vendredi 11 septembre 2015


Une noisette, une interview

 

Sophie Broyet

Sylphe journalistique

 
 

A l’instar de la politique, dans les médias vivent des femmes et des hommes de l’ombre. Forcément invisibles, forcément indispensables pour que l’écran passe du noir à une colorimétrie diversifiée.

Aujourd’hui rencontre avec l’une d’elles : Sophie Broyet, la reine de l’échiquier du magazine 13H15 sur France 2. Une journaliste qui roxe du poney, électron libre pour parsemer des ions positifs sur nos ondes cathodiques.

 
1 – Sophie, la plus belle histoire c’est le 13H15 ?
Une très belle histoire. Sans aucun doute. La plus belle, non, car elle est à venir ! J’entame une quatrième saison au "13H15", le magazine de France 2. L’aventure est exaltante. Riche et formatrice. Elle est l’histoire de très jolies rencontres et d’une grande fierté. Le 13H15 est synonyme de sérieux, de professionnalisme et créativité. Je mesure ma chance de collaborer à l’un des programmes les plus innovants du PAF. Et que dire du boss… Laurent Delahousse est l’une des rares personnalités du monde de l’audiovisuel avec qui j’ai autant de plaisir à partager idées et projets. Suffisamment rare pour être souligné !

2 – Ton parcours en quelques noisettes ?
Un parcours assez atypique. Inclassable me dit-on souvent. Diplômée d’un 3è cycle en Sciences Politiques à l’IEP de Strasbourg, je pensais "faire carrière" à la Commission ou au Parlement européen. Portée par l’ombre de mon grand-père maternel que je n’ai pas connu, qui en 1952 abandonna le barreau pour fonder ce projet fou qu’était la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier) aux côtés de Robert Schuman. J’ai idéalisé ce grand-père. Et l’idée d’Europe aussi.

Mais la tentation du journalisme est venue à bout de mes desseins universitaires. Une passion qui remonte à mes années d’adolescence. Je me souviens de l’émission 7 sur 7 qu’animait Anne Sinclair sur TF1. J’avais 12-13 ans. Un rite. Tous les dimanches avant le dîner de famille.

A la sortie de mes études, c’est France Inter qui m’a offert une première chance. Puis Le Figaro et la télé ensuite. J’ai toujours eu une chance inouïe. Celle de pouvoir choisir où travailler. Et d’en partir aussi. Pour aller apprendre ailleurs. Et y apporter mon souffle. Chacune de ces expériences m’a passionnée. Toutes très différentes. Elles m’ont fondée.

3 – L’année dernière, tu as réalisé un reportage pour le 13h15, une nouvelle expérience à ton actif. Envie de recommencer si l’occasion faisait toc-toc à ta porte ?
Oui, j’ai accompagné Jérôme Kerviel dans sa marche rédemptrice sur les routes solitaires d’Italie avant que la police française ne l’arrête à Menton en mai 2014. Un doc compliqué, un personnage central complexe mais attachant. Une affaire rocambolesque dont on ne connaîtra sans doute jamais les tenants et aboutissants tant elle est politique. C’est l’histoire d’un homme, David (Jérôme K.), contre Goliath. Un scénario de fiction, en somme. De thriller politico-financier ! C’est ce qui m’a plu. J’aurais aimé faire mieux, bien mieux. J’aurais aimé travailler davantage mon angle.

4 – Des vies, des parcours, le roman d’ "Une histoire française" Et au fil des chapitres, des belles rencontres ?
De très belles rencontres, oui. Indiscutablement. Des hommes (Jean d’Ormesson, Charles Pasqua, PPDA, etc) et des femmes (Arlette Laguiller et prochainement Christine Lagarde) qui lèvent le voile sur eux-mêmes. Des interviews vérité signées Laurent Delahousse, évidemment. Mais que j’ai tellement de plaisir à travailler dans leur phase d’élaboration ainsi qu’à la réalisation et au montage. J’y mets toujours beaucoup de moi-même.

5 – Indépendance, liberté, insoumission. Trois vocables vénérés, trois concepts indissociables. Mais comment les contenir dans une jungle médiatique sous pression ?
Trois caractéristiques indispensables. Qu’il ne sert de contenir tant elles sont l’essence même de cette profession. Trois caractéristiques difficiles à canaliser lorsqu’autonomie, tempérament et créativité fondent votre personnalité. C’est mon cas, et j’avoue souvent me laisser déborder par cette propension.

Indépendance, liberté, insoumission… Trois valeurs cardinales pour notre profession, c’est certain. Et je pense qu’elles caractérisent plutôt bien France 2. Je ne suis pas peu fière de travailler pour une chaîne, qui bien que soumise aux exigences du pouvoir politique, donne chaque jour des preuves de son indépendance. Voyez Cash Investigation. Le procédé se discute, en attendant, il est culotté.

Une seule réserve, peut-être, sur la question de l’insoumission. Car le terme est trop fort pour être galvaudé. Seul Charlie Hebdo peut aujourd’hui s’en prévaloir, je pense. En en payant le prix fort…

6– Tu participes à cette séduisante initiative L'Echappée Volée où l’on s’engage plutôt que de se résigner, où l’on agit plutôt que de se lamenter. De l’optimisme, une vision différente de la société. Des rêves aussi ?
Oui. J’ai eu la chance de participer aux deux premières éditions de l’Echappée volée. Grâce à Michel Lévy-Provençal, son créateur. Cette initiative est incroyablement stimulante. Résolument optimiste, L’Echappée volée modifie le regard que l’on porte sur le monde et invite à l’action. Digitalisation de nos sociétés, éthique, intelligence artificielle… Autant de questions fondamentales qui promettent des transformations radicales les années à venir. Je trouve ça fascinant.

7 – Le 25 décembre 2004 l’ile Phi Phi a été touchée par un effrayant tsunami suite au tremblement de terre dans l’Asie du Sud-Est. Le 25 décembre 2014 tu publiais plusieurs tweets que l’on ne peut effacer de sa mémoire. Sur l’un d’eux tu écrivais "Ne pas oublier ce jour funeste et se sentir plus vivant que jamais". Un drame apocalyptique inscrit pour toujours au plus profond de toi-même?
Tout est résumé en quelques tweets, oui. Ce 24 décembre 2004 est gravé dans ma mémoire. J’ai eu la chance d’en sortir indemne. Et cette sempiternelle question : par quel miracle ai-je été épargnée ? Je cherche toujours la réponse. En attendant, cette quête me donne de la force. Je peux connaître des périodes d’abattement, comme tout le monde, mais dans le fond, rien ne me fait trembler. Rien. Sauf la mort. Et la maladie.

8 – Impossible d’échapper au quizz de l’écureuil, mais c’est pour mieux te connaître...

  • Un roman : Si c’est un homme – Primo Levi
  • Un personnage : Le Pape François
  • Un(e) ecrivain(e) : Michel Houellebecq
  • Un film : Amour
  • Une musique : Ludwig Van Beethoven, pour son envoûtante mélancolie
  • Une peinture : Pierre Soulages
  • Un animal : Squiri l’écureuil (Note: à une noisette près, je censurais la réponse)
  • Un dessert : Le Merveilleux
  • Une devise/une citation : Va, vis, deviens (Mais deviens ce que tu es)

Et pour toi Sophie, une innovation dans la série des interviews du blog pour te faire une surprise : j’ai proposé à de fidèles twittos du 13H15 et à quelques collègues de te poser une question, accompagnée selon leurs souhaits d’un commentaire noisettement panaché !

=> Commençons par quelques supporters :

 
Françoise Pellet: D’où vient l’empreinte si typique du 13H15 ? Sont-ce les journalistes qui se plient aux directives du créateur ou c’est ce dernier qui les détecte, les apprivoise, puis les façonne à la touche 13h15 ? En tout cas, au Québec, on ne rate jamais le 7H15 !!
Le 13h15 est le fruit d’un savoureux mélange de talents divers, de garçons et filles épris de créativités, curieux et généreux, ouverts sur les autres. Je crois que le 13h15 possède ce supplément d’âme qui le rend si singulier.

Valentine: Comment se déroule une journée typique quand on est journaliste à France 2 ?
De manière atypique ! Aucune journée ne se ressemble. C’est ce qui rend notre métier si plaisant. Je crois que l’on ne choisit pas cet univers pas hasard. La garantie de l’anti-monotonie par excellence. Et la promesse d’apprendre chaque jour davantage et de se nourrir de ce qui nous entoure.

 Handé: Comment vous êtes vous retrouvée dans l’équipe de Laurent Delahousse ? Une fidèle téléspectatrice adorant votre franc-parler sur Twitter !
Je ne remercierai jamais assez Erwan L’Eleouet, rédacteur en chef de l’émission Un jour un destin, de m’avoir présenté Laurent. Un rendez-vous en juillet 2012 et je démarrais au 13H15 au mois de septembre suivant.

Nadette Winograd: Fidèle du magazine 13H15, j’aimerais savoir ce que deviennent les personnes de vos reportages ? Je tiens également à vous dire toute mon admiration pour votre travail. Merci et bravo à toute l’équipe du mag.
Il n’y a pas de règle. Les journalistes ne restent pas nécessairement en contact avec les personnages qu’ils ont suivis et avec qui ils ont pu partager d’intenses moments. Il arrive cependant que l’aventure se poursuive au delà de la diffusion. Parce qu’une suite est envisagée. Ou parce que quelques téléspectateurs demandent à entrer en contact avec nos personnages. Nous tâchons alors d’assurer la mise en relation. 

Eva Facchino J’aimerais savoir si votre métier était un rêve de jeune fille ou pas . Si oui, vous vous voyiez travailler dans les médias ?
Oui. Comme répondu plus haut, ce choix remonte à mes années d’adolescence. Mon entourage m’en a souvent dissuadé (précarité, etc) mais je n’en ai jamais vraiment démordu. Et je ne le regrette pas. J’ai la chance de pouvoir affirmer que j’exerce un métier fantastique. Et surtout, que j’ai suivi mes rêves.

Adeline: Sophie, quel média préfères-tu ? Télé ou radio ? Merci, et avec mon meilleur souvenir pour ces quelques tweets échangés un 31 décembre 2012, j’ai été très touchée.
J’ai commencé par la radio. Elle m’a appris la rigueur, m’a transmis l’amour du son, des silences. En radio, rien n’est futile. Rien n’est prétexte. Tout a un sens. Je pense que le reportage télé a tout à apprendre de la radio. C’est d’ailleurs ce que j’essaie d’appliquer en montage pour le 13H15.
La télé est fascinante. Un média complet, riche mais qu’il convient d’exercer avec justesse et précision tant son "pouvoir" captive et agit sur les consciences.

Thomas : Quel est le souvenir qui vous a, pour l’instant, le plus marqué dans votre vie professionnelle ?
Tous ! Je mesure chaque jour l’immense privilège qui est le mien. Celui de pouvoir rencontrer des personnalités autrement inaccessibles pour une majorité de Français. De me nourrir de leurs connaissances et d’apprendre… Oui, apprendre. Quelle chance inestimable que de gagner sa vie à apprendre.  

Christine Duffau: Bonjour Sophie. J’aimerais comprendre comment tu fais pour travailler dans ce milieu aussi « dur » qu’est la télévision et rester une fille aussi sympa, humaine et d’esprit si ouvert aux autres ? Quelle que soit ta réponse, merci d’être celle que tu es.
Chère Christine. Que répondre à ce joli compliment…

Frédéric Reglain: Quand je vois ton attachement à l’humain, je pense que tu éprouves de l’intérêt pour l’art. Pourtant tu ne t’exprimes que rarement sur ce sujet. Quelles sont tes préférences dans ce domaine ?
Très sensible à l’art en effet. Mais très complexée aussi. De l’art en général, j’avoue n’avoir qu’une connaissance sensitive. Chez moi, l’art s’adresse à la sensibilité. Il provoque en moi réflexions et analyses qui s’affranchissent du pur rapport esthétique.

 Sucette : Coucou Princesse Sophie. Puisqu’on peut enfin te poser une question, j’en profite ! As-tu déjà embrassé une fille ? Question pour le fun hein ;-) Bisous.
Oui, bien sûr !


=> Et terminons par quelques connaissances;-)

 Laurent Delahousse: As-tu une idée pour un nouveau casting pour la série de Canal + "Catherine et Liliane" ?
Oui, et d’ailleurs Sarah Briand et moi attendons toujours notre contrat. Ne tarde pas trop, Stanley Kubrick a posé une option sérieuse…

Pauline Dordilly: Comment définis-tu ta Belgitude ?
Un soupçon de naïveté, une dose de rire facile, une propension aux gaffes, un goût prononcé pour la bière !

Eva Roque Sophie, pourquoi un piercing ?
Mon piercing à l'oreille est on ne peut plus classique. Il résulte d'une vieille lubie. Et d'un pari avec un ami qui devait se faire tatouer. (Je lui rappelle au passage qu'il n'a pas respecté son engagement !). Façon pour moi d'afficher une forme de douce rébellion. Et c'est là tout le paradoxe : chercher à casser les codes mais avec mesure. Une révolte larvée, timide, contrôlée, prudente.
PS : Je tiens à préciser que j'ai morflé...


Candice Marchal Y a t-il une personne, une phrase, un fait qui a structuré ton métier de journaliste ?
RAS

 Fabien Lasserre As-tu des projets ? Si tu avais le choix, tu te tournerais vers la fiction ? Docu fiction ou fiction documentée ?
Docu fiction. Sans hésiter. Mais pas sans toi !

 Sarah Briand Dans 5 ans, si tu devais choisir entre ces propositions, laquelle sélectionnerais-tu ?
  • Monter sur scène pour présenter ton premier one-woman-show
  • Accepter le rôle de Carrie dans la nouvelle saison de Homeland
  • Etre réalisatrice ou scénariste d’un long-métrage de fiction
  • Présenter une émission de débats à la radio
  • Changer de vie et partir faire le tour du monde.
Tout. Sans exception. J’aimerais tout tenter. Quitte à échouer. Pas grave, on se relève et on recommence. Pas de plan de carrière. Que du plaisir !


Un big bouquet de noisettes pour te remercier Sophie. Et pour partager des échappées empathiques, faire un saut sur la branche dans la direction => Sophie Broyet


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