dimanche 21 avril 2024

 

Noisette romaine

L’ami du prince

Marianne Jaeglé

 


 

L’amitié aurait pu se poursuivre, ils se connaissaient, l’un avait appris à l’autre les bases de la philosophie, les bienfaits de la sagesse humaine, le respect du peuple. En vain. Néron était au-dessus de tout, au-dessus des cœurs, au-dessus des âmes, il était LUI. Le 12 avril 65, Sénèque se donnera la mort sur ordre de l’empereur ; nous sommes au premier siècle de l’empire romain au moment où une « secte » menée par un certain Christo pourrait faire vaciller Rome victime des dérives sanguinaires, hybristiques et orgiaques.

Bien plus qu’un roman historique, L’ami du prince est une narration de l’ascension au pouvoir de Domitius, futur Néron, despote absolu à la cruauté sans fin. Quelques heures avant son suicide, Sénèque écrit une longue lettre à son confident et fidèle Lucilius sur ces quinze années passées aux côtés de Néron, son élève devenu un monstre… Un testament où Sénèque écrit le bilan de sa vie, ses espérances perdues, ses erreurs mêlées de réflexions sur la réalité du pouvoir et les illusions perdues.

Un roman qui ne s’est pas écrit en un jour. Il a fallu à la romancière se jeter à corps perdu dans des heures incalculables de recherche et relire tout ce qui a été publié au sujet de Néron, de Sénèque et de ses dernières heures toujours restées un mystère puisque que le fameux discours serait perdu, et, se référer à Tacite et Montaigne. Ensuite, se fondre dans l’ambiance de l’antiquité pour décrire jusqu’au moindre détail faits et gestes de l’époque avec l’ornementation nécessaire qu’un peintre saisirait pour illustrer l’action. En cela, Marianne Jaeglé est une biographe hors-pair qui fait valser les vocables au son des mouvements et des pensées des personnages qu’elle fait renaître le temps d’un moment, le temps des moments de vie.

À cette facilité apparente – puisque la lecture s’écoule au fil des pages comme un doux murmure, malgré la dureté de certains actes – se cache une prouesse antique dans la pure tradition des belles lettres. Le choix du sujet est audacieux puisqu’il refuse les effets de mode mais prouve en même temps que cette littérature est source d’immortalité.

L’ami du prince – Marianne Jaeglé – Éditions Gallimard/Collection L’arpenteur – Mars 2024

 

 

Aucun commentaire:

  Cocktail de noisettes Le barman du Ritz Philippe Collin   Depuis 1898, l’hôtel Ritz honore la luxueuse Place Vendôme de sa présenc...