur mère, cette mère aimante qui ne peut résister à la prise de ces pilules dévastatrices. Elles sont heureuses de cette maman pas comme les autres mais elles craignent de la voir partir un jour dans les entrailles de Thanatos.  

Un roman largement autobiographique qui éblouit tant par le fond que par la forme. Une histoire personnelle racontée avec ce voile de pudeur qui laisse découvrir l’intimité des cœurs et des corps mais sans jamais se lever totalement, se déployant même vers d’autres horizons dès que nécessaire. Et autant le dire, cet hommage est touchant au possible avec une immense leçon sur la tolérance et les apparences. Nul ne peut juger, nul ne peut empêcher l’inexorable. Un hommage sublimé par l’écriture de Clarisse Gorokhoff qui par la beauté de la plume ferait presque oublié la tragédie d’une personne prise dans les griffes d’un diable sans pitié. Dès les premières pages les mots s’envolent, caracolent, se libèrent de toute entrave pour narrer avec une liberté inouïe la vie de fillettes au temps de l’amour et de l’odeur de la mort. Point de danse macabre, juste un ballet aérien comme si les pages libéraient toutes les blessures du passé pour sublimer celle qui fut avant tout une maman. De la réalité aux rêves, c’est à la fois cri d’amour et un appel vers la liberté, cette liberté qu’il faut vivre à tout prix parce que la vie est fragile, unique.

Un cordon ombilical de vocables, un hymne maternel aux accents poétiques et tragiques, une psyché de métaphores pour rassembler un amour infini ; un roman cathartique comme pour combler l’absence d’une mère mais qui de son étoile doit sourire pour tant de lumière apportée dans ce  que l’on pourrait nommer « un recueil de résilience ».

« Leur mère est comme la lune : la plupart du temps elle est là et elle brille. Mais parfois elle est très haut perchée et on ne la voit presque pas ».

Les fillettes - Clarisse Gorokhoff – Editions Les Equateurs – Août 2019

 

 


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