jeudi 3 octobre 2019


Une noisette, un livre


 Après la fête

Lola Nicolle




La vie n’est pas qu’une fête. Elle l’est un moment, un instant ou un peu plus longtemps. Et lors des lendemains de fête, on repense à ce qui s’est passé avant, pendant, peut-être pour mieux aborder l’après.

C’est le jour du 13 novembre, date qui résonne encore comme un choc dans chacun d’entre nous. C’est aussi celle d’un autre anniversaire, celle d’une séparation entre deux jeunes qui voyaient la vie se dérouler  devant eux. Le destin en a décidé autrement pour Raphaëlle et Antoine, une bombe a fait éclater leurs cœurs et les corps sont partis chacun de leur côté. Avec les souvenirs et les regrets.
Au fil d’une bande-son assez originale, la narratrice raconte cet amour perdu, un temps retrouvé puis définitivement abandonné au domaine du passé. Elle y raconte sa toute jeunesse, ses désirs, ses différences avec son compagnon avec qui pourtant une symbiose des sentiments s’était formée. Un temps.

Si au départ, le lecteur peut trouver une forme un peu trop itérative, elle a sans doute été créée pour mieux exprimer les vagues de l’amour au sein d’un couple, progressivement on capte avec attention ce  va-et-vient (aucune arrière pensée derrière cette expression) entre les ambitions, les espoirs, les moments intimes, et, les doutes, les difficultés de communication. Le tout dans le contexte d’une société porté sur l’individualisme et gangrénée par une fracture sociale.

Un roman touchant sur ces fragments de vie, sur ces destins que l’on croit incassables et qui se brisent dans le fracas de cette société qui n’est guère propice aux concessions. Mais dans l’univers brutal des rêves envolés, des parcours séparés, des ambitions confuses, se dresse tout au long du récit un composant qui adoucit terriblement le terrible : la poésie. Une preuve que la catharsis par les mots permet de soulager les blessures des maux et qu’une déclaration d’amour post-séparation peut porter quelque espoir… pour réinventer la fête.

« Ton regard oscillait entre mes mains et mes lèvres. Tu les fixais comme si tu avais l’envie de recueillir chaque mot qui en émanait. Ton désir vibrait autour de moi. Parfois une ondée de tristesse venait lui porter de l’ombre, le rafraîchir, le discipliner ».

« J’ai marché jusqu’au pont de métal froid. Il me prit sur son dos de dragon. Et je me suis arrêtée sous la chaleur imaginaire d’un lampadaire-couveuse. L’horizon se profilait. La minuscule langue d’une étoile parvint à transpercer la couche de pollution qui réverbérait les lumières de la ville. Elle brillait faiblement au-dessus de moi. Les rails, comme des lignes de fuite, s’étiraient là, et portaient les derniers trains déjà effilochés par la vitesse qui fuyaient la gare du Nord. Je les regardais partir ver ces endroits que je ne connaissais pas ou trop bien. Après le vacarme de leur course, un silence épais avait avalé le pont. J’ai contemplé longtemps les vacillements du paysage. Cet imperceptible ballet nocturne. Peu à peu, la nuit a cousu mon chagrin.
A mes pieds gisait le corps ligoté de notre amour ».

Après la fête – Lola Nicolle – Editions Les Escales – Août 2019

Livre lu dans le cadre du Prix Littéraire de la Vocation 2019

Aucun commentaire:

  Noisette imaginaire   Le pays de Rêve David Diop Quelque part en Afrique une très belle jeune fille vit avec sa grand-mère dans des ba...